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Droit d’auteur : OpenAI aux prises avec plusieurs grands médias canadiens

L’argument du fair use, régulièrement invoqué par l’entreprise pour justifier sa moisson de données destinées à entraîner ChatGPT, risque d’être irrecevable dans ce dossier.

D’après Reuters, plusieurs grands groupes de médias canadiens viennent de lancer une grande offensive judiciaire contre OpenAI et son produit ChatGPT, qu’ils accusent d’utiliser leurs contenus « illégalement et de façon inappropriée ».

Parmi les plaignants, on retrouve plusieurs grands noms de l’écosystème médiatique canadien, comme CBC/Radio-Canada, le National Post et le Toronto Star. Tous estiment que le géant américain de l’IA a exploité leurs articles et reportages pour l’entraînement de ChatGPT sans demander de permission ou offrir de compensation financière, outrepassant ainsi la loi sur le droit d’auteur.

« Les entreprises de médias d’information accueillent favorablement les innovations technologiques. Cependant, tous les participants doivent respecter la loi et toute utilisation de la propriété intellectuelle doit se faire dans des conditions équitables. OpenAI viole régulièrement les droits d’auteur et les conditions d’utilisation en ligne en récupérant un grand volume de contenu des médias canadiens pour développer ses produits, tels que ChatGPT. OpenAI capitalise et profite de l’utilisation de ce contenu, sans obtenir la permission ni rémunérer les propriétaires de contenu », a déclaré Postmedia, propriétaire du National Post, dans un communiqué joint.

Une pratique récurrente chez OpenAI

Ce n’est pas la première fois que des entreprises attaquent OpenAI sur ce terrain. En tant que fer de lance de ces nouvelles startups spécialisées dans l’IA grand public, l’entreprise de Sam Altman a déjà été visée par ce genre de procédure à plusieurs reprises.

OpenAI a donc commencé à signer des accords avec de nombreux groupes de presse, comme Axel Springer (voir notre article). Mais l’offensive des médias canadiens suggère que l’entreprise n’a pas pour autant cessé de moissonner le contenu d’autres entités avec lesquelles il n’existe aucun partenariat. Et surtout, elle continue de le faire en s’appuyant sur des arguments qui ont le don d’ulcérer les professionnels de la presse.

En effet, elle revendique systématiquement une démarche d’intérêt public. Or, si cet argument était éventuellement recevable au début de l’aventure d’OpenAI, lorsqu’il s’agissait encore d’une organisation à but non lucratif dont le seul objectif était de contribuer à l’humanité, la donne a bien changé avec le rapprochement avec Microsoft.

sam altman fondateur d'openai à san francisco
Sam Altman, dirigeant d’OpenAI. © Wikimedia Commons

Depuis que Satya Nadella a signé son fameux chèque à dix chiffres, l’entreprise a basculé vers un modèle plus traditionnel, centré sur le profit. Une volte-face qui rend cet argument pratiquement caduc, et qui a aussi exposé des trous béants dans l’argumentaire du PDG Sam Altman. En janvier dernier, il a concédé qu’il était « impossible » de faire progresser l’IA générative sans lui donner l’accès à du contenu copyrighté de bonne qualité. Une déclaration que de nombreux observateurs ont interprété comme un aveu.

Pas de fair use au Canada

À défaut, OpenAI a donc pris l’habitude de se défendre en invoquant le fair use. Pour rappel, il s’agit d’une doctrine légale américaine qui permet l’utilisation de contenu couvert par le droit d’auteur dans des cas bien précis, à condition qu’elle relève justement de l’intérêt public (enseignement, critique…). Mais ce que l’entreprise américaine a tendance à oublier, c’est que cet argument déjà bancal aux États-Unis devient pratiquement irrecevable dans les autres pays où la législation est différente.

C’est notamment le cas du Canada, où le fair use n’existe pas. A la place, ce pays s’appuie sur une autre doctrine, le fair dealing, qui est nettement moins flexible et ouverte à l’interprétation que celle de son voisin. En théorie, les médias canadiens devraient donc être mieux armés que le New York Times, par exemple, pour se défendre contre cette démarche.

« Les déclarations publiques d’OpenAI selon lesquelles il est légitime ou dans l’intérêt du public d’utiliser la propriété intellectuelle d’autres entreprises à des fins commerciales sont fausses. Le journalisme est dans l’intérêt public. L’utilisation du journalisme d’autres entreprises à des fins commerciales ne l’est pas. C’est illégal », martèle le communiqué joint des médias canadiens.

OpenAI, de son côté, s’est défendue en expliquant qu’elle offrait aux médias des « moyens simples de refuser s’ils le souhaitent ». Reste à voir si cet argument sera jugé recevable par la justice canadienne, ou si elle se montrera plus sévère que l’Oncle Sam.

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