SpaceX vient de lancer LignoSat, un petit satellite pas comme les autres. Contrairement à tous ses semblables, cet engin développé à l’Université de Kyoto n’est pas enveloppé de métaux ; à la place, son enveloppe extérieure est entièrement construite… en bois !
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agit pas d’un matériau commun dans le domaine de l’aérospatiale. En règle générale, les satellites sont majoritairement construits en alliages d’aluminium, avec quelques touches de titane pour les éléments structuraux résistants et d’autres métaux comme l’or pour les revêtements qui protègent l’appareil des rayonnements solaires. Les ingénieurs ont aussi recours à d’autres catégories de matériaux comme le verre, la fibre de carbone ou différents types de céramiques — mais jusqu’à présent, personne n’avait encore utilisé un matériau organique de ce genre.
Plus solide qu’il n’y paraît
Le concept a donc de quoi surprendre. Après tout, intuitivement, on pourrait penser que le bois n’est absolument pas compatible avec un environnement aussi impitoyable. Mais lorsqu’on regarde de plus près, il présente de nombreuses qualités qui en font un matériau de choix dans ce contexte.
Structurellement parlant, il s’agit d’un matériau très solide. Il est majoritairement composé de plusieurs polymères, les plus importants étant la cellulose et la lignine. La première, qui se présente sous forme de fibres, est maintenue en place par la seconde, qui joue le rôle de matrice. Grâce à cette architecture, le bois dispose à la fois d’une certaine élasticité et d’une importante résistance dans la direction des fibres. Et dès qu’il est déshydraté, les deux polymères peuvent former des liaisons chimiques encore plus solides. On obtient alors un support dont le rapport résistance/masse est comparable à celui de l’aluminium, et qui est donc tout à fait compatible avec la construction d’un satellite.
L’autre point positif, c’est qu’une fois sorti de l’atmosphère terrestre, le bois s’éloigne aussi de tous les facteurs qui peuvent limiter sa durabilité. En orbite, il n’y a pas de bactéries, de champignons ou d’eau susceptibles de contribuer à sa décomposition. Par ailleurs, l’absence d’oxygène l’empêche de brûler, même en cas de court-circuit ou d’exposition directe aux rayonnements solaires.
Un vrai avantage écologique
Il s’agit aussi d’un matériau très intéressant au niveau environnemental. Il est de notoriété publique que l’extraction et le raffinage des métaux sont extrêmement polluants. Le bois, en revanche, présente un impact écologique moindre s’il est exploité de façon responsable. Mais le point le plus important à ce niveau concerne plutôt la fin de vie des satellites.
Pour éviter l’accumulation de débris en orbite, les opérateurs décident souvent de les désorbiter, c’est-à-dire de les faire rentrer dans l’atmosphère à grande vitesse. Ils se consument alors sous l’effet de la chaleur générée par la friction avec les particules d’air. Mais des débris ont tendance à survivre à cette descente, et terminent alors leur course dans l’océan. En outre, la combustion d’un satellite conventionnel génère aussi des particules d’oxyde d’aluminium. C’est un composé hautement toxique qui peut avoir des conséquences graves sur la santé des humains, car il attaque les poumons et le système nerveux — sans parler de son impact désastreux sur les écosystèmes où il est disséminé.
C’est un problème qui est encore relativement anecdotique à l’heure actuelle. Mais à une époque où le nombre de satellites explose d’année en année, il pourrait rapidement devenir très préoccupant. Les satellites à base de bois, en revanche, se consumeraient entièrement pendant la rentrée atmosphérique, avec des émissions de particules certes non négligeables mais tout de même nettement moins nocives. Ces engins pourraient donc représenter une alternative intéressante sur le long terme.
Le premier d’une longue lignée ?
Il faudra toutefois le vérifier rigoureusement avec une expérience de longue durée — et c’est précisément ce que le LignoSat va permettre de faire. Sur les six prochains mois, ses opérateurs vont étudier sa résistance aux variations de température extrêmes auxquelles il sera soumis au fil de ses rotations autour de la Terre. Ils en profiteront aussi pour jauger la capacité du bois à protéger les composants internes à base de semiconducteurs des rayonnements ionisants qui parcourent l’espace.
Il sera donc très intéressant de suivre le parcours de cet engin étonnant. Car en cas de succès, cette preuve de concept pourrait bien ouvrir la voie à un vaste changement de paradigme dans cette industrie en plein boom.
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