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Physique quantique : l’étau se ressere autour des mystérieuses paraparticules

Des chercheurs ont élaboré un nouveau modèle mathématique qui suggère que les paraparticules, une nouvelle grande famille de particules autrefois jugée incompatible avec les lois de la physique, pourrait en fait contribuer à façonner notre monde.

Pour décrire le monde qui nous entoure à la plus petite des échelles, les physiciens s’appuient largement sur ce qu’on appelle le modèle standard de la physique des particules. C’est grâce à ce cadre théorique extrêmement solide que nous sommes capables classifier toutes les particules élémentaires connues dans différents groupes et surtout dans deux grandes familles, les bosons et les fermions.

Mais cette ménagerie est peut-être sur le point de s’agrandir. Dans une étude récente, des physiciens ont renforcé l’idée qu’une autre catégorie de particules exotiques pourrait exister dans notre monde : dites bonjour aux paraparticules, des objets mystérieux qui vont sans doute se retrouver au cœur d’une fascinante quête scientifique ces prochaines années.

Bosons et fermions, les deux grandes familles du monde quantique

Pour cerner les tenants et les aboutissants de ces travaux, il faut remonter environ un siècle en arrière, à l’époque où les physiciens commençaient tout juste à comprendre la structure des atomes qui composent la matière. C’est durant cette période faste que Wolfgang Pauli, un éminent théoricien autrichien, a formalisé ce qui allait devenir un pilier de la physique moderne : le principe d’exclusion de Pauli.

Ce principe décrit le comportement du cortège d’électrons qui entoure le noyau des atomes. Il stipule que deux électrons associés à un même atome ne peuvent jamais, sous aucun prétexte, exister dans le même état. À la place, ils doivent chacun présenter une combinaison de propriétés (niveau d’énergie, spin…) unique. En outre, dès que les états de deux électrons se rapprochent l’un de l’autre, ils commencent à se repousser entre eux, ce qui leur permet de conserver cette identité propre.

Cette dynamique est infiniment importante : elle conditionne la manière dont les électrons se répartissent autour du noyau et, par extension, les propriétés des atomes auxquels ils appartiennent. En d’autres termes, le principe d’exclusion de Pauli joue un rôle central dans l’existence des différents éléments connus, mais aussi dans la stabilité de la matière physique.

« Ce comportement est responsable de toute la structure du tableau périodique », résume un des auteurs de la nouvelle étude sur laquelle nous nous pencherons plus bas. « C’est aussi pourquoi on ne passe pas à travers notre chaise quand on s’assoit. »

Bosons Fermions
© Hugo Spinelli – Wikimedia Commons

Peu après l’émergence de ce concept, Pauli et d’autres physiciens ont réalisé que cette règle ne s’appliquait pas uniquement aux électrons. En fait, il existe toute une famille de particules qui ne veulent absolument pas se retrouver dans un même état : il s’agit des fermions, qui sont aujourd’hui considérés comme les briques élémentaires de la matière.

En parallèle, un deuxième grand groupe radicalement opposé a aussi été documenté. Il s’agit des bosons qui, contrairement aux fermions, n’ont aucun problème à partager un même état. Ils jouent le rôle de vecteurs des différentes forces qui régissent notre univers, comme l’incontournable force électromagnétique.

Une nouvelle famille insaisissable…

Au niveau le plus fondamental, la propriété qui sépare les fermions et les bosons est avant tout mathématique : il s’agit de leur fonction d’onde, un objet mathématique qui décrit leurs états quantiques.

Fonction D'onde Hydrogène
Une représentation de la fonction d’onde de l’hydrogène. © PoorLeno – Wikimedia Commons

Lorsque deux fermions échangent leurs positions, leur fonction d’onde s’inverse, et il s’agit d’un phénomène réversible ; elle revient dans son état original dès que les particules en question reviennent à leur point de départ. Lorsque deux bosons échangent leur position, en revanche, leur fonction d’onde reste la même.

Les pionniers de la physique quantique se sont donc demandé s’il existait aussi d’autres types de particules dont les fonctions d’ondes pourraient évoluer de manière plus complexe lorsqu’elles échangent leurs positions. C’est une question pleine d’implications, car ces objets désignés sous le nom de « paraparticules » pourraient présenter un mélange de propriétés des bosons et des fermions — avec tout ce que cela implique pour notre compréhension de phénomènes physiques particulièrement mystérieux.

Les physiciens qui traquaient ces paraparticules ont malheureusement subi une grosse douche froide dans les années 1970. En effet, les analyses mathématiques de cette théorie semblaient indiquer que ces paraparticules n’étaient en fait que des « bosons ou des fermions déguisés », pour citer les auteurs de la nouvelle étude. En d’autres termes, tout semblait indiquer que la classification binaire à base de bosons et de fermions était toujours valable, et que ces paraparticules exotiques ne pouvaient pas exister dans le monde réel.

…mais peut-être plus pour longtemps

Mais depuis, la théorie a bien évolué. Les physiciens et les mathématiciens ont réalisé que les outils mathématiques utilisés à l’époque étaient parfois fragiles, car partiellement basés sur des hypothèses qui ne sont pas toujours vraies dans les systèmes physiques. Un duo de chercheurs de l’Institut Max Planck, en Allemagne, et de l’Université de Rice, au Texas s’est donc lancé dans la construction d’un nouveau modèle mathématique, plus moderne et solide, pour décrire ces paraparticules. Leur objectif : montrer qu’elles pourraient théoriquement exister dans le monde réel, tout en respectant les contraintes physiques connues.

Pour y parvenir, ils se sont appuyés sur des concepts mathématiques très avancés. Le communiqué cite par exemple l’algèbre de Lie, l’algèbre de Hopf ou encore la théorie des représentations. Et après avoir longuement torturé ces équations extrêmement complexes pendant des années, ils ont enfin abouti à un nouveau modèle mathématique de la matière physique compatible avec l’existence de ces particules exotiques !

Et comme on pouvait s’y attendre, les paraparticules décrites par ce modèle se comportent de manière particulièrement étrange. Lorsqu’elles échangent de position, la fonction d’onde ne se contente pas de s’inverser comme chez les fermions ou de rester identique comme celle des bosons. D’après le communiqué de l’Université de Rice, leur état quantique évolue de manière particulièrement complexe pendant le processus. Les auteurs parlent même d’une « transmutation ».

Une piste formidable pour le futur de la physique quantique

Ce nouveau modèle est particulièrement enthousiasmant, car il s’agit d’un premier pas vers des expériences qui pourraient un jour permettre de détecter ces fameuses paraparticules. Une perspective très excitante, car cela pourrait ouvrir la voie à la découverte de nouvelles particules élémentaires susceptibles de révolutionner la physique quantique. Et par extension, notre compréhension des mécanismes fondamentaux qui régissent l’Univers.

Les auteurs insistent toutefois sur le fait qu’il est encore trop tôt pour se pencher sur les applications concrètes de ces paraparticules, puisque le modèle reste purement théorique et qu’il est encore relativement balbutiant. Mais cela permettra tout de même aux physiciens de commencer à explorer une nouvelle niche scientifique très prometteuse, et il sera fascinant de voir où ces travaux vont les mener d’ici quelques années.

« Je ne sais pas où cela nous mènera, mais je sais que ce sera passionnant de le découvrir », conclut un des deux auteurs de l’étude.

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