Des astronomes ont récemment tiré la sonnette d’alarme par rapport au futur du plus grand télescope de la planète, donc les opérations pourraient être mises en péril par un vaste projet d’énergie renouvelable. Une friction qui montre
L’observatoire en question n’est autre que le Very Large Telescope (VLT), fer de lance de l’arsenal scientifique du prestigieux European Southern Observatory (ESO). Cet appareil formidable, constitué de quatre super-télescopes travaillant de concert, est bien connu de tous les spécialistes. Et pour cause : au fil des années, il a contribué à une montagne de découvertes majeures en astronomie dans des domaines divers et variés.
C’est par exemple grâce à lui que nous avons pu confirmer l’existence de Sagittarius A*, le trou noir supermassif au centre de notre Voie lactée. Il a aussi capturé le tout premier cliché d’une exoplanète en dehors du système solaire, documenté l’accélération de l’expansion de l’Univers, et mis en évidence la fameuse toile cosmique qui s’étend d’un bout à l’autre du cosmos.
Un écrin exceptionnel menacé par un projet industriel
Ces performances exceptionnelles, le VLT les doit en partie à sa localisation privilégiée sur le mont Paranal, un sommet situé en plein milieu du désert chilien de l’Atacama. C’est un endroit exceptionnellement propice à l’astronomie ; en plus d’être protégé par les Andes qui garantissent un ciel clair quasiment toute l’année, c’est aussi l’un des derniers endroits sur Terre qui est entièrement épargné par la pollution lumineuse, ce qui permet de capturer des images à la clarté exceptionnelle.
« C’est de loin l’endroit le plus sombre où nous ayons jamais installé un observatoire au monde », a déclaré Xavier Barcons, directeur général de l’ESO, dans une interview à Space.com.
Mais cela pourrait bientôt changer à cause du dernier projet d’une entreprise américaine, qui pourrait venir polluer cet environnement idéal — avec tout ce que cela implique pour le potentiel scientifique de l’observatoire.
La firme en question, AES Energy, est spécialisée dans les énergies renouvelables. Récemment, elle a annoncé son intention de lancer un vaste projet de production d’énergie verte à 10 milliards de dollars dans la région. Au menu : trois fermes solaires, trois fermes éoliennes, un site de production d’hydrogène renouvelable, et une énorme structure dédiée au stockage de toute cette énergie.
Dans le contexte environnemental actuel, cela ressemble fort à une très belle initiative qui mérite d’être applaudie des deux mains… ou du moins, ça serait le cas si le chantier n’était pas prévu à quelques kilomètres seulement du sommet où est juché le télescope. Selon l’ESO, ce complexe industriel va générer une pollution lumineuse comparable à celle d’une ville de 20 000 habitants. Et à cette distance, il aurait un impact absolument désastreux sur l’activité de l’observatoire et de son successeur l’Extremely Large Telescope, qui est actuellement en construction.
« Avec à ce projet, la luminosité du ciel va augmenter jusqu’à 10 %. Et cela suffit à faire la différence entre le meilleur observatoire du monde et un lieu d’observation moyen », se désolé Barcons. « Nous pourrions perdre la capacité d’observer environ 30 % des galaxies les moins lumineuses. Nous sommes sur le point de commencer à voir les détails de l’atmosphère des exoplanètes, mais si le ciel devient plus lumineux, nous ne pourrons peut-être plus voir ces détails », martèle-t-il.
L’industrie et l’astronomie : je t’aime, moi non plus
Les troupes de l’ESO ont donc formellement demandé à ce que le projet soit déplacé d’une cinquantaine de kilomètres, afin que ce projet fondamentalement bénéfique pour l’industrie de l’énergie américaine puisse se poursuivre sans ruiner le poste d’observation le plus exceptionnel de la planète. La bonne nouvelle, c’est que les plans du projet n’ont pas encore été officiellement validés ; il y a donc de bonnes chances que les deux camps réussissent à trouver un terrain d’entente.
Plus largement, cette friction est une excellente illustration d’une dynamique de plus en plus préoccupante pour les astronomes. En effet, c’est une discipline de pointe qui bénéficie directement des progrès technologiques. Mais plus la technologie avance, plus les sources de pollution lumineuses deviennent nombreuses, et il n’est pas toujours évident de satisfaire tout le monde.
La constellation Starlink de SpaceX en est un bon exemple. D’un côté, elle permet à des communautés isolées de bénéficier d’une connexion Internet quasiment vitale à notre époque ; mais de l’autre, cette armada de satellites a aussi tendance à photobomber les clichés de nombreux télescopes, ruinant ainsi des observations que les astronomes attendaient parfois depuis des années.
Il sera donc intéressant de suivre l’évolution de ces discussions, car un précédent majeur pourrait bien en émerger. Si AES accepte de relocaliser son installation, il s’agira d’un signal fort qui montrera que l’industrie et la communauté scientifique sont capables de travailler main dans la main pour faire progresser l’humanité. Dans le cas contraire, il y a un vrai risque que l’astronomie soit systématiquement sacrifiée sur l’autel du business, ce qui n’augurerait rien de bon pour l’avenir de cette discipline à la fois passionnante et très importante. Rendez-vous d’ici quelques mois pour les premiers éléments de réponse.
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