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NASA : un partenaire clé dans une situation financière extrêmement précaire

A cause de l’imprudence de l’ex-PDG, cette startup prometteuse arrive à peine à payer ses factures, au grand dam de ses partenaires qui n’ont pas l’intention de faire une croix sur des dizaines, voire centaines de millions de dollars.

Ces dernières années, la startup Axiom Space s’est imposée comme un partenaire privilégié de la NASA. Elle a notamment hérité de deux partenariats commerciaux très importants : concevoir des combinaisons de nouvelle génération qui devraient être portées sur la Lune par les astronautes du programme Artemis, et développer une station spatiale privée en orbite terrestre basse.

Mais avant d’en arriver là, l’entreprise va devoir commencer par assurer sa propre survie. Car si l’on en croit une enquête de Forbes, elle souffre en ce moment de problèmes financiers extrêmement sévères qui vont sans doute la forcer à changer radicalement de modèle commercial.

Un patron aux yeux plus gros que le ventre

La situation n’est pas entièrement nouvelle ; selon Jeremy Bogaisky, l’auteur de l’enquête de Forbes, les premiers signaux d’alerte remontent déjà à presque deux ans. Depuis début 2023, la startup manque cruellement de liquidités. Elle a toutes les peines du monde à payer ses frais courants et à verser leurs salaires aux employés, notamment parce qu’elle aurait accepté de conduire plusieurs missions avec des pertes nettes très importantes afin de « construire une relation avec les agences spatiales globales ». Mais la bonne volonté ne remplace pas les espèces sonnantes et trébuchantes, et Axiom est en train d’en faire l’amère expérience.

D’après des sources anonymes proches du dossier, une partie du blâme revient au co-fondateur et ex-PDG Michael Suffredini. Ce dernier est un vétéran chevronné de l’aérospatiale qui a passé plus de 30 ans à la NASA, dont une vingtaine avant le Budget Control Act qui a considérablement limité le budget des agences fédérales en 2011. Il était donc habitué à un environnement où les fonds tombaient presque du ciel, ce qui ne fait évidemment pas bon ménage avec les impératifs d’une jeune startup. Déconnecté des réalités, il opérait Axiom « comme un grand programme gouvernemental, plutôt que comme la startup limitée en ressources qu’elle était vraiment » — avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui.

Suffredini Axiom
L’ancien PDG Michael Suffredini. © Axiom Space

Ces révélations donnent un nouveau sens au départ de Suffredini. Il avait quitté son poste de PDG le 9 août dernier en invoquant des « raisons personnelles », mais à la lumière de cette enquête, il semble plutôt que le conseil d’administration l’ait évincé à cause de sa gestion calamiteuse, en lui offrant toutefois une porte de sortie élégante.

Des dettes auprès de cadors de l’industrie

Reste à voir si son départ permettra à l’entreprise de repartir sur de bonnes bases. Depuis deux ans, Axiom aurait manqué plusieurs paiements importants à des fournisseurs prestigieux – et ces derniers finiront bien par récupérer leur argent, même si cela implique de mettre la startup sur la paille.

Cela concerne notamment SpaceX, le principal prestataire des missions Ax-1 à Ax-4. Pour rappel, il s’agit d’une série de quatre missions qui consistent à envoyer des astronautes privés vers l’ISS pendant une quinzaine de jours en utilisant les lanceurs Falcon 9 et les capsules Crew Dragon de SpaceX.

Mais si les trois premières missions ont déjà eu lieu, l’entreprise d’Elon Musk attend toujours son argent. Selon Forbes, la startup doit 670 millions de dollars à SpaceX — et on imagine assez mal comment elle pourrait régulariser cette situation dans le contexte actuel.

Cela concerne également Thales Alenia Space. La startup avait sollicité le titan franco-italien pour produire les modules pressurisés de sa future station spatiale, mais là encore selon Forbes, elle n’aurait pas reçu l’intégralité de la somme prévue. L’entreprise affirme toutefois entretenir une “relation très forte et de confiance avec Axiom“, et cet épisode ne semble donc pas avoir impacté la volonté des deux entités de travailler ensemble.

En outre, les soucis d’Axiom vont bien au-delà du simple manque de liquidités ; elle semble aussi souffrir d’un manque d’organisation chronique. Pour rappel, son objectif est de construire un premier module, l’Axiom Orbital Segment, qui doit être greffé à la Station Spatiale Internationale dans un premier temps. Il devra ensuite prendre son indépendance à la retraite de la station, au début de la prochaine décennie, pour devenir une station spatiale modulaire indépendante grâce à l’ajout de trois segments supplémentaires.

Mais ce premier module, qui était attendu en 2020, brille toujours par son absence ; il ne rejoindra pas l’ISS avant 2026 au plus tôt. Et selon Forbes, l’ampleur du programme a aussi été revue à la baisse. Apparemment, Axiom veut désormais se contenter d’une station bien plus modeste avec seulement deux modules — et par extension, un potentiel commercial nettement inférieur qui ne l’aidera pas à payer SpaceX et Thales Alenia Space.

Artemis, la lumière au bout du tunnel

La bonne nouvelle, c’est qu’Axiom a une dernière corde à son arc pour l’aider à sortir de ce pétrin : le développement d’une nouvelle génération de combinaisons spatiales pour le compte de la NASA. C’est une lourde responsabilité, car ces vaisseaux spatiaux à forme humaine doivent notamment être utilisés par les astronautes du programme Artemis lorsqu’ils se poseront à la surface de notre satellite pour la première fois depuis l’ère Apollo.

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L’AxEMU d’Axiom, qui doit jouer un rôle central dans le programme Artemis. © Axiom Space

Pour le moment, tout indique que ce programme se déroule comme prévu. Et heureusement, sachant que l’agence américaine lui a attribué une enveloppe de 228 millions de dollars.

En outre, Axiom dispose d’une marge de manœuvre assez importante dans ce dossier. Pour rappel, la NASA avait initialement sélectionné deux entreprises pour produire les deux types de combinaisons dont elle a besoin. En plus d’Axiom qui gère les combinaisons lunaires, l’agence a aussi sollicité Collins Aerospace, une filiale du titan militaire Raytheon qui devait se charger du modèle destiné aux sorties extravéhiculaires. Mais cette dernière a fini par abdiquer suite à une explosion du budget et à une montagne de soucis techniques, laissant Axiom seule aux commandes.

Rien ne garantit que la startup va récupérer les responsabilités de Collins, mais le fait qu’elle réussisse à coller à sa feuille de route pour le moment est une bénédiction pour la NASA, sachant que l’agence a déjà fort à faire avec des prestataires qui ne brillent pas franchement par leur fiabilité (n’est-ce pas, Boeing ?). Espérons qu’elle saura en jouer pour assurer son avenir.

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1 commentaire
  1. Parmi les partenaires qui ne brillent pas par leur performance, vous oubliez SpaceX qui accuse pour l’alunisseur un retard infini… Dans Artemis, le boulet de chez boulet c’est bien le Starship de SpaceX.

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