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OpenAI sacrifie sa mission originelle sur l’autel du profit

OpenAI prévoit une vaste restructuration qui, selon toute vraisemblence, va enterrer définitivement la mission quasi philanthropique sur laquelle la firme a été bâtie.

D’après Reuters, OpenAI est sur le point de lancer une vaste opération de restructuration qui va radicalement changer sa manière d’opérer. La branche à but non lucratif de la firme s’apprête notamment à perdre une grande partie de ses prérogatives — une renonciation majeure qui l’écarte encore davantage de sa philosophie originale, avec des conséquences à très concrètes pour les utilisateurs, les investisseurs et l’industrie de l’IA dans sa globalité.

Il fut un temps où OpenAI était une entreprise à dimension quasi philanthropique. Lorsque l’entreprise a été fondée en 2015 par Elon Musk, Sam Altman, Greg Brockman, Ilya Sutskever, John Schulman et Wojciech Zaremba, le projet consistait à créer une organisation à but non lucratif centrée sur le développement d’une IA « librement accessible » dont toute l’humanité pourrait bénéficier sans restriction. Ce quintuor constitué d’investisseurs et d’éminents chercheurs en IA semblait déterminé à utiliser cette technologie pour développer de nouveaux outils open source révolutionnaire, et notamment une IA dite « généraliste », supérieure en tout point à celle des humains, afin d’apporter une vraie plus-value aux citoyens du monde entier.

L’histoire d’une transformation radicale

Mais ce conte de fées technologique a vite tourné au vinaigre. Au fil des années, l’idéalisme de ce noyau dur s’est retrouvé confronté à la réalité impitoyable du marché de la tech américaine. Paralysée par un sérieux manque de liquidités, OpenAI a de plus en plus pris ses distances avec cette identité. Un changement de programme qui n’était pas du goût de tout le monde, à commencer par Elon Musk ; celui qui est resté son principal contributeur financier pendant plusieurs années a fini par quitter le navire en 2018, citant un écart de plus en plus important entre sa vision et celle de ses partenaires.

Mais ce n’était qu’un début. Quelques mois plus tard, la firme a pivoté vers un nouveau modèle en divisant son activité en deux branches : l’organisation à but non lucratif était désormais accompagnée d’une seconde branche purement commerciale. Cette décision a marqué un tournant absolument décisif dans la trajectoire d’OpenAI, car elle lui a notamment permis de tisser des liens étroits avec Microsoft. Le géant du software est entré au capital en 2019 avec un premier investissement d’1 milliard de dollars, avant de renforcer cette union avec une nouvelle perfusion de 13 milliards.

Depuis, l’entreprise a continué sa mutation. Cette période tumultueuse a notamment été marquée par le départ surprise, puis le retour en fanfare du PDG Sam Altman, qui a failli être évincé de sa propre création suite à un feuilleton rocambolesque. En parallèle, la fuite des cerveaux a continué. Les deux cofondateurs Ilya sutskever et John Schulman, brillants chercheurs en IA et grands artisans du manifeste original de la firme, ont aussi quitté le navire.

Plus récemment, le Président Greg Brockman a aussi pris des congés étonnamment longs — une absence remarquée qui présageait de grands changements selon certains observateurs proches de la firme. Cette interprétation a encore été renforcée par le départ d’une autre pointure : ce mercredi, c’est la directrice technique Mira Murati qui a plié bagage de façon aussi abrupte qu’inattendue. Et même si elle ne l’a pas explicitement admis dans son annonce officielle, il y a fort à parier que cette décision soit intimement liée à la direction stratégique de l’entreprise.

La branche non-lucrative bientôt privée de son pouvoir

En effet, ces mouvements récents coïncident avec une révélation choc de Reuters, selon qui OpenAI s’apprête en effet à passer un nouveau cap. D’après l’agence de presse, OpenAI travaillerait en ce moment sur un vaste plan de restructuration dont l’objectif serait de consolider le cœur de son activité dans une corporation à but lucratif. Cette dernière n’aurait plus besoin de montrer patte blanche à la branche non lucrative.

Il s’agit d’un changement assez énorme. En effet, cette entité qui incarne tout ce qui reste de la philosophie originale de la firme joue aujourd’hui un rôle de garde-fou, et dispose d’un certain degré de contrôle sur la branche commerciale. Avec cette restructuration, elle se retrouverait privée de ces prérogatives. En pratique, la branche non lucrative serait donc reléguée au rang de simple caution morale, sans vrai pouvoir de décision — une excellente nouvelle pour les actionnaires, mais pas pour tous ceux qui étaient déjà inquiets quant à la mutation progressive d’OpenAI.

Sam Altman, le Little Finger de l’IA ?

L’objectif principal de cette manœuvre serait de rendre l’entreprise plus attractive pour les investisseurs. Toujours selon Reuters, la restructuration prévoit notamment de faire sauter le plafond de revenus que peuvent toucher les investisseurs.

Pour la première fois, le PDG Sam Altman recevra aussi une grande quantité d’actions : des sources internes mentionnent le chiffre de 7 % de l’entreprise, qui pourrait être évaluée à 150 milliards de dollars au terme de la restructuration.

Le cas échéant, il deviendrait ainsi un actionnaire à part entière qui aura directement intérêt à augmenter les bénéfices de l’entreprise. Une perspective qui fait déjà grincer des dents, sachant qu’Altman s’était régulièrement présenté comme un philanthrope totalement désintéressé par l’argent et focalisé sur le progrès.

Elon Musk, qui ne rate jamais une occasion d’égratigner son ancien partenaire, en a profité pour le comparer à Little Finger — le personnage de Game of Thrones connu pour ses ruses, ses manipulations et son opportunisme aussi impitoyable que dévastateur.

Pour rappel, il avait déjà attaqué l’entreprise en justice suite à l’arrivée de Microsoft — une décision qu’il a interprété comme une « trahison flagrante de l’accord fondateur ».

Et la sécurité, dans tout ça ?

La grande question, c’est de savoir dans quelle mesure cette nouvelle organisation sera compatible avec l’objectif initial de la firme de développer une IA généraliste « sûre et globalement bénéfique ».

Ces derniers mois, plusieurs signaux ont déjà suggéré que l’entreprise plaçait désormais les profits devant la dimension sécuritaire. On peut notamment citer la dissolution de la fameuse « équipe de superalignement », la task-force focalisée sur la sécurité à long terme de l’IA qui était dirigée par Ilya Sutskever avant son départ fracassant cet été.

Si OpenAI passe effectivement à l’acte avec cette restructuration, il s’agira d’un nouveau pas très important dans cette direction. Il conviendra donc de suivre ce dossier avec une attention toute particulière, dans un contexte où de nombreux observateurs s’inquiètent déjà de l’influence grandissante de ChatGPT et de son rôle central dans la stratégie de Microsoft.

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