Le Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle, qui s’est ouvert ce lundi à Paris, devait être l’occasion pour la communauté internationale de commencer à s’entendre sur la manière dont cette technologie devra être utilisée (ou pas) à l’avenir. Malheureusement, tout espoir de consensus vient de voler en éclats ; d’après Reuters, les États-Unis et le Royaume-Uni ont décidé de jouer les trouble-fêtes en refusant de signer l’une des principales déclarations communes censées émerger de l’événement.
Le contenu exact du texte en question, appelé « Déclaration sur l’intelligence artificielle inclusive et durable », ne semble pas avoir filtré pour le moment. On sait toutefois qu’il devait servir à poser les fondations d’une politique commune par rapport à l’utilisation des outils basés sur l’IA. Le mot d’ordre : s’assurer que l’IA restera « ouverte, transparente, sécurisée et digne de confiance », mais aussi « durable pour la planète et ses populations ».
Au total, une soixantaine de nations ont apposé leur signature au bas du document hier : de nombreux pays européens, mais aussi le Canada, l’Inde, le Japon ou encore la Chine. Le Royaume-Uni et leur ancienne colonie, en revanche, ont décidé de faire l’impasse, sans expliquer clairement pourquoi. Mais quelques déclarations donnent tout de même une petite idée de leurs motivations.
Des réticences stratégiques…
Côté britannique, les émissaires du gouvernement ont apparemment estimé que la signature de ce texte n’allait pas dans le même sens que leurs intérêts stratégiques. Le porte-parole du Premier ministre Keir Starmer, cité par le Guardian, a en effet déclaré que son pays ne « s’engagerait dans aucune initiative qui n’est pas dans l’intérêt national » du Royaume-Uni.
Selon la même source, il a toutefois ajouté que son pays avait tout de même accepté de rejoindre la Coalition pour l’IA durable et apporté son soutien à une autre déclaration commune sur la cybersécurité. Deux points qui montrent que nos voisins d’outre-Manche ne sont pas entièrement réticents à toute forme de coopération sur ce sujet.
Les réticences des Américains semblent toutefois plus marquées. JD Vance, le Vice-Président des États-Unis, s’est d’abord illustré à travers une allocution où il a durement critiqué les « régulations excessives » mises en place par l’Europe, qui pourraient selon lui « tuer cette industrie transformatrice ».
Un positionnement pas surprenant. Le modèle américain est largement basé sur le fait de laisser une grande marge de manœuvre aux géants de l’industrie. L’Europe, de son côté, se montre de plus en plus stricte à leur égard à travers des textes comme le DSA, qui impose certaines restrictions aux réseaux sociaux pour la plupart américains. Du point de vue de l’administration américaine, le refus de cette signature est donc une façon de préserver la mainmise actuelle des géants américains de l’IA, comme OpenAI, Google, Microsoft, ou Meta, pour ne citer qu’eux.
…mais aussi politiques
Mais ce n’est apparemment pas le seul élément qui a motivé l’abstention américaine. Un autre élément, encore plus politique, a émergé du discours de Vance : il semble que le gouvernement de Donald Trump ait profité de l’occasion pour marquer sa ferme opposition à toute alliance avec la Chine. « S’allier à de tels régimes n’est jamais rentable sur le long terme », cite le Guardian.
Là encore, il ne s’agit pas vraiment d’une surprise, connaissant les relations plus que tendues entre les deux superpuissances. Il est toutefois regrettable que l’Oncle Sam ait détourné cette opportunité de renforcer la coopération internationale pour s’offrir une occasion de tacler son rival devant la planète entière.
Il n’est pas exclu que l’abstention de ces deux poids lourds contribue à l’émergence de deux camps distincts, ce qui n’est pas idéal connaissant l’importance stratégique et économique croissante de cette technologie. Il sera donc intéressant de voir quel impact ce traité va avoir sur l’évolution de l’industrie à l’échelle globale à moyen et long terme.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.