Historiquement, l’industrie chinoise des semiconducteurs a toujours accusé un retard immense sur les leaders du secteur. Mais le vent est en train de tourner ; depuis quelques années, l’écosystème technologique du pays gagne en maturité à une vitesse très impressionnante. Récemment, un nouvel exemple assez éloquent est venu illustrer cette dynamique. Selon un rapport de l’agence de presse Nikkei relayé par Tom’s Hardware, un des plus gros fondeurs chinois vient de s’attacher les services d’un poids lourd aux états de service longs comme le bras, et il pourrait bien aider sa nouvelle écurie à passer dans une nouvelle dimension.
L’entreprise en question, Hua Hong Semiconducors, n’est pas particulièrement connue de notre côté de la planète. Il s’agit pourtant d’un acteur important de cette industrie ; à l’heure où ces lignes sont écrites, c’est le deuxième fondeur le plus important de Chine, et le sixième à l’échelle globale.
Aujourd’hui, la firme est tout de même loin de rivaliser avec les vrais titans du secteur, à commencer par l’incontournable TSMC et sa part de marché supérieure à 60 %. C’est en grande partie parce qu’elle accuse un retard technologique considérable par rapport au mastodonte taïwanais. Ce dernier propose déjà ses services de lithographie de pointe : 3 nm en production de masse, et un processus 2 nm en cours de préparation. Le catalogue d’Hua Hong, en revanche, repose sur des processus de fabrication beaucoup plus datés. Ses produits les plus avancés sont gravés en 40 nm, ce qui est largement insuffisant pour alimenter les puces de nouvelle génération auxquelles l’industrie est désormais habituée.
Un poids lourd d’Intel à la rescousse
Mais pour entrer dans le cercle fermé des fondeurs d’élite, l’entreprise va pouvoir compter sur une nouvelle recrue très prometteuse : il s’agit de Bai Peng, un vétéran de l’industrie qui a passé trois décennies chez Intel. Au sein de l’écurie bleue, il a notamment piloté la conception et la production de plusieurs générations de composants avancés, des SoC à la mémoire vive en passant par le stockage NVME. Il dispose donc d’un large champ d’expertise technique, d’une connaissance intime des processus de développement et de mise sur le marché, et d’une excellente vue d’ensemble de l’industrie. C’est typiquement le genre de profil qui pourrait aider Hua Hong à passer à la vitesse supérieure.
En tant que nouveau président, il disposera d’une marge de manœuvre significative pour pousser l’entreprise dans cette direction. Il pourra d’ailleurs compter sur de nouveaux partenariats à fort potentiel. Selon Tom’s Hardware, STMicroelectronics (un des principaux fabricants de puces européens) a récemment annoncé son intention de sous-traiter une partie de sa production à Hua Hong, ce qui devrait consolider à la fois sa légitimité internationale ainsi que son bilan financier.
Certes, l’arrivée de Bai Peng ne va pas transformer Hua Hong du jour au lendemain. Il faudra attendre plusieurs années avant qu’elle soit en position de proposer des finesses de gravure à un chiffre, comme TSMC le fait déjà depuis l’introduction de son processus 7 nm en 2018, et encore davantage pour se positionner parmi les leaders de l’industrie.
Des recrues à l’impact significatif
Mais il va sans doute contribuer à poser des bases solides pour lancer ce processus de transformation — et l’Histoire nous a déjà montré que cette approche basée sur des transfuges bien référencés pouvait produire des résultats très concrets.
On peut notamment citer l’exemple de Semiconductor Manufacturing International Corp (SMIC), qui occupe actuellement la place de leader des semiconducteurs sur le marché chinois. Ces dernières années, l’entreprise a affiché des progrès assez spectaculaires, notamment avec l’introduction d’un procédé de gravure en 7 nm plus si éloigné de ce que proposent les leaders du marché. Et surtout, l’entreprise n’a eu besoin que de deux ans pour passer du 14 nm au 7 nm. Cela représente un progrès fulgurant, surtout dans un contexte où le pays est frappé par de nombreuses sanctions qui l’empêchent d’accéder aux équipements de lithographie les plus avancés. Pour le remettre en perspective, rappelons que TSMC et Samsung ont respectivement eu besoin de trois et cinq ans pour franchir ce palier.
Or, SMIC doit une part significative de ces progrès à l’arrivée de son co-PDG Liang Mong Song — une pointure de l’industrie qui a fait ses armes chez… TSMC. Cela montre que le fait d’intégrer un vétéran de l’industrie à ses effectifs peut complètement changer la donne. Hua Hong réussira-t-il à faire de même grâce à sa nouvelle recrue ? Il est encore trop tôt pour se prononcer, mais il s’agit d’une vraie possibilité.
Le bras de fer sino-américain continue
Plus largement, cela montre aussi que l’industrie des semiconducteurs chinoise continue de progresser en dépit des efforts des États-Unis, qui cherchent activement à « contrer » cet essor technologique avec des initiatives comme le Chips & Science Act.
Certains analystes affirment même que ces mesures, censées mettre la Chine dos au mur, ont directement contribué à son dynamisme actuel. Il sera donc très intéressant d’observer l’évolution de ces rapports de force dans un contexte où Donald Trump, qui vient de reprendre ses quartiers à la Maison-Blanche, semble plus déterminé que jamais à mettre des bâtons dans les roues au pays de Xi Jinping.
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