La NASA vient de conclure une enquête sur l’état de santé de la Station spatiale internationale, qui commence à montrer quelques signes de faiblesse. Elle a notamment identifié la principale menace qui pèse sur la structure ses occupants : une fuite qui dure depuis cinq ans déjà, et pourrait bien précipiter la retraite de la station.
Il ya deux facteurs qui rendent cette fuite latente particulièrement préoccupante. Le premier, c’est son débit qui ne cesse d’augmenter. Il a initialement été mesuré à un peu moins de 100 grammes d’air par jour, mais a atteint 1 kg par jour en février 2024. Deux mois plus tard, une nouvelle augmentation substantielle a été mesurée ; le segment russe perdait près d’1,7 kg d’air par jour au mois d’avril.
Le deuxième élément inquiétant, c’est que les nombreux équipages qui se sont succédé n’ont jamais réussi à identifier précisément tous les points de fuite. Malgré quelques réparations qui ont permis de limiter les pertes depuis avril, la NASA et Roscosmos (l’agence spatiale russe) n’ont toujours pas réussi à les éliminer. Ils estiment que des soudures partiellement rompues sont sans doute en cause — mais encore faut-il les localiser, ce qui est extrêmement complexe dans un tel environnement. À ce jour, les agences ne savent même pas si le problème vient d’une soudure interne ou externe, voire des deux à la fois.
Le segment russe en mauvais état
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la fuite mentionnée dans le rapport est localisée dans le segment russe de l’ISS. Une information qui ne surprendra personne, sachant que certains de ces modules sont dans un état déplorable depuis un certain temps. En 2021, une pointure de l’aérospatiale russe avait déjà dressé un portrait peu reluisant de la situation.
« Environ 80 % des systèmes embarqués sur le segment russe de l’ISS ont rencontré de nombreux problèmes, y compris des fuites d’air causées par des fissures », avait alors indiqué Vladimir Solovyov, chef ingénieur d’Energia cité par le Moscow Times. « Une fois que ces systèmes seront entièrement épuisés, des défaillances irréparables pourraient survenir », insistait-il.
Une solution potentielle lourde de conséquences
La bonne nouvelle, c’est que cette fuite n’affecte en rien la sécurité des astronautes pour le moment. Et même si elle devenait « intenable », Roscomsos pourrait toujours condamner définitivement la trappe du module concerné. Mais ce n’est pas une décision qui doit être prise à la légère, car cela aurait pour effet de priver l’ISS d’un de ses ports d’arrimage.
À première vue, cela pourrait sembler anecdotique, sachant que l’ISS en compte 8 au total. Mais en pratique, chaque port est important, et le fait d’en perdre un seul aurait déjà un impact significatif sur la logistique de la station. En effet, cela pourrait limiter la capacité des agences à y acheminer du matériel indispensable… et même à maintenir la station en orbite.
L’ISS n’est pas située sur une orbite parfaitement stable ; à environ 400 km de la surface, il reste quelques molécules d’air dans la dernière couche de l’atmosphère, appelée thermosphère. La friction avec ces particules ralentit très légèrement la station jour après jour, et elle se rapproche inexorablement de la surface. Il faut donc qu’un engin russe compense cette perte d’altitude avec de petites mises à feu régulières. Avec un port en moins à disposition, la routine opérationnelle de l’ISS risque donc de devenir un vaste casse-tête logistique. D’où le fait que les partenaires préfèrent éviter cette solution radicale.
Quel impact sur la fin de vie de l’ISS ?
Certes, l’équipage ne court toujours pas de risque immédiat, et il n’y a pas encore de raison de paniquer. Mais à défaut d’être catastrophique, la situation commence tout de même à devenir préoccupante. Le rapport souligne d’ailleurs la vulnérabilité de l’ISS, et insiste sur le fait que le moindre problème d’approvisionnement ou impact de micrométéorite pourrait désormais représenter un risque critique. Dans l’ensemble, cela confirme le pronostic de Solovyov, qui anticipait une « avalanche de défaillances » du segment russe à l’horizon 2025.
Toute la question, c’est donc de savoir combien de temps la vieille station pourra continuer d’opérer dans ces conditions. À l’heure actuelle, les partenaires prévoient de continuer à exploiter la station jusqu’en 2030. Elle doit ensuite être désorbitée par un engin de SpaceX, qui va ralentir l’ISS pour lui offrir un saut de l’ange explosif pour boucler son illustre carrière en beauté.
Or, dans le contexte actuel, on peut légitimement se demander si elle tiendra bon jusque là. C’est d’autant plus problématique que la NASA envisage de prolonger la mission si les stations commerciales censées remplacer l’ISS ne sont pas opérationnelles d’ici là. En résumé, il faudra donc surveiller ce vieux coucou de très près sur les prochaines années. Car même s’il est encore beaucoup trop tôt pour céder à la panique, ces problèmes pourraient avoir un impact très concret sur les opérations des agences spatiales dans un futur plus proche que prévu.
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