Le mois dernier, la mission Crew 8 est rentrée de la Station spatiale internationale avec trois astronautes à son bord, après un séjour marqué par des péripéties plus mystérieuses les unes que les autres. Au menu : un problème de santé sur lequel personne ne semble avoir envie de communiquer, des sorties spatiales avortées et des problèmes de combinaison préoccupants qui soulignent l’importance de renouveler ces équipements en fin de cycle dans les plus brefs délais.
Un mystérieux problème médical
Ce feuilleton a commencé le 25 octobre dernier, lorsqu’un des astronautes a été hospitalisé suite à son retour sur Terre. Le public s’attendait à obtenir des informations concrètes sur l’état de santé de la personne en question, mais la NASA s’est montrée étonnamment évasive à ce sujet. L’agence américaine s’est contentée de faire référence à un “problème médical” qui a touché un membre de l’équipage. Même si ce dernier est apparemment rentré chez lui en bonne santé après cette prise en charge, ce voile de mystère a tout de même attiré l’attention des observateurs.
La première interrogation concerne l’identité de cette personne. L’équipage était constitué de quatre personnes : le Russe Alexander Grebenkin et les Américains Matthew Dominick, Michael Barratt et Jeanette Epps. Roscosmos (l’agence spatiale russe) a confirmé que Grebenkin n’avait pas été hospitalisé. Cela implique que la personne touchée par ce souci de santé était l’un des trois Américains, mais il est impossible d’en savoir plus. Lorsque la question a été posée lors de la conférence de presse de vendredi dernier, le trio a soigneusement évité de donner une réponse claire.
“Les vols spatiaux sont encore quelque chose que nous ne comprenons pas complètement“, a déclaré Barratt, médecin et chirurgien de formation, cité par Ars Technica. “Nous découvrons parfois des choses auxquelles nous ne nous attendons pas ; c’était l’un de ces moments, et nous sommes toujours en train de rassembler les éléments à ce sujet. Afin de préserver la confidentialité médicale et de permettre à nos processus de suivre leur cours, c’est tout ce que nous allons dire à propos de cet événement pour le moment.”
L’autre grande inconnue concerne la nature de ce problème médical. La courte durée de l’hospitalisation suggère qu’il n’était pas particulièrement sérieux. Cependant, ce silence a tout de même alimenté une certaine curiosité, sachant que la NASA a l’habitude de publier les données relatives à la santé des astronautes pour que l’ensemble de la communauté scientifique puisse s’y pencher. Or, à l’heure actuelle, ce n’est toujours pas le cas. Même si Barratt laisse entendre que ces données pourraient être publiées à terme, il n’offre pas non plus la moindre garantie. Il existe donc une probabilité non négligeable que les détails ne soient jamais publiés.
“Je n’ai pas dit que j’étais mal à l’aise d’en parler“, a déclaré Barratt. “J’ai dit que nous n’allions pas en parler. Je suis médecin. La médecine spatiale est ma passion… et la façon dont nous nous adaptons, la façon dont nous vivons les vols spatiaux habités est quelque chose que nous prenons tous très au sérieux”, s’est-il contenté d’affirmer.
Une combinaison spatiale fait encore des siennes
En plus de ce feuilleton médical, il y a un autre élément de la mission qui ne s’est pas exactement déroulé comme prévu. Le 13 juin, Matthew Dominick et sa collègue Tracy Dawson étaient censés effectuer une sortie extravéhiculaire, une mission qui consiste à sortir de la station en combinaison spatiale — souvent pour effectuer diverses opérations de maintenance. Mais cette sortie a été annulée au dernier moment à cause d’un “problème d’inconfort avec la combinaison”. Elle a finalement été replanifiée une dizaine de jours plus tard, mais s’est terminée de la pire des façons. Après une trentaine de minutes, Dawson a dû rentrer en urgence à cause d’une fuite d’eau dans le module de support de vie de son scaphandre — un incident qui aurait aisément pu avoir des conséquences catastrophiques, comme l’illustre le témoignage glaçant de Barratt.
“Ce n’était pas une fuite anodine et nous avons des images”, a déclaré Barratt. “Quiconque regardait NASA TV à ce moment-là pouvait voir qu’il y avait une vraie tempête de neige, un blizzard, crachant du sas parce que nous avions déjà la trappe ouverte. Nous voyions donc des flocons de glace dans le sas… Dramatique est le bon terme, pour être vraiment honnête.”
Le plus inquiétant, c’est que même si ces dysfonctionnements critiques restent relativement rares, il ne s’agit pas d’une nouveauté. On se souvient par exemple du cas de l’astronaute italien Luca Parmitano, qui en a fait les frais dès 2013. Son casque avait commencé à se remplir d’eau, l’empêchant de voir, de respirer et de communiquer correctement. “Le liquide couvrait complètement mes yeux et mon nez. C’était très difficile de voir. Je n’entendais rien. C’était très difficile de communiquer. Je suis rentré en faisant le chemin inverse de mémoire, en revenant en arrière à tâtons jusqu’à ce que je trouve le sas”, relatait-il après l’incident.
Et malheureusement, ces problèmes techniques ont tendance à devenir de plus en plus fréquents depuis quelques années. En mars 2022, les partenaires de l’ISS avaient encore été forcés de suspendre toutes les sorties extravéhiculaires à cause d’un incident similaire avec le scaphandre de l’astronaute allemand Matthias Maurer.
Tous ces incidents montrent à quel point il devient urgent de remiser ces antiquités développées il y a une quarantaine d’années, et de passer à une nouvelle génération de combinaisons plus performantes et surtout plus fiables afin d’éviter une catastrophe. Malheureusement, le processus a pris un retard significatif suite au retrait de Collins Aerospace, la startup que la NASA avait désignée pour concevoir les nouvelles combinaisons destinées aux sorties extravéhiculaires (voir notre article). Il faudra donc espérer que les différents partenaires de l’ISS réussiront à relancer le processus dans les plus brefs délais, car en l’état actuel des choses, la probabilité d’un accident grave en orbite augmente de plus en plus chaque jour.
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