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ESA : comment le sacrifice d’un satellite kamikaze va faire progresser l’aérospatiale

Le rentrée atmosphérique est une phase cruciale de nombreuses missions spatiales, et les troupes de l’ESA vont tâcher d’en apprendre davantage sur le sujet grâce à un engin dont la seule mission sera d’effectuer un grand saut de l’ange.

Depuis le début de l’exploration spatiale il y a bientôt 70 ans, des dizaines de milliers de satellites sont revenus brûler dans l’atmosphère de notre planète au terme de leur mission. Mais paradoxalement, les spécialistes sont encore loin de comprendre parfaitement tout ce que subit l’engin à ce moment. Pour combler cette lacune, l’ESA prépare une mission centrée sur un véritable kamikaze, dont la seule responsabilité sera de collecter de précieuses données sur cette phase critique de très nombreuses missions spatiales.

Le satellite au cœur de ce programme est appelé Draco, pour Destructive Reentry Assessment Container Object. Il s’agit d’un engin de la taille d’une machine à laver un peu particulier. En effet, il ne sera pas doté d’un quelconque système de propulsion, et pour cause : il n’a pas vocation à être contrôlé du tout. Sa mission consistera seulement à retomber comme une pierre, après avoir été lancé par une fusée sur une trajectoire bien précise qui démarrera à une altitude d’environ 1 kilomètre et l’amènera directement vers la surface sans passer par une orbite stable.

La rentrée atmosphérique, une phase critique mais mal documentée

L’objectif de cette démarche surprenante n’est pas de produire un petit feu d’artifice à plusieurs millions d’euros. Il s’agit en fait de répondre à un tas de questions cruciales sur la fin de vie des petits engins spatiaux. Lors de leur plongeon fatidique vers la Planète bleue à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par heure, à mesure que la densité des particules d’air augmente, ces engins sont soumis à des contraintes mécaniques et thermiques absolument dantesques. Dans la majorité des cas, cela conduit à leur destruction quasi totale; seuls quelques types d’engins bien précis, comme ceux qui embarquent des échantillons collectés sur un autre corps céleste ou le Starship, comprennent des éléments conçus pour résister à une telle fournaise.

En règle générale, les opérateurs ne sont pas particulièrement intéressés par cette carcasse flamboyante. lls se contentent souvent de calculer une trajectoire qui ne pose pas de risque pour les humains en contrebas, car à ce stade, la majorité des appareils ont déjà terminé leur mission et transmis toutes leurs données.

Atv 4 Rentrée
L’ATV-4 de l’ESA, en train de brûler lors de sa rentrée atmosphérique. © ESA/NASA

Cette approche fonctionne relativement bien, et a l’avantage de désengorger l’orbite terrestre qui commence à souffrir d’un sérieux problème d’encombrement. Mais cela signifie aussi que nous manquons cruellement de données sur le déroulement de cette destruction et sur la façon dont elle affecte l’atmosphère. Et ce sont ces lacunes que Draco va tenter de combler.

Un saut de l’ange au service des futurs satellites

Pour ce faire, Draco pourra compter sur un arsenal constitué de 200 capteurs logés dans une capsule blindée. Tout au long de sa chute, il va enregistrer un tas de données (pression, température, contraintes mécaniques…), et quatre caméras embarquées permettront aussi aux ingénieurs de recueillir des éléments de contexte supplémentaires pour compléter l’analyse. Ils sauront donc précisément comment chaque partie de l’appareil sera affectée par la friction avec l’atmosphère.

Une fois la partie externe de l’appareil entièrement désintégrée, il ne restera que la capsule interne contenant les données. Cette dernière va devoir se stabiliser très rapidement pour déployer un parachute. À partir de là, Draco disposera d’une petite vingtaine de minutes pour transmettre le fruit de sa collecte avant de finir sa course dans l’océan.

Au total, la mission ne durera qu’une douzaine d’heures, ce qui est extrêmement court. Mais le jeu en vaut la chandelle, car plusieurs générations de futurs satellites pourront profiter des données que Draco va rapporter.

« La science de la rentrée atmosphérique est un élément essentiel de la conception. Nous devons mieux comprendre ce qui se passe lorsque les satellites brûlent dans l’atmosphère et valider nos modèles de rentrée », », explique Holger Krag, responsable de la sécurité spatiale à l’ESA. « C’est pourquoi les données uniques collectées par Draco aideront à orienter le développement de nouvelles technologies », précise-t-il.

Il faudra encore patienter un peu pour en bénéficier, puisque Draco ne sera pas lancé avant 2027. Mais il sera très intéressant de voir de quelle manière les données qu’il va rapporter vont influencer le développement des prochains acteurs des sciences spatiales.

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Source : ESA

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