Elon Musk affiche depuis des années son intention de permettre à l’humanité de coloniser d’autres planètes, à commencer Mars. C’est d’ailleurs une des principales raisons qui l’ont poussé à lancer le développement du fameux Starship, ce lanceur révolutionnaire qui arrive petit à petit à maturité. Mais cela n’empêche pas les spécialistes d’explorer d’autres pistes, dont certaines particulièrement exotiques. C’est notamment le cas d’un duo de chercheurs qui ont récemment publié un papier assez fascinant, repéré par Universe Today; sur un nouveau mode de transport spatial potentiel : ils proposent de rallier la Planète rouge… à dos d’astéroïde.
Il va sans dire qu’il s’agit d’une destination loin d’être facile d’accès. Avec une distance moyenne de 225 millions de kilomètres par rapport à la Terre, il s’agit d’un voyage particulièrement long et éprouvant qu’aucun humain n’a entrepris à ce jour ; seuls des robots comme Curiosity ou Perseverence ont été expédiés vers ces escarpements orangées ô combien hostiles.
Les radiations, un obstacle aux voyages interplanétaires
Avec notre technologie actuelle, un voyage vers Mars dure 6 à 9 mois, en fonction de la fenêtre de lancement choisie. Cela signifie que pour un simple aller-retour, des astronautes devraient embarquer de quoi survivre pendant deux à trois ans au minimum — un délai problématique pour de nombreuses raisons. L’une des plus importantes, c’est qu’il faudrait trouver un moyen de protéger les astronautes des radiations cancérigènes auxquelles ils seront exposés une fois sortis de l’atmosphère protectrice de la Terre.
Or, c’est beaucoup plus difficile qu’on pourrait le penser. À l’heure actuelle, la seule solution abordable serait de recouvrir l’intégralité du vaisseau d’un épais revêtement d’aluminium pour dévier tous ces rayonnements de haute énergie. Le souci, c’est qu’un tel bouclier coûterait une fortune et qu’il ajouterait énormément de masse au véhicule. Des points quasiment rédhibitoires, connaissant l’énorme défi d’ingénierie que représente déjà la construction d’un engin capable de supporter ce voyage.
Des astéroïdes-taxis ?
S. Kasianchuk and V.M. Reshetnyk, deux chercheurs de l’Université Nationale de Kiev, ont donc exploré une autre approche que l’on peut résumer en une question : serait-il possible de contourner le problème en utilisant un astéroïde comme un bus interplanétaire ?
L’idée pourrait sembler saugrenue, mais elle repose au moins sur une base fondamentalement solide. En effet, la roche dont ces objets sont composés est très efficace lorsqu’il s’agit de bloquer les radiations. C’est notamment pour cette raison que la NASA explore l’idée de construire des bases lunaires dans d’anciens tunnels de lave souterrains, car cela éviterait de devoir ajouter un bouclier protecteur sur l’ensemble de la structure.
Pour tester ce scénario, les auteurs de l’étude ont commencé par analyser plus de 35 000 NEO, pour Near Earth Objects. Il s’agit d’astéroïdes dont le long périple les amène au voisinage de la Terre, et plus précisément à moins de 1,3 unité astronomique (un peu moins de 200 millions de kilomètres) de notre planète. Ils se sont spécifiquement concentrés sur les NEO qui passeront successivement au voisinage de la Planète bleue, puis de Vénus ou de Mars entre 2020 et 2120.
Au terme de ce processus de sélection, ils ont identifié environ 120 astéroïdes candidats qui frôleront la Terre, puis l’une de ces deux planètes dans cet intervalle de temps. Et il se trouve que d’après les modélisations de trajectoires, certains de ces objets mettront environ six mois à atteindre Mars après leur passage à proximité de la Terre — un temps de trajet comparable à celui d’un vaisseau spatial qui aurait profité d’une fenêtre de lancement optimale. En théorie, il serait donc possible de profiter du passage d’un astéroïde pour rallier Mars.
Est-ce réalisable ?
Mais il reste une question de taille que les chercheurs n’ont pas vraiment explorée dans leur papier : s’agit-il d’une perspective réaliste ? En l’état, la réponse est probablement négative, car ce genre d’opération nécessiterait de surmonter un tas d’obstacles logistiques.
Le premier, c’est de réussir à intercepter l’astéroïde pendant sa course folle. La plupart des NEO passent près de la Terre à une vitesse comprise entre 11 000 et 72 000 km/h. En moyenne, ils sont donc significativement plus rapides qu’un vaisseau stationné en orbite terrestre basse; ces derniers tournent généralement autour de notre planète à environ 28 000 km/h. Dans la plupart des cas, il faudrait donc que le vaisseau accélère sans interruption pendant une longue durée pour atteindre la même vitesse que l’astéroïde afin de s’y arrimer. Cela risque de poser problème de taille – ou plutôt masse. Car à l’heure actuelle, il n’existe pas d’étage supérieur de lanceur qui soit capable de fournir une telle impulsion à un engin aussi massif qu’un vaisseau martien habité. Pour y parvenir, il faudrait disposer d’un système de propulsion très performant, et surtout, d’une quantité de carburant très importante. Or, une telle réserve augmenterait drastiquement la masse de l’engin, et par extension, la complexité de la logistique associée au lancement.
Pour référence, l’étage supérieur d’Ariane 5, qui était optimisé pour déployer des engins en orbite géostationnaire. Ses moteurs HM7B pouvaient typiquement fournir une accélération continue pendant une grosse dizaine de minutes; or, pour rattraper un NEO lancé à plus de 70 000 km/h, ce même modèle aurait besoin d’appuyer sur le champignon pendant pendant plus de trois heures ! Or, cette fusée n’était largement pas capable d’emporter assez de carburant pour y parvenir. Et une fois arrivé à proximité de Mars, il faudrait encore répéter l’opération pour quitter l’astéroïde, ralentir, et s’insérer dans son orbite, ce qui consommerait au moins autant de carburant que la première phase. Certes, il serait théoriquement possible de produire des ergols à partir des ressources disponibles sur l’astéroïde lui-même. Mais cela augmenterait encore la complexité d’une opération déjà excessivement alambiquée.
Rien qu’en termes de masse et de carburant, une telle manœuvre semble donc difficilement abordable. Et si l’on commence à tenir compte de tous les autres paramètres imaginables, on se retrouve face à une équation qui semble totallement insoluble en l’état. Il faudra attendre un engin révolutionnaire, comme une version encore plus avancée du Starship de SpaceX, pour y parvenir. Cela reste malgré tout un exercice de pensée intéressant qu’il conviendra de garder en tête sur les prochaines décennies, ne serait-ce que par curiosité !
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Ridicule !
Nous n’aurons jamais assez d’énergie pour aller sur Mars et vivre sur Mars est impossible. Que les gens lisent les personnes compétentes ! merci
Et arrêtons de croire Mollusk !
À dos d’astéroïde, gain spéculé de carburant : ok, pourquoi pas ?.. Mais quid des radiations mortelles à très haute énergie de l’espace ?! Faudra creuser un trou dans l’astéroïde pour s’en protéger ?
@Blaise: c’est tout l’inverse.
Cette solution n’apporte pas de gain de carburant (au contraire même, puisqu’il faudra accélérer d’avantage pour rattraper l’astéroïde).
Mais l’intérêt est justement de se cacher des radiations derrière l’astéroïde, à l’abri des rayons du soleil.
Tout cela est très spéculatif.
Se cacher des radiations à dos d’astéroïde, d’accord, mais je crois bien que dans leur déplacement les astéroïdes tournent sur eux-mêmes… (et vite, même).