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Monstres : c’est quoi le problème avec le truecrime ?

L’anthologie Monstres revient avec une deuxième saison et abandonne l’histoire de Jeffrey Dahmer pour raconter celle de Lyle et Erik Menendez. Pourquoi le genre fait-il débat ?

“Inspirée d’une histoire vraie”. Le 19 septembre sur Netflix, l’anthologie Monstres livrera sa deuxième salve d’épisodes. Après une saison consacrée à Jeffrey Dahmer, qui a avoué avoir assassiné dix-sept jeunes hommes entre 1978 et 1991, le créateur Ryan Murphy ambitionne de raconter une autre histoire criminelle qui marqué les années 90. Cette fois-ci, ce sont les frères Menendez et leur meurtre de leurs parents qui sont à l’épicentre du récit. La plateforme espère que cette nouvelle cuvée attirera de nombreux regards à travers le monde. Après tout, Dahmer : Monster est à la troisième place du classement historique de l’entreprise et affiche plus de 115 millions de vues. Cette sortie est très attendue, mais relance aussi les débats concernant le genre du “truecrime” et la fascination du public pour ces formats ?

Un genre aux multiples facettes

Si le terme n’a pas encore eu droit de faire son entrée au dictionnaire français, il est déjà présent dans les versions anglophones. Selon la définition proposée par Cambridge Dictionnary, le terme “truecrime” décrit les films, séries ou livres qui impliquent des histoires criminelles réelles et des protagonistes qui le sont tout autant. À la différence des polars, certains s’inspirent de faits divers pour les réinventer, le truecrime se veut le reflet d’une certaine vérité. Les noms de toutes les personnes impliquées sont cités, les lieux et les éléments de contexte aussi.

Plutôt qu’une relecture d’événement, les productions du genre se présentent comme le fruit d’un travail de recherche, afin de présenter un semblant de vérité. Si les séries du genre adoptent les codes de la fiction, avec les mêmes structures narratives et les mêmes schémas d’intrigue, le truecrime peut être aussi proche du journalisme que le sont les documentaires. Pourtant, à la barre, ce sont souvent des showrunners et scénaristes, qui s’appuient sur les recherches de leurs équipes. Dans la forme comme le font, la majorité des productions répondant à ces critères jouent constamment avec la fiction et la réalité. Des acteurs sont convoqués pour prêter leurs traits à des personnages réels tandis que de véritables images d’archive (des JT ou des articles) sont utilisés pour ponctuer les scènes.

Cette ambiguïté entre invention et enquête est parfois même évoquée dans la série ou le film, comme avec Inventing Anna qui s’ouvrait sur un avertissement. Netflix prévient les spectateurs, bien qu’adaptée d’événements réels, la série invite de nombreuses séquences tout à fait fictives. Le plus souvent, il s’agit d’utiliser ces éléments pour appuyer le propos du récit.

Tous détectives ?

L’une des raisons qui pousse les spectateurs à se tourner vers le truecrime, et plus généralement les récits d’enquête et murder mystery, est sans conteste de pouvoir émettre des hypothèses concernant l’identité de ou des coupables. Comme toutes les histoires, c’est le mystère qui captive. Mais dans le cas d’un fait bien réel, où les véritables noms et circonstances ne sont pas maquillés, cela peut poser quelques problèmes. Les spectateurs s’inventent détectives et mènent leurs propres recherches. L’on peut citer des exemples récents tels que Mon Petit Renne. Quelques jours après la sortie de la série, alors même que le nom avait été modifié, des milliers d’internautes ont partagé le compte Facebook de celle qui se cache derrière le personnage de Martha.

Sur les réseaux sociaux, les vidéos consacrées étaient nombreuses, au point de remettre en doute les méthodes utilisées Netflix pour protéger les sujets de ses productions. Ces détectives d’internet, qui se retrouvent sur des forums et des groupes, sont d’ailleurs à l’épicentre du documentaire Don’t F**ck With Cats. Il retrace l’histoire du dépeceur de Montréal, qui a été repéré sur internet, mutilant des chats. Un groupe est alors lancé pour le retrouver, il comptait plus de 15 000 membres. Deux ans plus tard, une autre vidéo est publiée, on y voit l’homme mutiler sa victime. La police interviendra après ces événements, arrêtant Luka Magnotta en Allemagne. Rapidement, l’implication des détectives d’internet est questionnée, notamment sur la manière dont cette notoriété aurait pu le pousser à commettre son crime.

Ces détectives d’internet représentent aussi selon certains experts un danger pour le bon déroulé des enquêtes. Selon une étude menée par Université of Law de Guilford, 70% des consommateurs de truecrime estiment que les preuves récoltées par ces “détectives d’internet” devraient être utilisées devant un tribunal. Ally White, ancienne détective et professeur à l’Université de droit de Guilford en Angleterre, explique qu’une telle idée est :

“préoccupante du point de vue de la justice pénale. Cette pratique peut être défectueuse de bien des manières : partialité, fausses informations, mauvaise gestion des preuves, pour n’en citer que quelques-unes. En partageant des informations relatives à une affaire pénale, vous risquez non seulement de mettre en péril l’ensemble de l’affaire, en risquant potentiellement d’acquitter un coupable, mais vous courez également le risque d’être poursuivi en justice ou au moins de devoir payer une lourde amende”.

L’étude ajoute que seulement 40% des personnes interrogées ne savent pas que le partage en ligne de détails d’une affaire judiciaire peut entraîner des poursuites. En France, la diffusion auprès d’un tiers d’une pièce d’une procédure d’instruction est un délit passible de 10 000 euros d’amende.

Quelles conséquences pour les proches des victimes ?

Outre les potentielles conséquences juridiques que peuvent avoir de tels engouements pour les affaires criminelles, se pose la question de l’impact qu’ont ces récits sur les proches des victimes. Annie Nichol est la sœur de Polly Klaas, une petite fille enlevée et tuée alors qu’elle n’avait que 12 ans. Dans un article d’opinion publié par le New York Times en janvier dernier, elle évoque la manière dont l’histoire a été utilisée pour divertir les foules, mais aussi comment elle a été instrumentalisée par des politiciens. Elle explique que de nombreux livres et productions ont été consacrés à cette affaire, sans que le consentement de sa famille ne soit demandé. Des années plus tard, elle confie avoir été contactée pour que ces souvenirs soient utilisés pour faire naître des productions. Annie Nichol regrette que ces conversations l’aient à nouveau confrontée à des choses qu’elle préfère oublier.

Outre les proches des victimes, les riverains sont parfois concernés par cet attrait pour le macabre. En Lorraine, par exemple, les lieux qui ont été le théâtre de l’histoire du petit Gregory ont été pris d’assaut par les touristes peu de temps après le début de l’affaire. Sébastien Liarte, Professeur à l’Université de Lorraine et spécialiste du “dark tourism” interrogé par France 3 Grand Est, expliquait plus tôt cette année que les recrudescences de venues sur ces lieux sont intimement liés à la sortie des séries et reportages.

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