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Des chercheurs suisses génèrent des pulsations laser à l’intensité record

Une équipe de l’ETH Zurich a réussi à générer des pulsations laser extrêmement intenses en limitant le recours aux amplificateurs susceptibles de détériorer le faisceau, ouvrant la voie à des instruments de mesure à la précision exceptionnelle.

Des chercheurs du prestigieux ETH Zurich viennent de s’adjuger un record impressionnant : ils ont conçu un laser capable de produire des pulsations ultra-courtes à la puissance phénoménale. Cette technologie est bien partie pour ouvrir la voie à des mesures à la précision exceptionnelle.

Lorsque l’on pense à un laser, on imagine généralement un faisceau de lumière colorée, concentrée et émise en continu. Mais dans l’industrie et les laboratoires de recherche, ces équipements ont tendance à prendre une forme différente ; au lieu d’un flux de lumière constant, les spécialistes ont souvent recours à des appareils qui produisent des pulsations très puissantes et extrêmement courtes. Ces équipements sont très utiles dans de nombreux domaines. Les médecins, par exemple, peuvent s’en servir dans le cadre de certaines opérations des yeux ou du cerveau, tandis que les chimistes y ont par exemple recours pour la spectroscopie dynamique de haute précision.

Ils sont aussi précieux dans de nombreuses branches de la physique, en particulier celles qui concernent des phénomènes de haute énergie. Ces pulsations laser ultrarapides peuvent servir à accélérer des particules et à étudier leur comportement, ou encore à générer un plasma pour des expériences de fusion nucléaire. Dans ces contextes, il est souvent très utile d’avoir accès à des lasers ultrarapides de très haute puissance, capables de délivrer une énergie énorme dans un intervalle de temps très court.

Des pulsations à l’intensité record

Et c’est précisément ce que vient de réussir l’équipe d’Ursula Keller, professeure à l’Institut d’électronique quantique de l’ETH Zurich, qui travaille sur cette thématique depuis plus de 25 ans. Tout récemment, son groupe s’est adjugé un record spectaculaire qui pourrait ouvrir la voie à des progrès concrets dans plusieurs disciplines.

Ensemble, ces chercheurs ont a conçu un laser qui a délivré une énergie moyenne de 550 W — un record qui surpasse le précédent de plus de 50 %.

À première vue, cela n’a rien de bien impressionnant. Pour référence, c’est comparable à la consommation d’un gros réfrigérateur. Ce qui rend ce chiffre remarquable, c’est qu’il a été atteint avec des pulsations de moins d’une picoseconde, soit un millième de milliardième de seconde. Chaque pulsation devait donc atteindre un niveau d’énergie extrême ; en l’occurrence, elles ont été mesurées à 100 MW — à peu près la consommation d’une petite ville à un instant donné !

Laser Eth Zurich Wide
© Moritz Seidel / ETH Zurich

Il s’agit d’un sacré tour de force technique, car développer des lasers ultra-performants de ce genre est un exercice d’ingénierie extrêmement délicat. Avec de tels niveaux d’énergie, la moindre approximation peut conduire à l’oblitération immédiate de certains composants très difficiles à produire. C’est donc un champ de recherche souvent ingrat où les progrès substantiels sont relativement rares, et ce record mérite donc d’être salué.

Un miroir ultra-performant pour éviter l’amplification à outrance

Pour comprendre comment les chercheurs ont obtenu ce résultat, il faut se pencher de plus près sur le fonctionnement de ce genre de laser. En règle générale, le faisceau initial passe à travers plusieurs amplificateurs indépendants (souvent des disques de cristal d’ytterbium très fins). Pour atteindre une puissance importante, l’approche la plus évidente consiste à augmenter le nombre de passages du faisceau à travers ces amplificateurs. Mais il n’est pas possible de répéter cette opération indéfiniment ; à chaque passage, on introduit une instabilité qui se manifeste par des variations d’intensité. Au-delà d’un certain point, le faisceau devient trop instable pour réaliser des mesures de haute précision.

Pour surmonter cet obstacle, les chercheurs ont décidé de se focaliser sur le cœur du dispositif : le SESAM, un miroir spécial à base de semiconducteurs inventé par Keller elle-même il y a une trentaine d’années. Contrairement aux miroirs traditionnels dont la réflectivité est fixe, sa capacité à réfléchir la lumière est proportionnelle à l’intensité du faisceau qui le frappe. Cette spécificité est très intéressante dans un instrument de ce genre, car à la sortie de l’élément amplificateur, le laser est extrêmement intense ; le SESAM peut donc le réfléchir de manière très efficace.

Tout l’enjeu, c’était d’améliorer encore ses performances optiques. Pour y parvenir, l’équipe de Keller a dû résoudre un tas de puzzles techniques particulièrement ardus qui impliquaient souvent de modifier complètement la structure du SESAM, comme trouver un moyen d’appliquer la couche semi-conductrice sur un support très fin en saphir pur. Après d’innombrables essais infructueux, ils ont obtenu un miroir à l’efficacité phénoménale, capable de délivrer un faisceau extrêmement intense avec une stabilité remarquable.

Vers des instruments encore plus performants

D’après les auteurs, ce progrès pourrait rapidement permettre d’améliorer de nombreux instruments de mesure de très haute précision, avec tout ce que cela implique pour les disciplines concernées (science des matériaux, physique des particules…).

Et la cerise sur le gâteau, c’est que l’équipe est convaincue de pouvoir rebondir sur ces innovations pour améliorer encore davantage les performances de son laser. Les chercheurs vont désormais viser des pulsations de l’ordre de l’attoseconde, soit un milliardième de milliardième de seconde, pour construire des appareils encore plus précis. Il sera donc très intéressant de suivre l’évolution de ces travaux, ainsi que les découvertes auxquelles ces lasers ultra-performants vont ouvrir la voie.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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