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Des chercheurs inventent une bodycam médicale qui pourrait sauver des vies

Ce système dopé à l’intelligence artificielle est capable d’identifier rapidement les produits sur le point d’être injectés à un patient, afin d’éviter des erreurs médicales potentiellement lourdes de conséquences.

Depuis quelques années, de plus en plus d’agents du maintien de l’ordre sont équipés de caméras-piéton, ces petites caméras embarquées parfois appelées bodycams qui enregistrent leurs interactions avec le public. Même si elles peuvent servir à collecter des preuves, leur principal objectif relève surtout de la transparence ; la capture de ces images est un moyen de s’assurer que ces agents puissent être mis face à leurs responsabilités en cas de faute professionnelle.

Désormais, certaines institutions travaillent sur une manière d’adapter ce concept dans un autre environnement, à savoir le monde hospitalier – mais avec une différence majeure. La philosophie sous-jacente est sensiblement différente de celle qui a motivé le déploiement de bodycams chez les policiers. Ici, l’objectif n’est pas de punir un professionnel négligent après l’incident. Il s’agit plutôt de les aider directement à éviter les erreurs pour améliorer la prise en charge des patients.

Des erreurs qui peuvent coûter cher

Ces travaux, pilotés par la prestigieuse université américaine de Carnegie Mellon, reposent sur un constat assez désolant. Chaque année, des centaines de milliers de patients se voient injecter les mauvais médicaments. Même s’il existe de nombreux garde-fous qui permettent d’éviter ces bévues (code-barres, labels colorés…), l’erreur reste humaine. Il suffit d’une seconde d’inattention pour que le mauvais produit passe du flacon à la seringue, puis à la circulation sanguine du patient, avec des conséquences potentiellement dramatiques.

Ces incidents sont souvent imputables au stress généré par une situation d’urgence — mais ils ne sont pas rares pour autant. D’après l’université, le taux d’erreur pour tous les médicaments administrés dans un hôpital est d’environ 5 à 10 % – et tous les niveaux du système de soins sont concernés.

Une caméra-piéton médicale dopée à l’IA

Pour faire face à ce problème, une équipe de Carnegie Mellon s’est associée à des chercheurs des universités de Washington et Makerere ainsi qu’à Toyota Research Institute, une filiale du constructeur japonais qui se spécialise dans la recherche appliquée à l’IA, la robotique, les véhicules autonomes, ou encore la science des matériaux.

Ensemble, ils ont développé une sorte de caméra-piéton conçue pour réduire le nombre d’erreurs. Pour y parvenir, les auteurs de l’étude se sont appuyés sur la technologie la plus en vogue du moment : le machine learning, et plus spécifiquement la vision par ordinateur. Pour commencer, ils ont conçu un système de capable d’identifier rapidement le contenu des flacons soigneusement étiquetés où sont stockées les substances injectables.

Bodycam Médicale
© Paul G. Allen School of Computer Science & Engineering, Université de Washington

C’est un exercice particulièrement délicat. En effet, du point de vue de la caméra, la main du professionnel de soin a tendance à cacher une partie du flacon et de la seringue. Les chercheurs n’ont donc pas pu se contenter d’un système capable d’en lire les étiquette. À la place, ils ont entraîné leur programme à déduire cette information de quelques indices qui, mis bout à bout, permettent d’identifier le produit avec un très haut degré de certitude. Les auteurs citent par exemple la forme du flacon, mais aussi les codes couleur, la forme des étiquettes ou encore le type de seringue utilisé.

A terme, ce système a vocation à être intégré directement dans des lunettes de réalité augmentée. Fonctionnellement parlant, le produit fini pourrait ressembler aux futures Apple Glass, avec quelques modifications adaptées au monde hospitalier. En cas d’erreur, celles-ci pourront directement prévenir le praticien à l’aide d’une alerte visuelle et/ou d’un signal sonore avant que le produit ne soit injecté.

Des résultats très encourageants

Grâce à cette approche, l’algorithme est capable d’identifier le produit en une fraction de seconde, et avec une excellente précision. Dans leur étude, les chercheurs revendiquent un taux de succès impressionnant de 99,6 % lorsqu’il s’agit de confirmer que le bon médicament passe du flacon à la seringue. Mais surtout, ils affirment avoir repéré 98,8 % des cas où le mauvais produit avait été prélevé, le tout en temps réel.

Les chiffres exacts doivent toutefois être pris avec des pincettes, car l’étude a été menée sur un nombre de cas relativement restreint (418 transferts réalisés par 13 anesthésiologistes et infirmiers sur une période de 55 jours). Mais il s’agit tout de même d’une preuve de concept encourageante.

Selon les auteurs, un tel système présenterait aussi d’autres avantages pratiques. Par exemple, il pourrait enregistrer directement les informations relatives à l’injection dans le dossier du patient, limitant ainsi le poids des charges administratives qui pèsent sur le personnel médical.

« Ce travail démontre comment les systèmes basés sur l’IA peuvent servir de deuxième paire d’yeux pour améliorer les pratiques de soins et la sécurité des patients », résume Justin Chan, auteur principal de l’étude. « L’idée de pouvoir aider les patients en temps réel ou d’empêcher une erreur médicamenteuse avant qu’elle ne se produise est très séduisante », renchérit sa co-auteure Kelly Michaelsen.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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