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En pleine crise de l’aéronautique, SpaceX s’immisce au coeur de la FAA

L’entreprise d’Elon Musk va collaborer avec la FAA pour améliorer le système de contrôle aérien défaillant qui a joué un rôle central dans le terrible accident aérien de janvier 2025 – une initiative qui suscite déjà des accusations de conflits d’intérêts.

Une équipe de SpaceX a été dépêchée vers un centre de commandement de la Federal Aviation Administration, le gendarme américain de l’aéronautique, pour l’aider à concevoir un nouveau système de contrôle du trafic aérien.

Cette visite tombe au milieu d’une période difficile pour l’aviation outre-Atlantique. Fin janvier, un terrible accident a eu lieu lorsqu’un hélicoptère de l’armée et un avion d’American Airlines sont entrés en collision au-dessus de Washington DC, coûtant la vie à 67 personnes. Certains analystes n’ont pas tardé à rappeler que les effectifs de l’agence américaine sont notoirement très limités, avec un manque criant de contrôleurs aériens – une situation qui a sans doute joué un rôle dans cet incident.

Mais Donald Trump semble avoir une vision très différente de la situation. Dans le cadre du grand ménage administratif lancé par son gouvernement, qui a déjà supprimé plus de 75000 postes de fonctionnaires depuis janvier dernier, “plusieurs centaines” d’employés de la FAA ont été renvoyés à leur tour, selon CNN. Une décision fortement critiquée par les opposants au gouvernement ainsi que les syndicats, qui y voient un acte irresponsable dans le contexte actuel.

« Ces décisions devraient être fondées sur les besoins essentiels à la mission de chaque organisme », a déclaré David Spero, président du syndicat PASS cité par CNN. « Agir autrement est dangereux lorsqu’il s’agit de sécurité publique. Et c’est particulièrement inadmissible au lendemain des accidents mortels survenus le mois dernier.»

SpaceX à la rescousse

Pour compenser ces départs, le gouvernement a décidé d’actionner un levier différent; au lieu de faciliter le recrutement de nouveaux contrôleurs, le sénateur Sean Duffy a annoncé qu’il avait été chargé de poser les fondations d’un nouveau système de contrôle aérien plus performant. Et pour y parvenir, il a fait appel à… Elon Musk, le nouveau meilleur ami du sulfureux Président. Ce dernier a choisi d’envoyer une équipe de SpaceX dans un centre de commandement aérien de Virginie, afin que cette task-force puisse aider la FAA à moderniser son système.

Ce choix, pas surprenant dans l’absolu, a toutefois suscité des critiques virulentes de l’autre côté de l’Atlantique. Il convient de noter que SpaceX et la FAA entretiennent des relations notoirement conflictuelles. Et dans ce contexte, on peut légitimement se demander si SpaceX est un choix pertinent pour entreprendre cette refonte du système de contrôle aérien.

Le loup dans la bergerie ?

Pour rappel, l’agence est notamment chargée d’attribuer les licences de vol des fusées qui décollent depuis le territoire américain, à commencer par le fameux Starship de SpaceX. Or, ce processus a tendance à traîner en longueur, au grand dam d’Elon Musk qui souhaite enchaîner les tirs le plus rapidement possible pour amener son engin révolutionnaire à maturité dans les plus brefs délais. Cette dynamique a généré d’importantes frictions entre les deux camps. On se souvient notamment du feuilleton de l’automne 2024, où Musk a intenté un procès pour obstruction à la FAA quand cette dernière a tenté de mettre SpaceX face à ses responsabilités administratives.

On note aussi une potentielle incompatibilité entre les objectifs de cette mission et la philosophie entrepreneuriale d’Elon Musk, qui consiste à avancer à toute vitesse quitte à enchaîner les échecs tant que cela accélère le processus d’innovation. Le Starship est un bon exemple de cette manière de fonctionner. Mais ici, nous ne parlons pas d’une fusée révolutionnaire. Il s’agit de garantir la sécurité de dizaines de millions de passagers en développant un système de contrôle aérien très solide, dans un contexte où le droit à l’erreur n’existe pas.

Sans surprise, certains observateurs n’ont pas manqué de crier au conflit d’intérêts majeur. À la fois parce que SpaceX est un prestataire majeur du gouvernement américain, mais aussi parce que le milliardaire est notoirement proche du nouveau Président et officie désormais en tant que chef du Department of Government Efficiency – une entité formée spécifiquement pour superviser le grand ménage administratif dont la FAA a été victime. Il a donc joué un rôle certes indirect, mais tout de même important dans le licenciement de ces “centaines” d’employés.

Et ce n’est probablement qu’un début. À plus long terme, son influence et sa proximité avec Donald Trump lui fourniront sans doute de nombreuses opportunités d’influencer le fonctionnement et les réglementations du gouvernement fédéral – y compris sur les points qui concernent directement ses propres entreprises. Il sera donc intéressant de suivre les conséquences de ce rapprochement peu conventionnel sur les quatre prochaines années.

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