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Pour survivre, l’aérospatiale privée doit apprendre à se diversifier

Essayer d’imiter SpaceX n’est pas une stratégie viable à long terme, et les entreprises les principaux acteurs de cette industrie l’ont bien compris.

Plusieurs acteurs majeurs de l’aérospatiale privée se sont rassemblés à l’occasion de la conférence Satellite Innovation, qui s’est tenue le 22 octobre à Washington. Une bonne occasion de discuter de l’évolution de l’industrie, et des nouvelles contraintes qui commencent déjà à peser dessus. Et au fil des discussions, un constat très important a commencé à émerger : les opérateurs de lancement vont absolument devoir se diversifier pour continuer à exister sur ce marché.

Il y a encore quelques années, la construction et le lancement des fusées étaient l’apanage d’un cercle très fermé, constitué d’agences gouvernementales et d’une poignée de prestataires d’élite triés sur le volet, comme Airbus ou Thales Alenia Space. Mais ces dernières années, la donne a commencé à changer. De plus en plus de jeunes pousses privées sont entrées dans la danse, avec la ferme intention de devenir des grands noms de cette industrie qui joue déjà un rôle déterminant dans le quotidien de l’humanité.

Starship 3e vol
© SpaceX

La plupart de ces entreprises tirent leur inspiration d’une même source qui a connu un succès absolument colossal : comme vous l’avez certainement deviné, il s’agit de SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk. Depuis qu’elle a émergé au début des années 2000, elle n’a cessé de grandir et de progresser à une vitesse phénoménale. Aujourd’hui, elle exerce une domination technologique sans partage, et entretient des rapports privilégiés avec des clients et institutions plus prestigieux les uns que les autres. Une success-story remarquable qui met des étoiles dans les yeux — au propre comme au figuré — de nombreux aspirants PDG, qui ne rêvent que de l’imiter.

Un marché impitoyable

Mais cette ruée vers l’or (bite) n’est pas aussi aisée qu’on pourrait le croire en regardant la trajectoire de SpaceX. Un vieux dicton américain dit : « Space is hard » (l’espace, c’est difficile), et un tas de startups pourtant prometteuses en ont fait l’amère expérience.

Nombre d’entre elles ont commencé par promettre la Lune à leurs clients avant de réaliser un peu tard qu’elles s’étaient embarquées sur un marché aussi volatil qu’impitoyable. Il suffit d’un pépin lors d’un tournant stratégique clé pour voir toute une feuille de route commerciale prendre l’eau. Et même quand les ingénieurs cochent toutes les cases, il faut aussi composer avec d’autres aléas qui rendent les revenus imprévisibles, comme les retards des clients qui tardent à livrer leurs engins à cause de difficultés techniques.

Résultat : une sélection naturelle de plus en plus forte s’installe. Lentement mais sûrement, ce marché commence à être plus ou moins saturé. Cela signifie non seulement qu’il y a de moins en moins de place pour les nouveaux arrivants, mais aussi que même les entreprises les mieux implantées doivent faire de gros efforts pour se démarquer.

La diversification, une stratégie vitale pour les opérateurs

Pour continuer à exister à court et moyen terme, elles n’ont qu’une seule option : la diversification. En effet, toutes ces entités sont incapables de rivaliser avec le chef de file XXL qu’est SpaceX. Par conséquent, c’est peine perdue d’essayer d’imiter son modèle commercial pour le moment ; offrir un service redondant par rapport à une entreprise qui dispose d’une telle avance n’a aucun sens. Même celles qui proposent une offre de lancement pourtant assez différente ne peuvent pas se reposer dessus, financièrement parlant.

On peut citer l’exemple de Rocket Lab, l’entreprise derrière Electron — un engin considéré comme la Rolls-Royce des lanceurs légers. C’est une fusée à la fois extrêmement fiable, mais aussi très attractive économiquement parlant, car elle se positionne sur un segment qui est relativement peu couvert par les lanceurs moyens et lourds de SpaceX. Pourtant, même ce produit très bien positionné ne suffit pas à faire vivre l’entreprise, car les calendriers de lancement sont trop chaotiques et imprévisibles. Grâce à Peter Beck, son fondateur connu pour sa patience et son pragmatique, l’entreprise a rapidement décidé d’étendre son offre au-delà des simples lancements. 70 % de ses revenus viennent désormais de ses activités secondaires, notamment la production de satellites et de composants.

En plus de ses lanceurs, RocketLab s’est diversifiée dans la création de composants et d’autres types d’engins (ici, le bus de satellite Photon). © Rocket Lab

« Je pense que la diversification est une nécessité », explique Adam Spice, le directeur financier de l’entreprise cité par SpaceNews. « Se spécialiser uniquement dans le lancement ne sera plus jamais viable sur le plan économique, il faut donc disposer d’une offre complète. »

Même constat du côté d’Avio, l’opérateur italien derrière les fusées Vega qui a mis un pied dans le monde de la défense. « Soit vous trouvez un moyen de fournir une solution complète qui exploite les synergies à travers la chaîne de valeur, soit il sera difficile de rivaliser », a déclaré son directeur général Giulio Ranzo.

Cette interprétation est encore renforcée par le fait que même SpaceX a suivi une trajectoire similaire. Alors qu’elle est largement au-dessus du lot sur le segment des lancements et que c’est peut-être la seule entreprise à pouvoir en vivre exclusivement, elle consacre tout de même énormément de ressources à sa constellation Starlink. Une activité qui, selon Adam Spice, a probablement fait gonfler la valeur de l’entreprise de plus de 200 milliards de dollars.

Starlink Bus
Même SpaceX, qui domine le segment des lanceurs, se diversifie avec sa constellation Starlink. Les autres opérateurs vont devoir faire de même. © SpaceX

Sur la base de ces constats, il y a fort à parier que de nombreuses entreprises, et notamment celles qui ont pris du retard sur la réutilisation des fusées, vont progressivement disparaître par manque de compétitivité. Celles qui survivront vont devoir innover pour créer leur propre niche et investir dans des activités qui sont encore sous-exploitées à l’heure actuelle, comme la construction de stations spatiales. Il sera intéressant de voir comment la situation va se décanter ces prochaines années, car l’ère du New Space ne fait que commencer.

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Source : SpaceNews

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