Meta avait prévu de conclure un accord avec une centrale nucléaire pour alimenter son tout nouveau data center IA à l’énergie décarbonée, comme l’ont déjà fait la plupart des autres GAFAM. Mais ses plans sont finalement tombés à l’eau à cause d’un obstacle aussi insolite qu’inattendu. IL ne s’agit ni d’activistes antinucléaires ni d’opposants à la construction de cet énorme bâtiment ; d’après le Financial Times, le projet de Mark Zuckerberg s’est heurté à… une population d’abeilles rares et protégées.
Il est de notoriété public que le développement et l’exploitation des nouveaux modèles de machine learning qui fleurissent en ce moment nécessitent des puissances de calcul très importantes, et par extension, des quantités d’énergie souvent extrêmement importantes. L’entraînement des grands modèles de langage (LLM) comme les GPT d’OpenAI se compte typiquement en dizaines de gigawatts-heures — de quoi alimenter quelques milliers de domiciles pendant une année entière. Une considération très importante, sachant que ces systèmes deviennent de plus en plus courants.
L’année dernière, une étude suggérait que le machine learning pourrait consommer près de 4 % de l’électricité globale en 2030. Le Financial Times indique aussi qu’une requête textuelle adressée à un système comme ChatGPT consomme jusqu’ à 10 fois plus d’énergie qu’une recherche Google standard. Il est donc crucial de faire en sorte que cette dynamique ne contribue pas excessivement au réchauffement climatique, dans un contexte où ce dernier est déjà en train d’échapper à tout contrôle.
Quand les insectes jouent les trouble-fêtes
Pour cette raison, mais aussi pour éviter de ternir leur image publique et de s’exposer à d’éventuelles sanctions, la Big Tech a commencé à tisser des liens étroits avec l’industrie de l’atome. Google, Microsoft et Amazon, par exemple, ont déjà signé des partenariats à centaines de millions de dollars avec des opérateurs de centrales nucléaires pour alimenter leurs infrastructures IA à l’avenir.
Meta comptait avait donc la ferme intention de leur emboîter le pas, dans un contexte où l’entreprise déploie déjà des efforts considérables pour se construire une image respectueuse de l’environnement. Elle affirme par exemple avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 94 % entre 2017 pour atteindre la neutralité carbone dès 2020. Une revendication plus que discutable, comme le souligne cet article de The Verge — mais qui montre bien à quel point l’entreprise soigne sa communication à ce niveau.
La prochaine étape devait être la signature d’un accord avec un opérateur de centrale nucléaire, avec l’objectif d’alimenter un nouveau centre de traitement de données qui devait être construit à proximité. Mais le projet est tombé à l’eau pour plusieurs raisons. Des sources proches du dossier citées par Financial Times mentionnent notamment quelques soucis d’ordre réglementaire… mais aussi « la découverte d’une espèce d’abeille rare à proximité du site où le data center devait être construit ».
Les sources en question ne précisent pas de quelle espèce il s’agit. En outre, elles n’indiquent pas explicitement si la présence de ces abeilles a été déterminante dans l’échec du projet ou s’il s’agissait simplement d’un facteur parmi d’autres. Mais ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’un revers dont Meta se serait bien passé. L’entreprise comptait beaucoup sur ce projet; Zuckerberg aurait notamment affirmé que si l’affaire avait été conclue, Meta aurait été « la première entreprise de la Big Tech à disposer d’une IA alimentée à l’énergie nucléaire ». Elle va désormais devoir explorer d’autres pistes pour griller la politesse à ses concurrents directs.
La Big Tech et le nucléaire en pleine idylle
Plus largement, il conviendra de suivre cette course au nucléaire avec une attention toute particulière. La Big Tech semble désormais y voir un facteur crucial dans les rapports de force qui vont façonner l’industrie de l’IA sur les prochaines années. Il n’est donc pas exclu que certains GAFAM finissent par commissionner des centrales 100 % dédiées à leurs data centers.
Le cas échéant, cela aurait des implications profondes à plusieurs niveaux : lobbying de la Big Tech dans le domaine de l’énergie, allocation de fonds massifs pour la recherche et développement dans ce domaine, négociations internationales pour l’approvisionnement en combustibles fissiles… Tout un programme. Rendez-vous d’ici quelques années pour voir si nous verrons un jour un réacteur nucléaire estampillé Google ou une mine d’uranium sous pavillon Meta sortir de terre.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.