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Bételgeuse : contre toute attente, la mystérieuse étoile a peut-être une compagne

Des chercheurs viennent de redonner du crédit à cette hypothèse souvent reléguée au second plan. Mais la vérification s’annonce aussi longue que laborieuse.

Alpha Orionis, Bételgeuse pour les intimes, est une supergéante rouge localisée dans la constellation d’Orion. Il s’agit d’ une étoile très célèbre à cause d’une caractéristique particulièrement remarquable : sa luminosité variable qui laisse les astronomes perplexes depuis des siècles. Même s’il existe de nombreuses hypothèses convaincantes, personne n’a jamais réussi à prouver rigoureusement pourquoi cet astre pouvait briller de mille feux un jour donné, puis devenir bien plus discret en l’espace de quelques centaines de jours, et ce en suivant un cycle complexe.

Une nouvelle équipe s’est récemment penchée sur la question à travers une nouvelle étude qui se distingue par rapport aux autres : elle privilégie l’hypothèse du système binaire, suggérant que Bételgeuse serait en fait un couple d’objets au lieu d’un astre isolé.

Un mystère vieux de plusieurs siècles

La variabilité de Bételgeuse n’est pas une nouveauté : les premiers témoignages de sa nature changeante remontent à la fin du XVIe siècle. Faute d’instruments assez sophistiqués, il a cependant fallu attendre le XXe siècle pour arriver à des progrès substantiels… mais ces nouvelles observations n’ont fait que rendre le problème encore plus épineux. Non seulement les astronomes de l’époque n’ont pas trouvé d’explication claire au phénomène, mais ils ont constaté que ces variations de luminosité étaient plus complexes que prévu. Elles suivent plusieurs cycles distincts, certains très courts (100 à 200 jours) et d’autres qui se déroulent sur plusieurs années.

Pendant cette période faste, les astronomes ont émis des tas d’hypothèses variées et parfois complémentaires pour expliquer ces observations. La première repose sur un phénomène déjà bien documenté chez les géantes rouges. Vers la fin de leur vie, elles ont tendance à subir des pulsations naturelles : les couches extérieures de l’étoile s’étendent et se contractent à cause de variations de température et de pression au niveau du cœur, générant des changements de luminosité dont la fréquence pourrait être compatible avec les observations de Bételgeuse.

D’autres astronomes ont suggéré qu’il pourrait s’agir d’autres processus dynamiques pas nécessairement liés à son âge. Par exemple, la surface de l’étoile pourrait être recouverte de cellules de convections, des zones turbulentes dont le dynamisme pourrait impacter la luminosité globale de l’objet. Alternativement, elle pourrait aussi éjecter de vastes nuages de poussière susceptibles de masquer temporairement l’étoile. Mais là encore, aucune de ces hypothèses n’était parfaitement concluante.

Betelgeuse Poussière
Une illustration montrant un éjectat de matière en train d’occulter Bételgeuse. © NASA, ESA, and E. Wheatley (STScI)

La tension est encore montée d’un cran à la fin de l’hiver 2019, quand l’étoile s’est soudainement assombrie de façon spectaculaire. En quelques semaines, sa luminosité a chuté d’environ 40 %. Cet épisode a relancé l’intérêt des astronomes pour une autre hypothèse : celle de la supernova. En effet, de nombreux spécialistes en ont conclu que Bételgeuse était au crépuscule de sa vie, et qu’elle s’apprêtait à subir une explosion cataclysmique dans les plus brefs délais. Quelques mois plus tard, l’étoile est finalement revenue à son niveau de luminosité moyen, poussant les astronomes à reléguer ce scénario au second plan.

Le retour en fanfare de la piste du système binaire

Faute de mieux, les chercheurs à l’origine de cette nouvelle étude se sont penchés sur une autre théorie initialement formulée dans les années 1920 : celle du système binaire, selon laquelle Bételgeuse serait accompagnée par un autre corps céleste dont les rotations pourraient la masquer périodiquement. Historiquement, peu de monde a accordé beaucoup de crédit à cette possibilité. Et pour cause : malgré de nombreuses investigations par un tas d’instruments de pointe, personne n’a jamais réussi à détecter la moindre trace d’un deuxième objet à proximité.

Mais cela ne signifie pas forcément que ce compagnon mystère n’existe pas, et c’est ce que ces chercheurs américains et hongrois ont cherché à prouver dans leur papier. Ils ont démontré qu’au fil des rotations, cet objet baptisé α Ori B pourrait disperser le nuage de poussière autour de son illustre compagne, conduisant à des variations de luminosité périodiques. Cette dynamique pourrait être assez marquée pour expliquer le grand assombrissement de 2019. Ils ont même réussi à calculer la masse théorique d’Ori B, qui serait d’environ 1,17 masse solaire. Il s’agirait donc d’un objet nettement plus massif qu’une planète, peut-être une étoile à neutrons.

Avec tous ces arguments, les chercheurs estiment que l’hypothèse du système binaire est la plus plausible pour expliquer les variations de Bételgeuse, en particulier celles qui surviennent sur le long terme.

Toujours pas de preuve formelle

Mais quoi qu’il en soit, le mystère va sans doute perdurer encore un certain temps. Même si les éléments avancés par les auteurs s’emboîtent relativement bien, détecter Ori B sera nettement plus facile à dire qu’à faire; ce n’est pas un hasard si personne n’a trouvé la moindre trace d’un compagnon pour le moment. Et même si son existence est confirmée un jour, il est probable que d’autres hypothèses citées plus haut soient également valables, et que le comportement de Bételgeuse soit la résultante de plusieurs facteurs différents.

Cet astre iconique risque de continuer à nous narguer pendant de longues années; il ne reste qu’à espérer que les chercheurs découvriront le fin mot de l’histoire avant la supernova fatidique, attendue d’ici une centaine de milliers d’années !

L’étude, encore au stade de la prépublication, est disponible ici.

 

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