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La matière noire pourrait faire résonner l’espace-temps autour des trous noirs

Une étude basée sur une particule encore hypothétique propose une piste très intéressante qui pourrait permettre de mieux comprendre la nature de la matière noire en exploitant les ondes gravitationnelles.

Même après des décennies de recherche ininterrompue, la nature exacte de la matière noire continue de filer entre les doigts des physiciens. A l’heure actuelle, on ne sait toujours pas de quoi est constituée cette substance mystérieuse, alors qu’on la suspecte pourtant de représenter environ 25 % de notre univers. Récemment, une équipe de chercheurs a toutefois proposé une nouvelle approche basée sur les trous noirs qui pourrait enfin nous apporter quelques éléments de réponse.

Cette étude, repérée et expliquée par l’astrophysicien Paul Sutter dans un article de Space.com, repose sur une hypothèse qui suggère que la matière noire pourrait être constituée d’axions. Il s’agit de particules élémentaires hypothétiques dont l’existence a été proposée afin d’expliquer certaines incohérences majeures en cosmologie et en physique des particules. Leur principale caractéristique, c’est leur masse extrêmement faible : elle serait au moins mille fois inférieure à celle des électrons, qui sont pourtant incroyablement légers. D’autres modèles lui attribuent même une masse encore plus faible, plusieurs ordres de grandeur en dessous de ce chiffre déjà minuscule.

C’est une idée certes enthousiasmante, mais aussi un brin problématique. En effet, détecter des objets aussi légers est pratiquement impossible avec notre technologie actuelle. Un obstacle qui risque de repousser considérablement la première observation directe de la matière noire, à supposer que ce modèle soit correct. Pour y parvenir, il faudrait donc attendre une grande percée technologique… ou une idée très originale qui repose sur des mécanismes aujourd’hui sous-exploités. Et c’est précisément ce que proposent les auteurs des travaux disséqués par Sutter.

Une résonance gravitationnelle détectable ?

L’approche décrite dans cette étude repose sur les trous noirs. Selon les auteurs, il pourrait s’agir de l’environnement idéal pour tester l’hypothèse de la matière noire à base d’axions à cause d’un phénomène fascinant la : superradiance.

C’est un phénomène quantique où des objets dans un état excité peuvent émettre collectivement un rayonnement extrêmement intense et cohérent. Dans le cas des trous noirs, il s’agit généralement de photons qui se retrouvent piégés à proximité par la gravitation gigantesque qui y règne. Ils se mettent alors à tourner de plus en plus vite autour de cet ogre cosmique tout en accumulant énormément d’énergie. La majorité de ces photons finit par franchir l’horizon des événements, le fameux point de non-retour au-delà duquel rien ne peut échapper au trou noir. Mais certains ont la chance de rebondir sur d’autres particules, et s’échappent donc de son orbite avec une énergie absolument démentielle.

© ESO, ESA/Hubble, M. Kornmesser

En parallèle, sous l’influence des énormes forces gravitationnelles originaires du trou noir, la matière noire s’accumulerait aussi au voisinage de la singularité sous forme d’un nuage beaucoup plus dense que dans le reste de l’univers. Or, ce nuage serait directement exposé à ces photons survitaminés. Les auteurs de l’étude avancent donc que cette superradiance pourrait provoquer un transfert d’énergie du trou noir vers la matière noire.

Au-delà d’un certain seuil d’énergie, la rotation de la matière noire autour du trou noir commencerait à ralentir. Cette perte de vitesse déclencherait une libération massive de particules de matière noires — et c’est là que ce scénario devient très exotique et absolument fascinant.

Cette « cascade d’émissions » serait complètement invisible, et n’émettrait pas la moindre radiation susceptible d’être mesurée avec des instruments de mesure. En revanche, Paul Sutter explique que ce déluge de particules affecterait directement l’espace-temps, qui se mettrait à « résonner comme une cloche » autour du trou noir !

Plus précisément, la matière noire ainsi éjectée se manifesterait sous la forme d’ondes gravitationnelles qui, en théorie, pourraient être détectées à l’aide d’interféromètres de pointe comme le LIGO ou le Virgo.

Des limites claires, mais un vrai potentiel

Ce n’est pas la première fois que des chercheurs proposent d’exploiter les ondes gravitationnelles pour traquer l’insaisissable matière noire. L’année dernière, une autre équipe a à nouveau suggéré de s’intéresser à celles qui résultent des fusions de trous noirs.

Mais comme toujours lorsqu’on parle de matière noire, il s’agissait de travaux assez exploratoires – et c’est aussi le cas de cette nouvelle étude, qui reste d’ailleurs au stade de la prépublication pour le moment. Il faut donc prendre ses conclusions avec des pincettes, surtout qu’elle repose sur des bases complètement hypothétiques. Par exemple, l’existence de ces fameux axions n’a toujours pas été démontrée à ce jour.

Mais il s’agit quand même de travaux très intéressants. En effet, ils proposent une piste claire pour confirmer ou infirmer cette hypothèse pleine de potentiel. Les astrophysiciens pourront se repencher sur les précédentes observations d’ondes gravitationnelles en provenance de trous noirs afin d’y chercher des motifs statistiques susceptibles de trahir l’existence de ce phénomène. En cas de succès, les implications seraient considérables ; cela permettrait non seulement de démontrer que les axions sont bien réels, mais aussi de réaliser un véritable pas de géant dans notre compréhension de la matière noire.

À l’inverse, si cette chasse au trésor cosmique ne produit aucun résultat, cela ne sera pas dramatique. Cela indiquera simplement aux astrophysiciens qu’il faudra probablement privilégier d’autres pistes. Il sera donc très intéressant de se pencher sur les autres travaux que cette étude va peut-être inspirer, car dans tous les cas, cela permettra de mieux cerner la nature de cette substance ô combien mystérieuse.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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