Le 12 août dernier, Netflix ajoutait un monument du petit écran à son catalogue. La plateforme profitait de l’été pour s’emparer de la série Mad Men, diffusée entre 2007 et 2015 sur AMC. Évoluant dans les années 60, autour d’une agence de publicité, la création de Matthew Weiner a été un succès d’audience et critique. La lauréate de plusieurs Emmy Awards (dans la catégorie meilleure série dramatique) est régulièrement citée parmi les séries qui ont marqué la précédente décennie.
Les abonnés Netflix qui n’auraient pas encore eu l’occasion de la découvrir peuvent ainsi depuis quelques jours se lancer dans un marathon, avec 91 épisodes au programme. Cela n’aura pas échappé aux adorateurs de l’univers Mad Men, un chapitre a été supprimé. La série, telle qu’elle a été diffusée aux États-Unis et plus tard en France, comprenait 92 chapitres. Erreur ou omission délibérée ? Les abonnés étaient nombreux à s’interroger sur cette censure, qui rend par la même occasion le terme “intégrale de Mad Men” caduc.
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— Netflix France (@NetflixFR) August 12, 2024
L’épisode concerné est dans la saison 3, il s’agit de My Old Kentucky Home. Sorti en 2009, il évoque une soirée organisée par Roger, le patron du personnage principal Don. Lors de cet événement, Roger chante une chanson antiesclavagiste devant ses invités, avec le visage peint en noir. Si l’audience est hilare, Don est mal à l’aise… les spectateurs aussi. La scène aborde le sujet du “blackface”, Netflix n’a visiblement pas compris la subtilité du récit. Mad Men est une capsule temporelle qui aborde de nombreuses thématiques sociétales, du racisme au sexisme. Netflix préfère s’éviter toute déconvenue, et préfère censurer la série.
C’est quoi un “blackface” ?
Le terme “blackface” désigne une pratique théâtrale du début du 19ᵉ siècle. À cette époque, aux États-Unis, les minstrels shows mettent en scène des comédiens blancs qui se griment pour incarner des caricatures stéréotypées de personnes noires américaines. Dans les années 60, la pratique va être remise en question avec le début des mouvements afro-américains pour les droits civiques.
Un vieux débat
Le cas de Mad Men n’est pas isolé, Netflix avait déjà appliqué la même sentence à la série Community en 2020, supprimant un épisode qui impliquait aussi un “blackface”. Lors d’une partie de Donjons & Dragons, le personnage incarné par Ken Jeong apparaît avec une de la peinture noire sur le visage et des oreilles pointues. S’il explique que c’est sa manière d’incarner un elfe pour les besoins de la partie, le personnage de Shirley (afro-américaine) lui explique qu’il s’agit d’un “crime racial”. La suppression de l’épisode n’avait pas non plus été évoquée par Netflix.
Ces disparitions soudaines relancent les débats concernant la censure de contenus contemporains ou non, qui reposent (volontairement ou non) sur des stéréotypes racistes ou sexistes. Depuis plusieurs années, Disney+ propose un message de prévention avant certains de ses films. C’est le cas des films d’animation qui convoquent des visions stéréotypées, comme Les Aristochats ou La Petite Sirène. Avant leur visionnage, un message d’avertissement s’affiche :
“Ce programme comprend des représentations datées et/ou un traitement négatif des personnes et des cultures (…) Plutôt que de supprimer ce contenu, nous tenons à reconnaître son influence néfaste afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, d’engager le dialogue et de bâtir un avenir plus inclusif”.
Netflix aurait pu utiliser ce genre de méthode pour avertir ses abonnés, comme la plateforme le fait déjà pour les scènes choquantes ou les effets lumineux. Les nouveaux spectateurs de Mad Men ne devraient pas remarquer cette absence d’un épisode, la plateforme ayant ainsi renommé l’épisode 4 pour assurer la continuité.
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