Les galères continuent pour Voyager 1. Après une année déjà très compliquée, les ingénieurs de la NASA ont à nouveau été forcés de la ressusciter après un dysfonctionnement de son système de communication.
Dans un billet daté du 28 octobre, l’agence explique que ce nouvel épisode médical préoccupant a commencé le 16 octobre dernier. Pour en comprendre l’origine, il faut toutefois remonter plus loin dans le temps.
Depuis quelques années déjà, la NASA surveille de très près le budget électrique de cet engin, car son réacteur nucléaire en fin de vie ne produit plus assez d’énergie pour alimenter l’ensemble des sous-systèmes. Cela force les opérateurs à faire des choix tranchés : pour continuer d’alimenter les instruments les plus importants, ils ont déjà désactivé une grande partie des systèmes non essentiels.
On peut notamment citer les radiateurs qui permettent à ces instruments de résister au froid mordant de l’espace interstellaire. La NASA jongle constamment avec ces éléments ; elle en rallume périodiquement lorsque la situation devient critique, puis les éteint à nouveau pour économiser de l’énergie.
Une opération anodine qui a mal tourné
C’est précisément ce qu’ils étaient en train de faire le 16 octobre. À cette date, les opérateurs de Voyager 1 lui ont envoyé une commande destinée à rallumer un de ces radiateurs. En théorie, l’opération aurait dû se dérouler sans accroc, car l’équipe avait pris soin de libérer assez d’énergie pour ne pas franchir le seuil critique. Elle s’attendait donc à recevoir une confirmation deux jours plus tard — le temps nécessaire pour que le signal puisse atteindre la sonde, située à plus de 24 milliards en kilomètres de la Terre, puis revenir. Or, dans la soirée du 18 octobre, la NASA n’avait toujours pas reçu la réponse tant attendue.
À ce stade, la situation n’était pas encore inquiétante. En effet, Voyager 1 est doté d’un système de protection intégré qui est chargé de désactiver certains éléments non vitaux pour éviter des dégâts supplémentaires en cas de dysfonctionnement. Par exemple, il peut forcer le système de communication radio à fonctionner au ralenti et à émettre dans une bande de fréquence différente lorsqu’il utilise plus d’énergie que l’engin n’est capable d’en produire.
L’équipe a conclu qu’elle avait mal calculé l’énergie disponible, et que la remise en route du radiateur avait déclenché ce système de protection susceptible de modifier la nature du signal. Elle a donc exploré cette fameuse bande de fréquence alternative, et heureusement, son pronostic s’est avéré exact : elle a fini par capter le signal attendu un peu plus tard dans la nuit. Tout indiquait donc que l’engin était stable.
Une nouvelle syncope inattendue
Mais le soufflé est brutalement retombé dès le lendemain. Le 19 octobre, les ingénieurs ont constaté avec horreur que toutes les communications avaient cessé. Après avoir étudié le problème sous tous les angles, ils ont conclu que le système de protection avait encore été déclenché. Et cette fois, il avait complètement coupé les vivres au transmetteur radio principal pour en solliciter un second, encore plus économe en énergie.
Une situation hautement préoccupante pour deux raisons. La première, c’est que ce transmetteur n’avait pas été utilisé depuis… 1981. Il existait donc une probabilité non négligeable qu’il soit entièrement hors service. Le second problème potentiel, c’est qu’il est aussi nettement moins puissant que le premier transmetteur. Même s’il était encore opérationnel, il n’y avait aucune garantie que son signal puisse être détecté depuis la Terre.
L’équipe de la NASA s’est donc retrouvée dans une situation délicate où elle était pratiquement impuissante. Puisqu’elle ne pouvait pas prendre le risque d’essayer de relancer le transmetteur principal avant d’avoir compris ce qui avait déclenché le système de protection, il ne restait qu’une seule solution : envoyer une commande à ce deuxième transmetteur, croiser les doigts pour qu’elle arrive à destination, et prier pour que le signal retour réussisse à atteindre notre planète.
Heureusement, la chance était du côté de la NASA. Après une attente aussi interminable qu’anxiogène, les opérateurs ont enfin repris contact avec Voyager 1 le 24 octobre. Elle est donc saine et sauve… pour le moment. Car à partir de maintenant, les ingénieurs de l’équipe vont essayer de déterminer les raisons qui ont poussé le système de protection à s’emballer de cette façon. Et il est tout à fait possible que cette enquête révèle de nouveaux éléments de très mauvais augure pour la longévité de la sonde.
Une année sous haute tension
Ce nouvel épisode montre de manière très claire qu’il est de plus en plus difficile de maintenir cette sonde quasi cinquantenaire en vie. Rien que cette année, la NASA a été forcée de procéder à deux interventions majeures très délicates pour offrir un sursis à la légendaire sonde spatiale.
En février, l’explorateur le plus prolifique de l’histoire de l’astronautique est tombé dans un profond coma quand une partie de sa mémoire a été corrompue. La situation semblait quasiment désespérée, et l’équipe estimait même qu’il faudrait un « miracle » pour la sauver. Elle y est finalement parvenue au terme d’un feuilleton fascinant qui a impliqué de véritables fouilles archéologiques dans la documentation antique de l’engin, une bonne dose d’abnégation, et un vrai coup de génie d’un ingénieur qui a trouvé la clé de cette énigme.
Après cette résurrection miraculeuse, la mission Voyager 1 a encore menacé de prendre fin brutalement en septembre, quand le véhicule a rencontré des problèmes de propulseurs qui menaçaient sa capacité à s’orienter pour communiquer avec la Terre. Là encore, les opérateurs ont dû redoubler d’ingéniosité pour sortir la sonde de ce pétrin.
Repousser l’inévitable
En d’autres termes, ce nouvel épisode inquiétant ne sera sans doute pas le dernier. Les problèmes de santé de ce dinosaure technologique vont continuer de s’accumuler, et les opérations de maintenance vont devenir de plus en plus compliquées. Ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’une de ces gouttes d’eau fasse déborder le vase, mettant fin à sa mission de manière brutale. Les amoureux de l’espace doivent donc se préparer à la disparition prochaine d’un engin légendaire qui a marqué l’imaginaire collectif au fer rouge pendant près de cinq décennies.
Pour rappel, aucun engin ne s’est aventuré aussi loin que Voyager 1; la sonde évolue en ce moment à plus de 24 milliards de kilomètres de notre planète – un record absolu. Et au cours de ce périple, elle a capturé quelques photos historiques qui ont joué un rôle déterminant dans la manière donc l’humanité entière conçoit l’espace.
Elle est notamment à l’origine des toutes premières « photos de famille » du système solaire. On lui doit aussi un autre cliché légendaire où l’on voit la Terre sous forme d’un petit point bleuté, perdu seul au milieu de l’immensité du cosmos.
Cette image est depuis passée à la postérité sous le nom de « Pale Blue Dot » (un point bleu pâle), en référence à une réplique de Carl Sagan, un célèbre astronome qui a été bouleversé par cette nouvelle perspective sur notre planète. Elle a permis à des millions de personnes de prendre conscience de l’immensité grandiose et terrifiante de cet univers que Voyager continuera d’explorer jusqu’à son dernier souffle.
Il conviendra donc de profiter comme il se doit de ses derniers instants, avant que le temps nous prive définitivement de cet engin ô combien mémorable. Haut les cœurs, Voyager !
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