L’intelligence artificielle dans les œuvres artistiques est loin d’être l’outil le plus populaire du moment et cela ne va pas aller en s’arrangeant. Il suffit de voir le tollé qu’a reçu l’utilisation de l’IA pour recréer la voix d’Alain Dorval pour le prochain film de Sylvester Stallone, Armor, prévu pour le mois de mars prochain sur Prime Video. Les doubleurs français n’ont pas apprécié la manœuvre alors que ce genre de pratiques pourrait se voir de plus en plus être normalisé. Et ce n’est pas The Brutalist qui va faire redescendre le soufflé.
Le film de Brady Corbet, avec Adrien Brody en vedette, a fait usage de l’intelligence artificielle lui aussi. Le long-métrage est favori aux Oscars 2025 avec dix nominations : meilleur film, meilleur acteur, meilleur scénario original, meilleur réalisateur, meilleur acteur secondaire, meilleure actrice secondaire, meilleure musique de film, meilleurs décors, meilleure photographie et meilleur montage. Justement, c’est le monteur du film, David Jancso, qui est monté au créneau pour défendre le choix du recours à l’IA. Suivi par son réalisateur, Brady Corbet en personne.
L’IA pour retoucher et corriger, pas pour recréer
Que reproche-t-on au juste à The Brutalist ? D’avoir utilisé l’intelligence artificielle pour le rendu des accents hongrois d’Adrien Brody et Felicity Jones, ainsi que pour la création de bâtiments dans les séquences finales du film. Réponse des intéressés : “Ma langue maternelle est le hongrois et je sais que c’est l’une des plus difficiles à apprendre à prononcer, a expliqué David Jancso au média The Red Shark News. Même avec les origines hongroises d’Adrien, ce n’est pas si simple. C’est une langue très particulière. Nous l’avons coaché, tout comme Felicity Jones, et ils ont tous les deux fait un travail fabuleux, mais nous voulions aussi le perfectionner de manière à ce que même les gens du pays ne remarquent aucune différence.”
“Nous avons d’abord enregistré les performances avec les acteurs, même les intonations les plus compliquées, poursuit le monteur. Puis nous avons essayé de les refaire complètement avec d’autres comédiens, mais cela n’a pas fonctionné. Nous avons donc cherché d’autres moyens de les améliorer. La plupart de leurs dialogues en hongrois contiennent ainsi une partie de ma voix. Nous avons fait très attention à conserver leurs performances. Il s’agit principalement de remplacer des lettres ici et là”.
David Corbet a emboîté le pas de son collègue auprès de Deadline, en rappelant lui aussi que l’usage du logiciel Respeecher et de son IA générative, n’a été fait que dans un souci de retouche vocale, “uniquement pour le montage des dialogues en hongrois, afin d’affiner certaines voyelles et lettres pour plus de précision. La langue anglaise n’a pas été modifiée, poursuit Corbet. Il s’agissait d’un processus manuel, réalisé par notre équipe son et Respeecher en post-production. L’objectif était de préserver l’authenticité des performances d’Adrien et de Felicity dans une autre langue, et non de les remplacer ou de les modifier, et ce dans le plus grand respect du métier.” D’ailleurs, The Brutalist n’est pas le seul film en lice aux Oscars 2025 à avoir eu recours à ce genre de technique. C’est le cas d’Emilia Perez également avec la voix de Karla Sofia Gascon.
En revanche, pas d’usage de l’IA pour la séquence de fin du film assure le réalisateur. “Judy Becker et son équipe n’ont pas eu recours à l’IA pour créer ou restituer les bâtiments, assure-t-il, toujours auprès de Deadline. Toutes les images ont été dessinées à la main par des artistes. Pour clarifier, dans la vidéo commémorative présentée en arrière-plan d’un plan, notre équipe éditoriale a créé des images intentionnellement conçues pour ressembler à des rendus numériques médiocres datant de 1980.”
Une influence négative sur les votes ?
En réalité, l’IA a bel et bien été utilisée, via Midjourney, selon une confession de David Jancso, mais juste dans un souci de conception des fameux bâtiments. Ces derniers ont ensuite été redessinés comme indiqué par Corbet par les équipes du film. Pas de souci donc finalement pour The Brutalist, vainqueur de trois Golden Globes cette année (meilleur film dramatique, meilleur acteur et meilleure réalisation) et du Lion d’Argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise ?
La polémique existe tout de même. D’autant plus après les prises de positions fortes de la part de l’industrie aux Etats-Unis et à la grosse grève qui avait eu lieu en 2023, avec comme un des griefs de la part des grévistes (acteurs comme scénaristes d’ailleurs) l’intégration et l’utilisation de l’IA dans la création et la production de films. Mais l’Académie des Arts et des Sciences du cinéma, qui organise les Oscars, n’a pas réagi de son côté sur l’usage de ce procédé et à date, The Brutalist concourt bien dans les dix catégories dans lequel il est engagé. Reste à savoir si cela aura un impact sur le résultat des votes, notamment pour ce qui est du meilleur acteur et de la performance d’Adrien Brody. Réponse dans la nuit du 3 mars prochain, lors d’une cérémonie à suivre sur la plateforme Disney +. En attendant, le public français pourra découvrir The Brutalist, qui suit sur 30 années l’histoire de Lazlo Toth, un architecte juif qui émigre avec sa femme aux Etats-Unis pour pouvoir vivre son rêve américain, le 12 février dans les salles.
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