DeepMind, la filiale de Google spécialisée dans l’intelligence artificielle, vient de dévoiler un nouvel outil très impressionnant : voici GenCast, un modèle IA spécialisé dans les prévisions météo qui semble bien parti pour révolutionner cette discipline.
Il est de notoriété publique que le machine learning est encore loin d’être une panacée, notamment dans les disciplines qui reposent largement sur le raisonnement logique. En revanche, il s’agit incontestablement d’un outil formidable lorsqu’il s’agit de faire ressortir des motifs complexes dans des ensembles de données immenses où les humains et même les algorithmes conventionnels ont beaucoup de mal à naviguer.
DeepMind est bien placé pour le savoir, puisque l’entreprise s’est déjà servie de cette technique pour s’attaquer à des problèmes qui semblaient autrefois totalement inabordables. L’exemple le plus marquant est sans doute AlphaFold, un système qui permet de prédire la structure 3D des protéines en un temps record et avec une excellente précision. C’est un exercice dont la complexité extraordinaire a mis les plus grands spécialistes et les meilleurs ordinateurs à rude épreuve pendant des décennies. L’arrivée d’AlphaFold a donc représenté une vraie révolution de la biologie structurale — à tel point que ses principaux architectes ont même été récompensés par le Prix Nobel de chimie 2024.
La météorologie, la science inexacte par excellence
C’est aussi le cas pour d’autres disciplines comme la météorologie. À cause de la nature littéralement chaotique (voir la Théorie du chaos) de l’atmosphère terrestre, il est pratiquement impossible de prédire l’évolution de toutes les variables comme la température, l’humidité ou la pression pour déterminer le temps qu’il fera sur une longue période. Même avec des modèles météorologiques de pointe qui tournent sur des ordinateurs surpuissants, toute erreur même infinitésimale a tendance à s’amplifier, comme l’illustre l’exemple célèbre de l’effet papillon. Pour connaître la météo future à la perfection, il faudrait donc avoir accès à des données infiniment précises, mais aussi à un ordinateur idéal capable de traiter toutes ces données dans un temps acceptable.
Puisqu’il est pratiquement impossible d’atteindre une précision parfaite, il faut donc se contenter d’approximation. Or, il s’agit d’une tâche dans laquelle les modèles IA sont exceptionnellement efficaces ; ils n’ont pas leur pareil pour faire émerger des tendances claires d’un océan de données autrement indigestes qu’un système basé sur la force brute mettrait une éternité à traiter. En partant de ce constat, DeepMind a entrepris de développer un système de prévision météorologique capable de battre ENS, le modèle statistique le plus performant du moment.
Un modèle IA précis et ultra-rapide
Concrètement, ce modèle appelé GenCast utilise la même méthode probabiliste qu’ENS. Il génère un ensemble d’une cinquantaine de prévisions potentiellement cohérentes qui sont ensuite analysées par les météorologues à l’aide d’outils statistiques sophistiqués. Ces derniers s’intéressent notamment à l’écart entre les différentes prévisions ; plus les scénarios se ressemblent, plus on peut avoir confiance dans le résultat. Il s’agit donc d’une métrique cruciale pour déterminer l’efficacité de ces systèmes.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que GenCast s’est montré assez exceptionnel à ce niveau. Au terme du processus d’entraînement, ce modèle IA s’est avéré plus précis qu’ENS dans 97 % des 1320 scénarios météorologiques sur lesquels ils ont été mis en compétition !
Et pour couronner le tout, il a atteint ce score impressionnant avec des temps de calcul incroyablement courts. Contrairement à un modèle traditionnel qui tourne sur un supercalculateur, il n’a pas besoin de résoudre des milliers d’équations de physique des fluides atrocement complexes pour arriver à une conclusion ; à la place, il peut simplement s’appuyer sur les motifs qui ont émergé lors de son entraînement initial. Par conséquent, GenCast est capable de générer un catalogue de scénarios météorologiques en moins de dix minutes, contre plusieurs heures pour les systèmes traditionnels comme ENS !
Un changement de paradigme
Selon les auteurs, cela marque le début d’un vrai changement de paradigme dans le domaine des prévisions météorologiques. Ces résultats ne signifient pas nécessairement que l’IA va remplacer les technologies de prévision classiques à court terme ; en revanche, d’après Ilan Price, un taulier de DeepMind interviewé par le Guardian, cela montre que cette approche est déjà assez mature pour être utilisée en complément des systèmes conventionnels. Une interprétation partagée par Steven Ramsdale, prévisionniste en chef du MET britannique interviewé par le Financial Times.
« La plus grande valeur ajoutée réside dans une approche hybride, combinant l’évaluation humaine, les modèles traditionnels basés sur la physique et les prévisions météorologiques basées sur l’IA », résume-t-il. Il sera donc très intéressant de voir comment les institutions qui se chargent de prévoir la pluie et le beau temps vont intégrer ces nouveaux outils à leur arsenal technologique d’ici la fin de la décennie.
Le papier de recherche associé à ces travaux est disponible ici.
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