La pression budgétaire qui s’exerce en ce moment sur la division scientifique de la NASA risque d’avoir un impact négatif sur la mission du James Webb Space Telescope, selon des porte-paroles de l’institution qui se sont exprimés à l’occasion d’une table ronde relayée par SpaceNews.
Cela fait plusieurs années que la NASA se débat avec des budgets plus serrés que prévu. Elle doit donc faire des choix difficiles et des concessions parfois regrettables pour trouver un équilibre entre ses besoins à court terme et ses objectifs stratégiques sur le long terme.
Des coupes budgétaires à l’impact très concret
Des contraintes à l’impact non négligeable, puisqu’elles ont déjà généré des délais importants dans l’organisation de certaines missions et parfois même des modifications substantielles de ces programmes.
L’un des exemples les plus représentatifs de cette dynamique concerne Mars Sample Return. Pour rappel, il s’agit d’un programme dont l’objectif sera d’aller récupérer les inestimables échantillons de sol martien que Perseverance, le formidable rover qui recherche actuellement des traces de vie passée sur la Planète rouge, est en train de collecter. La NASA prévoit d’aller récupérer ces petits flacons remplis de roche et de poussière pour maximiser le rendement scientifique de cette mission aux retombées potentiellement historiques.
Le souci, c’est que le programme est incroyablement complexe, et par extension, extrêmement onéreux. Un rapport accablant publié l’année dernière a notamment pointé du doigt le fait que le budget prévisionnel était passé de… 4 à 11 milliards de dollars en l’espace de quelques années. Or, en parallèle, le budget alloué à la mission n’a cessé de fondre à cause de ces contraintes budgétaires; pour l’année 2024, il est passé de 949 millions à environ 300 millions. Une dynamique très inquiétante connaissant l’importance capitale de Mars Sample Return. Pour faire face à ce manque de moyens, la NASA a donc été forcée de repenser complètement l’architecture de la mission.
Le James Webb va aussi devoir se serrer la ceinture
Désormais, on commence à voir émerger une situation comparable avec le James Webb Space Telescope. Il s’agit du télescope spatial le plus performant de notre ère, un véritable bijou d’ingénierie qui ne cesse de repousser les limites de l’astronomie (au propre comme au figuré) à chaque observation.
Pour continuer sur la même voie, la division de la NASA en charge de l’engin a demandé un total de 187 millions de dollars pour l’année fiscale 2025. Mais selon Tom Brown, qui supervise la mission du JWST au Space Telescope Science Institute de la NASA, l’enveloppe finale sera probablement bien plus maigre.
« Il est demandé à l’institut d’envisager une réduction significative — d’environ 20 % — de notre budget opérationnel pour la mission », a-t-il déclaré à l’occasion de la table ronde citée par SpaceNews. Cela se manifesterait par des coupes substantielles « à peu près à tous les niveaux de la mission », de la productivité scientifique au soutien financier des astronomes en passant par la maintenance.
Une perspective particulièrement inquiétante dans le contexte actuel. En effet, cette perte nette de moyens intervient au beau milieu d’une période faste pour l’astronomie, où de plus en plus de spécialistes se bousculent au portillon pour réserver du temps d’observation. Lors de la dernière série de propositions de projets, les astronomes du monde entier ont demandé un total de 78 000 heures d’observation. C’est déjà plus de neuf fois supérieur à ce que la NASA sera capable de débloquer — et ce ratio risque de gonfler encore davantage avec ces nouvelles coupes budgétaires. Le cas échéant, il faudra donc faire une croix sur une ribambelle d’études plus prometteuses les unes que les autres.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de ce bras de fer entre les scientifiques et les comptables de la NASA, sachant que le leadership de l’agence entame une grande phase de transition. Bill Nelson, l’ancien administrateur général qui a officié pendant tout le mandat de Joe Biden, a toujours été un fervent défenseur du JWST. Or, il s’apprête à être remplacé par Jared Isaacman, un leader au profil radicalement différent qui, si l’on se base sur son CV, semble davantage focalisé sur l’exploration et la conquête spatiale.
Fera-t-il autant d’efforts que son prédécesseur pour maintenir le JWST à flot ? Ou donnera-t-il la priorité à la colonisation martienne dont rêve son partenaire et ami Elon Musk, lui-même très proche de la Maison-Blanche ? Rendez-vous d’ici quelques mois pour les premiers éléments de réponse.
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