Passer au contenu

Ce petit robot hybride est contrôlé… par un champignon

En plus de participer à l’émergence d’une nouvelle génération de bio-robots hybrides, ces travaux pourraient aussi aider les chercheurs à mieux comprendre les mécanismes cachés du monde vivant.

Au niveau le plus superficiel, les robots ne sont constitués que de trois éléments de base : une source d’énergie, un système mécanique composé de différents moteurs et actionneurs, et un système de contrôle pour piloter l’ensemble. Mais ce qui rend la robotique si passionnante, c’est que chacun d’entre eux peut prendre des formes radicalement différentes ; les ingénieurs disposent d’une marge de manœuvre assez conséquente qui leur permet de laisser parler leur imagination pour développer des concepts toujours plus innovants. On l’observe souvent dans le domaine de la robotique souple, où le système mécanique est composé d’éléments flexibles ou même gonflables. Il est aussi possible d’exploiter des sources d’énergie insolites, comme des bactéries.

Mais les concepts les plus originaux sont peut-être ceux qui utilisent des systèmes de contrôle. Par exemple, cet été, des chercheurs chinois ont publié des travaux fascinants où ils ont exploré l’idée de contrôler des robots hybrides à l’aide d’organoïdes cérébraux, des amas de cellules de cerveau humain cultivés en laboratoire. Plus récemment, c’est la prestigieuse Université de Cornell qui nous l’a encore prouvé avec une paire d’engins contrôlés par… des champignons.

Le mycélium, un puissant contrôleur naturel

Le concept repose sur la grande polyvalence naturelle de ces êtres vivants, ou plus précisément de leur mycélium — le réseau souterrain formé par les champignons. Le mycélium est par exemple capable de détecter une grande variété de signaux physiques et chimiques différents et d’y répondre.

Mais surtout, comme notre système nerveux, son activité est gérée par l’intermédiaire de différents signaux électriques qui, en théorie, peuvent permettre de communiquer avec un système électronique classique. Les chercheurs américains se sont donc demandé s’il était possible d’exploiter ces capacités pour développer un robot capable de s’adapter spontanément à son environnement, sans que les concepteurs aient besoin d’anticiper tous les cas de figure possibles.

« Si on considère un système synthétique — un capteur passif, par exemple — nous ne l’utilisons que dans un seul but précis. Mais les systèmes vivants réagissent au toucher, à la lumière, à la chaleur et même à certains paramètres inconnus. Nous avons donc songé à exploiter ces systèmes vivants pour concevoir des robots qui pourraient fonctionner dans un environnement inattendu », explique Anand Mishra, auteur principal de l’étude.

Le concept est certes enthousiasmant, mais loin d’être évident à mettre en œuvre. En effet, concevoir un tel système nécessite des compétences pointues dans de nombreuses disciplines supplémentaires, bien au-delà de l’ingénierie mécanique et électronique qui est à la base de la robotique conventionnelle. Mishra a donc assemblé une équipe de choc composée de plusieurs spécialistes en mycologie, en neurobiologie, ou encore en traitement de signaux.

Un couple de robots hybrides polyvalents

Ensemble, ils ont développé un système basé sur une interface électrique qui se charge de faire le lien entre le mycélium et les autres composants. Il enregistre l’activité électrophysiologique du champignon en temps réel, et transmet ensuite ces données à un contrôleur spécialisé qui sert de cerveau au robot.

« En substance, le système lit les signaux électriques bruts, les traite pour identifier les pics d’activité rythmiques du mycélium, puis les convertit en informations qui sont dispensées à un contrôleur numérique qui gère les actionneurs du robot », expliquent les auteurs dans un communiqué.

A partir de là, l’équipe a assemblé deux prototypes : un robot souple en forme d’araignée et un autre plus traditionnel, monté sur des roues. Et les premiers tests ont produit des résultats assez bluffants.

Lors de la première expérience, les deux engins se sont mis à marcher et à rouler sous l’impulsion des signaux électriques produits par le mycélium. La seconde, qui consistait à éclairer ce contrôleur fongique avec de la lumière ultraviolette pour modifier son activité, a permis de modifier la démarche des robots. Et avec le troisième test, les chercheurs ont réussi à contrôler entièrement les deux hybrides en écrasant le signal natif du mycélium. Une preuve de concept assez spectaculaire qui va sans doute faire des émules.

« Cet article est le premier d’une longue série qui utilisera les champignons pour fournir des signaux de détection environnementale et de commande aux robots afin d’améliorer leurs niveaux d’autonomie. En cultivant du mycélium dans l’électronique d’un robot, nous avons pu permettre à la machine biohybride de détecter et de réagir à l’environnement », récapitule Rob Shepherd, co-auteur de l’étude.

Une interface prometteuse pour les biologistes

Et il ne s’agit pas que de recherche fondamentale. Les auteurs estiment que cette idée pourrait bien déboucher sur des applications concrètes.

« Dans ce cas, nous avons utilisé la lumière comme entrée, mais à l’avenir, elle sera chimique. Le potentiel des futurs robots pourrait être de détecter la chimie du sol dans les cultures et de décider quand ajouter plus d’engrais, par exemple. De tels robots pourraient aussi atténuer les effets néfastes de l’agriculture comme la prolifération d’algues nuisibles », ajoute-t-il.

Mais le plus intéressant, c’est que ces travaux dépassent largement le cadre de la robotique et de la mycologie. Cette approche hybride pourrait aussi nous aider à mieux comprendre la dynamique globale du vivant.

« Ce type de projet ne consiste pas seulement à contrôler un robot. Il s’agit aussi de créer une véritable connexion avec le système vivant. Une fois que l’on capte un signal, on peut également comprendre ce qui se passe ; peut-être que ce signal vient d’une sorte de stress, par exemple. En un sens, ces robots nous offrent une visualisation de la réponse physique à ces signaux que nous ne pouvons pas visualiser », insiste Mishra.

Il conviendra donc de surveiller l’évolution de cette niche aussi prometteuse que fascinante avec une attention toute particulière.

Le texte d el’étude est disponible ici.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

1 commentaire
  1. Donner du pouvoir a un Champignon…. Mhh, je ne peux m’empêcher de penser a des scenarios catastrophes… Resident Evil haha!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Mode