La question de la réquisition de l’épargne des Français par l’État suscite de nombreuses inquiétudes, particulièrement dans un contexte où la dette publique française atteint des sommets historiques. Au deuxième trimestre 2024, la dette publique française a atteint 3 228 milliards d’euros, soit 112 % du PIB national. Cette situation a déclenché une procédure pour déficit excessif de la part de l’Union européenne, accentuant les tensions politiques et économiques. Face à cette situation préoccupante, il est légitime de s’interroger.
NON mais…
En réalité, l’État français ne dispose pas du pouvoir de réquisitionner arbitrairement l’épargne des citoyens. Le droit de propriété est fermement protégé par la Constitution française, notamment par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Les Codes civil et pénal interdisent explicitement toute saisie de biens privés, y compris l’épargne, sans un cadre légal précis et défini.
Cependant, il existe des situations spécifiques où l’État peut intervenir sur l’épargne des Français. Le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) et la Banque de France disposent de la capacité de bloquer temporairement les fonds en cas de crise bancaire majeure. Il est important de noter qu’il s’agit d’un gel temporaire et non d’une confiscation, limité dans le temps à 6 mois maximum pour les assurances-vie, avec une seule possibilité de renouvellement.
Un autre mécanisme existe au niveau européen : la directive sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances (BRRD). Cette mesure de renflouement interne, entrée en vigueur en 2016 en France, permet aux établissements bancaires de solliciter leurs actionnaires et créanciers en cas de faillite. Toutefois, cette disposition ne concerne que les dépôts supérieurs à 100 000 euros, protégeant ainsi la majorité des épargnants français.
Les livrets d’épargne réglementés comme le Livret A, le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) et le Livret d’Épargne Populaire (LEP) bénéficient d’une garantie totale de l’État. Cette protection s’ajoute au système de garantie des dépôts qui couvre jusqu’à 100 000 euros par déposant et par établissement bancaire via le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR).
…il y a d’autres moyens
Pour faire face à sa dette, l’État dispose en réalité de nombreux autres leviers plus conventionnels et moins controversés. La fiscalité reste le principal outil pour augmenter les recettes de l’État. Le nouveau Ministre de l’Économie, Eric Lombard, a récemment annoncé que l’augmentation des impôts était inévitable.
La réduction des dépenses publiques est une autre piste fréquemment évoquée. Le nouveau Premier ministre François Bayrou a annoncé que “des économies importantes seront proposées pour la suite“, sans toutefois les détailler.
L’État peut également encourager l’investissement public en émettant des obligations d’État, comme les bons du Trésor. Cette approche permet de lever des fonds tout en offrant aux citoyens et aux investisseurs institutionnels une opportunité de placement.
Des évolutions récentes
Il est important de noter quelques développements récents :
- Le Sénat a voté le 5 mars 2024 une proposition de loi visant à flécher une partie de l’épargne du livret A vers des entreprises de l’industrie de la défense. Cette mesure reste controversée et doit encore être examinée par l’Assemblée nationale.
- Suite à la censure du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024, une loi spéciale a été adoptée pour reconduire les budgets de la loi de finances initiale 2024.
- Le nouveau gouvernement a revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2025, la fixant à 0,9% contre 1,1% précédemment. L’objectif de déficit public a été fixé à 5,4% du PIB pour cette année.
Bien que la dette publique française soit un sujet de préoccupation majeur, la réquisition de l’épargne des citoyens pour la rembourser reste un scénario hautement improbable et juridiquement complexe. L’État dispose de moyens d’action en cas de crise majeure, mais ceux-ci sont strictement encadrés et visent avant tout à préserver la stabilité du système financier plutôt qu’à ponctionner l’épargne des citoyens.
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