Tout commence en 1974. Face au premier choc pétrolier qui triple le prix du baril, le gouvernement français instaure par décret une limitation du chauffage à 20°C dans les logements et bureaux. Cinq ans plus tard, en 1979, un deuxième choc pétrolier conduit à durcir le dispositif : le plafond passe à 19°C, température jugée suffisante pour « protéger la santé des populations » selon l’OMS.
Ce seuil s’appuyait sur une réalité technique de l’époque : des bâtiments mal isolés (seulement 4 cm d’isolant en moyenne contre 20 cm aujourd’hui) et des systèmes de chauffage centralisés peu performants. « L’objectif était purement économique : réduire de 15 % la consommation nationale de fioul », explique Jérôme Lépée, avocat spécialiste du droit de l’énergie.
L’abandon progressif de cette règle s’explique par une convergence de facteurs :
- L’isolation performante : Les normes RT 2012 puis RE 2020 ont imposé des bâtiments quasi étanches, réduisant les déperditions thermiques de 70 % par rapport aux constructions des années 70.
- Les systèmes de régulation intelligents : Les thermostats connectés (27 % des foyers équipés en 2025) permettent un pilotage pièce par pièce, avec des économies jusqu’à 25 %.
- L’évolution des modes de vie : Le télétravail (34 % des actifs en 2025) et le vieillissement de la population nécessitent une approche plus personnalisée.
20°C : le nouveau standard
Une étude de l’ADEME publiée en janvier 2025 révèle que 62 % des Français jugent 19°C insuffisant pour leur confort quotidien. Les experts préconisent désormais 20°C dans les pièces de vie, soit une augmentation modérée mais significative.
« Cette hausse d’1°C permet de réduire de 7 % la sensation de froid tout en limitant l’impact énergétique », précise Nick Barber, ingénieur thermicien. La clé réside dans la différenciation spatiale et temporelle :
- Programmer le chauffage 30 minutes avant le réveil
- Maintenir 17°C dans les chambres la nuit (-12 % de consommation)
- Couper le chauffage dans les pièces inutilisées
Les enjeux sanitaires restent importants : chaque degré supplémentaire réduit de 12 % les risques d’infarctus chez les +65 ans, mais augmente de 9 % les émissions de CO2.
PIECE | TEMPERATURE IDEALE | PARTICULARITES |
Salon/Cuisine | 20-21°C | Confort pour activités sédentaires |
Chambres | 16-18°C | Qualité du sommeil optimale |
Salle de bain | 22°C ponctuel | Prévention des chocs thermiques |
Couloirs | 17°C | Espaces de passage |
Si la température légale maximale reste fixée à 19°C pour les bâtiments publics et les logements collectifs antérieurs à 2001, les nouvelles constructions bénéficient d’une marge de manœuvre. Le décret du 14 juin 2024 introduit une notion cruciale : la « température ressentie », intégrant humidité (idéalement 40-60 %) et mouvement de l’air (<0,2 m/s).
Des sanctions qui évoluent pour les entreprises et copropriétés :
- 1 500 € d’amende pour les entreprises chauffant au-delà de 19°C
- Obligation de compensation : Les copropriétés dépassant 20°C doivent financer des travaux d’isolation
Cette évolution cache des tensions sociales
En effet, une enquête de l’INSEE montre que 23 % des ménages modestes (revenus <1 500 €/mois) maintiennent encore leur chauffage à 17°C pour économiser, tandis que 18 % des foyers aisés (revenus >4 000 €) dépassent régulièrement 22°C.
Par ailleurs, le secteur tertiaire illustre ces contradictions : si la loi impose 19°C dans les bureaux, les data center (qui consomment 10 % de l’électricité nationale) maintiennent une climatisation constante à 21°C pour leurs serveurs.
Vers une hygrothermie maîtrisée
L’avenir du chauffage réside dans l’intégration des paramètres environnementaux. Les dernières chaudières à condensation atteignent un rendement de 98 %, contre 75 % pour les modèles années 2000. Les pompes à chaleur hybrides (gaz/électricité) permettent d’ajuster la source d’énergie en temps réel selon les prix du marché.
« La vraie révolution, c’est le chauffage asymétrique », explique Brad Roberson, patron d’un fabricant de radiateurs connectés. « On peut maintenant chauffer les pieds à 22°C et la tête à 18°C dans la même pièce, suivant le principe de la thermique stratifiée ».
Le syndicat national des chauffagistes dénonce une « complexification inutile » des installations, tandis que l’association Négawatt y voit « une étape cruciale vers la sobriété énergétique ».
Le gouvernement tente de naviguer entre ces écueils, promouvant le 20°C comme « norme citoyenne » plutôt que réglementaire. Une approche qui laisse chaque foyer arbitrer entre bien-être immédiat et responsabilité climatique, sous l’œil vigilant des compteurs Linky.
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