Des physiciens britanniques ont récemment accouché d’une nouvelle théorie sur les interactions entre la matière et la lumière au niveau quantique, et ces travaux ont aussi fait émerger une très intéressante : pour la première fois, ces chercheurs ont réussi à définir la forme précise d’un photon isolé.
Les photons, ce sont les particules qui servent de vecteur à la force électromagnétique, et par extension, à la lumière visible grâce à laquelle nous sommes capables de visualiser notre environnement. Mais même s’ils sont incroyablement abondants, ce sont des objets qui, paradoxalement, sont encore loin d’être parfaitement compris par les physiciens.
La façon dont ils interagissent avec la matière, en particulier, est extrêmement complexe. Pour en appréhender toutes les nuances, il faut d’abord réussir à conceptualiser puis à associer une myriade de phénomènes souvent très difficiles à manipuler, notamment parce qu’une grande partie d’entre eux se déroulent dans le domaine quantique.
« La nature de ces interactions ouvre des possibilités infinies par rapport à l’existence et à la propagation de la lumière à travers son environnement. Ces possibilités illimitées rendent les interactions exceptionnellement difficiles à modéliser, et c’est un défi que les physiciens quantiques cherchent à relever depuis plusieurs décennies », expliquent les auteurs de l’étude dans un communiqué de l’Université de Birmingham.
Un nouveau cadre théorique sur le comportement des photons
Pour simplifier l’équation, ces chercheurs ont donc décidé de regrouper toutes ces possibilités dans quelques ensembles bien définis. Grâce à cette approche, ils ont réussi à établir un modèle certes simplifié par rapport à la réalité, mais tout de même cohérent et très complet : il décrit non seulement la relation entre le photon et l’objet qui l’émet, mais aussi le comportement de l’énergie qui résulte de ces interactions.
Il s’agit donc de travaux importants, car ils permettent de définir précisément comment ces particules exceptionnellement importantes interagissent avec les différents éléments de leur environnement.
« Ces travaux nous aident à approfondir notre compréhension de l’échange d’énergie entre la lumière et la matière », explique Benjamin Yuen, co-auteur de l’étude. « Il y a de nombreux signaux que l’on considérait auparavant comme du simple “bruit”, mais qui contiennent en fait énormément d’informations auxquelles nous pouvons désormais donner du sens », se réjouit-il.
Par extension, cette étude défriche donc de nouvelles pistes que les physiciens pourront emprunter pour faire progresser des disciplines comme la physique quantique ou la science des matériaux. Les auteurs citent notamment des « nouvelles technologies nanophotoniques » qui pourraient « changer notre manière de communiquer, de détecter des pathogènes, ou encore de contrôler des réactions chimiques à l’échelle moléculaire ».
Le premier portrait-robot d’un photon
En parallèle, ces travaux ont aussi fait émerger une autre nouveauté relativement anecdotique dans le contexte de ces travaux, mais néanmoins fascinante : pour la première fois, les auteurs ont réussi à modéliser la “forme” d’un photon. Dans leur papier de recherche, ils présentent en effet une forme vaguement circulaire qui fait un peu penser à une cellule vue au microscope, entourée d’un étrange halo en forme d’étoile.
Ce concept de “forme” d’un photon est assez perturbant au premier abord. À l’inverse des neutrons et des protons qui constituent les atomes, les photons ne sont typiquement pas décrits comme des objets physiques. Contrairement à ces derniers, il faut passer par plusieurs couches d’abstraction pas toujours très intuitives pour les étudier.
En effet, on considère généralement que les photons n’existent qu’à travers leurs interactions ; ils sont régulièrement décrits comme des ondes plutôt que comme des particules tangibles (voir la notion de dualité onde-corpuscule). Par extension, la plupart des modèles physiques leur attribuent une masse nulle, et considèrent qu’ils n’ont pas de taille ou de forme bien définie.
Comment les auteurs ont-ils donc réussi à visualiser une forme qui, selon ces interprétations, n’existe tout simplement pas ? Pour le comprendre, il faut reconsidérer la définition même de la forme. Car ici, nous ne parlons pas des frontières d’un objet matériel comme une sphère ou un cube ; il s’agit plutôt d’une question de répartition d’énergie.
Pour visualiser cette notion, on peut l’aborder en faisant un détour par le monde de la musique. Chaque note (Do, Ré, Mii…) est construite autour d’une fréquence fondamentale qui détermine sa hauteur. Mais elle est rarement seule : la fréquence fondamentale est presque toujours accompagnée d’autres fréquences plus discrètes que l’on appelle les partiels, et ce sont eux qui déterminent les autres paramètres d’un son — comme son timbre. C’est précisément à cause de ces partiels qu’un do joué par un piano est beaucoup plus riche que celui qui sort d’un diapason, par exemple ; la répartition de ces fréquences change la manière dont l’onde sonore interagit avec nos tympans.
De la même façon, l’énergie des photons est distribuée sur plusieurs modes de fréquences différents. Comme avec une note de musique, cette répartition joue un rôle crucial dans la manière dont le photon interagit avec son environnement, et notamment avec les champs électriques.
En d’autres termes, cette image ne représente pas une forme physique que l’on pourrait toucher ou observer au microscope. La « forme » en question est en fait une carte de la distribution de l’énergie véhiculée par le photon sur différentes fréquences du spectre électromagnétique ; c’est une manière de représenter visuellement le résultat des interactions entre le photon et la matière qui sont décrites dans le modèle des chercheurs (voir plus haut).
Quoi qu’il en soit, il s’agit tout de même du premier portrait d’un photon. Et même s’il ne s’agit que d’une représentation abstraite, il sera très intéressant de garder un œil sur les travaux ultérieurs qui se serviront de ce nouveau cadre théorique pour faire avancer des disciplines fascinantes telles que la physique quantique.
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