Peu après le 5e vol historique du Starship, au terme duquel SpaceX a réussi à rattraper le premier étage de son lanceur colossal en plein vol, l’entreprise d’Elon Musk s’apprête à lancer un autre engin très important. Il s’agit de la sonde Europa Clipper de la NASA, qui va partir explorer la lune éponyme de Jupiter — l’un des corps célestes les plus intéressants du système solaire.
Jupiter, la planète la plus imposante de notre système solaire, est la matriarche d’une immense fratrie. Au total, on compte au moins 95 satellites naturels qui lui tiennent compagnie en permanence. La plupart de ces lunes sont de simples amas de roche stériles pas particulièrement intéressants. Mais au milieu de ce cortège, on trouve aussi trois corps célestes singuliers qui font rêver les spécialistes depuis des décennies : Ganymède, Callisto et Europe, trois lunes gelées qui sont toutes des destinations particulièrement intéressantes dans le cadre des travaux sur la recherche de vie extraterrestre. Leur importance scientifique est telle qu’en avril dernier, l’Agence spatiale européenne (ESA) a lancé JUICE, une sonde à la pointe de la technologie, pour aller étudier ce trio fascinant.
Une vraie curiosité géologique
Désormais, c’est au tour de la NASA d’y envoyer son propre engin avec Clipper, qui va spécifiquement s’intéresser à Europe.
Si cette dernière intéresse tant les planétologues, c’est à cause d’une combinaison de spécificités géologiques pratiquement unique dans notre voisinage cosmique. Cela commence par son relief : il s’agit d’un corps céleste incroyablement lisse. C’est une anomalie remarquable ; Europe étant à peine plus petite que la Lune de la Terre, elle-même constellée d’innombrables cratères, elle devrait également présenter de nombreuses cicatrices. Or, ce n’est pas le cas. Et pour comprendre l’origine de cette régularité, il faut d’abord se concentrer sur sa composition chimique.
Si la surface d’Europe est à ce point immaculée, c’est parce qu’elle est recouverte d’une épaisse croûte de glace. Cette dernière est constituée de grands blocs qui coulissent les uns par rapport aux autres, avec des mouvements qui rappellent fortement la tectonique des plaques terrestres. Les planétologues estiment par exemple que la lune jovienne présente un phénomène analogue à la subduction, avec des plaques qui se chevauchent au fil du temps. Par conséquent, la surface est renouvelée en permanence, d’où le fait qu’elle soit presque entièrement dépourvue de cratères d’impact.
Un océan susceptible d’abriter de la vie
Or, ces plaques ne pourraient pas se déplacer ainsi sans la présence d’une couche moins solide en profondeur. Et c’est là que la situation devient véritablement fascinante : tout indique que cette croûte de glace repose sur un immense océan d’eau liquide !
C’est une idée qui, à première vue, pourrait sembler saugrenue. Sur Terre, la présence d’eau liquide est majoritairement due à la proximité du Soleil et à la présence d’une atmosphère dense, qui contribue à piéger la chaleur originaire de l’étoile. Or, Europe est située à plus de 800 millions de kilomètres de l’astre, et dispose d’une atmosphère extrêmement fine en comparaison.
Pour expliquer la présence de cet océan, il faut s’intéresser aux interactions entre Europe et son énorme planète mère. En effet, Europe occupe une orbite très elliptique ; contrairement à la Lune dont l’orbite autour de la Terre est presque circulaire, Europe se rapproche et s’éloigne sans cesse de Jupiter au fil de ses rotations. Par conséquent, l’intensité des forces auxquelles elle est soumise varie fortement. Elle est tantôt compressée par la gigantesque emprise gravitationnelle de la géante gazeuse lorsqu’elle s’en approche, puis relaxée lorsqu’elle s’en éloigne, un peu à la manière d’une immense balle antistress.
D’après les planétologues, ce sont ces contraintes mécaniques énormes qui génèrent la chaleur nécessaire pour permettre à l’eau d’exister sous forme liquide. Or, il s’agit d’un environnement particulièrement propice à l’apparition de la vie telle qu’on la connaît sur Terre. Ajoutez à cela le fait que divers télescopes et sondes ont déjà détecté des signes de composés comme le soufre et le dioxyde de carbone, et vous obtenez une destination particulièrement prometteuse dans le cadre de la recherche de vie extraterrestre.
C’est en grande partie pour cette raison que la NASA a décidé d’y envoyer son Clipper, qui va réaliser une cinquantaine de survols d’Europe (dont une douzaine à basse altitude) pour étudier sa composition chimique ainsi que sa topologie sous tous les angles. Pour ce faire, la sonde s’appuiera sur un ensemble de 9 instruments de pointe, tous placés derrière un épais bouclier protecteur afin de les protéger des radiations extrêmes de Jupiter. Cette exploration exhaustive permettra aux chercheurs de mieux comprendre le potentiel astrobiologique de la Lune gelée et des autres corps célestes de ce genre, avec des retombées potentiellement gigantesques pour les sciences spatiales.
Le voyage commence aujourd’hui
Si tout se déroule comme prévu, cette grande aventure commencera ce soir avec le décollage d’un lanceur Falcon Heavy de SpaceX. Une fois en orbite, Europa Clipper va quitter l’orbite terrestre pour rejoindre celle du Soleil. Elle réalisera ensuite deux manœuvres de fronde gravitationnelle à proximité de Mars (en février 2025), puis de la Terre (en décembre 2026), afin d’exploiter les puits de gravité des deux planètes pour se catapulter au-delà de la ceinture d’astéroïdes en utilisant peu de carburant. Elle devrait ensuite atteindre Jupiter au printemps 2030, après un périple de plus de 2,5 milliards de kilomètres.
Le lancement est prévu à 18 h 6 heure française, et vous pourrez le suivre en direct sur diverses chaînes YouTube comme celle de la NASA.
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