Dark Romance, Romantasy ou New Romance, ces nouveaux genres littéraires s’invitent partout. Bien aidé par la pandémie et l’émergence des hashtags #booktok et #bookstagram, ces ouvrages à destination des jeunes adultes cartonnent. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il ne faut pas naviguer trop longtemps dans la liste de best-sellers du The New York Times pour y croiser un monument du genre. Fourth Wing, écrit par Rebecca Yarros, squatte la troisième place et signe déjà sa 65e semaine au classement. La Romantasy attire même les regards d’Hollywood. L’industrie espère avoir flairé des licences au potentiel similaire à ceux des mastodontes des librairies dans les années 2000, de Harry Potter à Hunger Games en passant par Twilight. Mais voilà, si les aventures du petit sorcier à lunettes, de Katniss Everdeen et Bella Swan s’adressaient à des lecteurs adolescents, Dark Romance, Romantasy et New Romance flirtent beaucoup plus avec la littérature érotique.
En 2024, les ouvrages explicites ne s’affichent plus avec des torses dénudés et des poitrines découvertes, ils se parent de fleurs, de créatures mystiques ou d’illustrations mignonnes. Le roman Captive s’inspire par exemple des couvertures de polars pour attirer son lectorat, tandis que le premier tome de la Saga d’Auren, Gild, ressemble à s’y méprendre à un ouvrage vers lequel les adolescents pourraient vouloir se tourner. Ces similarités entre la littérature adolescente et explicite soulèvent de nombreux questionnements, et notamment concernant l’accès à des scènes pornographiques par des lecteurs et lectrices mineurs. Si quelques avertissements s’invitent à l’intérieur des ouvrages ou en quatrième de couverture, les maisons d’édition avancent timidement vers une signalétique plus claire. Hachette Romans vient d’annoncer la création d’un nouveau sigle pour permettre une identification plus rapide des ouvrages contenant des scènes sexuellement explicites.
Hachette Romans plus
Sur Instagram, la maison d’édition officialise la création d’une nouvelle signalétique pour aider les lecteurs et lectrices à choisir leurs romans avec toutes les clés en main. L’entreprise explique : “Parce qu’on a toutes et tous des goûts et des attentes différentes en matière de romance, à partir de maintenant, vous retrouverez ce repère (en quatrième de couverture et au dos de votre roman) sur nos romans Young Adult“. Cette signalétique prend la forme d’un petit plus ajouté au traditionnel Hachette Romans qui s’invite sur tous les titres Young Adult. La maison d’édition promet : “pas d’ambiguïté dans le choix de vos lectures de romances”. Mais est-ce vraiment suffisant ? Reléguée en quatrième de couverture, avec une appellation loin d’être explicite, cette initiative paraît encore trop timide. Tandis que les éditeurs de jeux vidéos et de DVD sont contraints d’afficher l’âge minimum au-devant des produits, le plus souvent avec une classification couleur qui ne laisse que peu de place au doute, l’industrie du livre se contente souvent d’une simple note en bas de page. Interrogé, Hachette Romans n’a pas encore souhaité répondre à nos sollicitations. L’article sera mis à jour pour inclure une réponse.
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Exception littéraire ?
À l’heure où l’exécutif durcit le ton avec les plateformes et sites pornographiques, les exhortant de proposer des solutions efficaces pour protéger les utilisateurs mineurs, que l’accès à des films comme Terrifier 3 fait l’objet d’un contrôle d’identité, le monde de l’édition profite-t-il d’une exception culturelle ? Pas vraiment. En 2023, l’ouvrage Bien trop petit de Manu Causse devenait interdit aux moins de 18 ans par arrêté du ministère de l’Intérieur. Selon le romancier pourtant, son ouvrage critique la culture du viol et donne aux adolescents les clés pour comprendre que la sexualité. “Ce n’est pas sado masochisme soft de 50 nuances de Grey”. Dans un entretien accordé au Figaro, il regrettait d’ailleurs que les romans de Dark Romance, “avec des scènes de violence ou de viols, ou des mangas aux dessins très explicites, soient souvent disponibles à partir de l’âge de 10 ans”.
Nouveaux arguments marketing
Si certaines maisons d’éditions ont parfois rechigné à faire intervenir des avertissements en ouverture des romans impliquant des scènes de sexe ou même de la violence, ces derniers semblent peu à peu se métamorphoser en repères pour les adoratrices et adorateurs du genre. Comme les tags sur les sites pornographiques, ils permettent de classer les nombreux ouvrages selon leur intensité, leur crudité ou simplement l’aspect insoutenable de certaines séquences. Sur le site Babelio, on compte pas moins de 24 827 livres affiliés au terme violence, 226 d’entre eux sont des romances. De Gild à Jamais Plus de Coleen Hoover, force est de constater que les succès des librairies du monde entier sont de la partie.
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