Dans un communiqué repéré par Ars Technica, l’US Space Force (ou USSF, la division spatiale des forces armées américaines) a annoncé la signature de deux contrats majeurs avec SpaceX. L’entreprise d’Elon Musk va toucher un beau pactole, et surtout cimenter sa place de partenaire privilégié du gouvernement.
Au total, neuf lancements étaient en jeu, tous dans le domaine de la sécurité nationale. Les sept premières missions consistent à déployer des satellites dédiés à la détection, au suivi et à l’interception des missiles pour le compte de la Space Development Agency, une branche du Pentagone. Les deux restantes sont plus mystérieuses, mais on sait toutefois qu’elles tombent dans le giron du National Reconnaissance Office, l’institution qui gère notamment les satellites-espions de l’Oncle Sam.
Dans les deux cas, il s’agit donc de contrats prestigieux, réservés à la crème de la crème de l’industrie. Initialement, trois entreprises avaient manifesté leur intérêt : SpaceX, ULA, un autre taulier historique de l’aérospatiale américaine, et Blue Origin, l’entreprise de Jeff Bezos. Cette dernière a été disqualifiée d’office, car son lanceur New Glenn n’a toujours pas atteint l’orbite terrestre et ne répondait donc pas au cahier des charges.
Il ne restait donc que l’écurie d’Elon Musk et ULA, qui disposent chacune de lanceurs moyens performants (Falcon et Vulcan, respectivement). C’est finalement SpaceX qui a raflé l’ensemble des neuf lancements, ainsi que l’enveloppe de 733 millions de dollars (677 millions d’euros) qui va avec. Malgré son pedigree, ULA n’a même pas eu droit à un lot de consolation.
Une domination partie pour durer ?
Il sera intéressant de voir si SpaceX va continuer sur sa lancée, car l’USSF ne manque pas d’engins à déployer et va émettre de nombreux autres appels d’offres ces prochaines années. Selon Ars Technica, l’institution prévoit de commander au moins 30 missions supplémentaires d’ici 2029.
La plupart d’entre elles consisteront à lancer de nombreux petits satellites pour densifier le système de défense antimissile de la Space Development Agency. SpaceX dispose déjà d’une expertise énorme dans cet exercice, puisque la majorité des tirs de Falcon 9 sont consacrés au déploiement de la constellation Starlink. Elle semble donc parfaitement positionnée pour remporter les prochains contrats. Mais d’autres entreprises comme Rocket Lab pourraient aussi montrer le bout de leur nez. Cette dernière dispose d’un argument de poids : son excellent lanceur léger Electron, à la fois très fiable et particulièrement économique.
À plus long terme, la Space Force va aussi faire appel à l’industrie pour une deuxième série de missions militaires, appelée Lane 2. Ces dernières nécessitent de déployer des engins significativement plus lourds et plus chers. Contrairement à la première série de missions où quelques pertes peuvent être acceptables, puisqu’il s’agit de déployer des constellations composées de très nombreux appareils, les prestataires n’auront absolument pas le droit à l’erreur et devront être en mesure de garantir le succès de chaque lancement.
Dans ce contexte, l’entreprise de Musk semble encore parfaitement positionnée. Rien qu’en 2024, elle a déjà lancé 98 fusées de la famille Falcon (96 Falcon 9 et 2 Falcon Heavy) avec une fiabilité exemplaire. Or, même si les états de service d’ULA sont pratiquement irréprochables, son nouveau Vulcan n’a que deux vols de test à son actif pour le moment. Il s’agit donc d’un pari plus risqué; il ne serait pas étonnant que l’USSF mise encore sur la valeur sûre qu’est SpaceX.
La situation pourrait toutefois évoluer une fois que le Vulcan d’ULA aura engrangé de l’expérience. Le New Glenn de Blue Origin pourrait aussi entrer dans la danse une fois qu’il aura prouvé sa capacité à atteindre l’orbite terrestre. Il conviendra donc de garder un œil sur ce grand bras de fer industriel qui regorge d’implications économiques et stratégiques pour les États-Unis, mais aussi le reste de la planète.
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