LEn plus des prospecteurs qui rêvent de faire fortune, les chercheurs sont aussi fascinés par les pépites d’or, pour des raisons très différentes. En effet, même si les progrès de la géologie moderne nous permettent de relativement bien cerner les mécanismes qui entrent en jeu, il manque encore plusieurs informations essentielles pour comprendre ce qui permet au métal jaune de s’accumuler sous cette forme. Une nouvelle étude s’est attardée sur ces objets convoités, et notamment sur certaines pépites si énormes qu’elles défient les modèles théoriques : selon les auteurs, c’est l’électricité générée par des séismes qui pourrait conduire à leur formation.
Si l’or est aussi précieux, c’est parce qu’il n’existe aucun mécanisme géologique connu qui permet d’en produire sur Terre. Les spécialistes considèrent qu’il émerge exclusivement de processus incroyablement énergétiques comme les supernovas, ces gigantesques explosions qui surviennent à la fin du cycle de vie de certaines étoiles, ou les collisions d’étoiles à neutrons. Si l’on en trouve sur notre planète, c’est seulement parce qu’elle s’est formée à partir de matériel disséminé par ces événements cataclysmiques — et, dans une moindre mesure, grâce à des astéroïdes qui nous en ont apporté depuis les confins du cosmos.
L’origine mystérieuse des méga-pépites
Par conséquent, la grande majorité de l’or terrestre existe sous forme de petites particules qui parsèment les entrailles de notre planète. Si l’on peut aussi en trouver sous forme de pépites, c’est à cause de l’activité interne de la Terre qui permet à ces particules de s’agglomérer.
« L’explication standard stipule que l’or précipite à partir de fluides chauds qui circulent à travers les failles de la croûte terrestre. Lorsqu’ils refroidissent ou subissent des changements chimiques, l’or peut être séparé, puis piégé dans des gisements de quartz », explique Chris Voisey, auteur principal de l’étude.
Ce modèle est globalement bien accepté, notamment parce qu’il a été validé de façon empirique. Par exemple, lors de la fameuse ruée vers l’or, les prospecteurs ont vite compris qu’ils avaient nettement plus de chances de faire fortune en explorant des régions riches en quartz. Le souci, c’est que cette théorie comporte des lacunes significatives.
En effet, il arrive que des pépites absolument gigantesques de plusieurs kilogrammes émergent du sous-sol. Or, personne n’a jamais réussi à expliquer comment ces objets peuvent se former, sachant que la concentration en or des fluides décrits ci-dessus est typiquement très faible. En outre, les gisements d’or ont tendance à être emprisonnés dans des poches de quartz pratiquement hermétiques, sans la moindre faille qui pourrait permettre à un fluide de s’y infiltrer.
Du quartz, de l’électricité et des séismes
Une équipe de l’université australienne de Monash a décidé de mener l’enquête pour lever ce voile de mystère, et elle est parvenue à une conclusion assez exotique en partant des propriétés du quartz. En effet, ce dernier est un minéral dit piézoélectrique. Cela signifie qu’il génère de l’électricité lorsqu’il est soumis à des contraintes mécaniques… et il se trouve justement que l’or est un excellent conducteur électrique.
L’équipe a donc suggéré qu’à une échelle suffisamment importante, cet effet pourrait permettre aux particules d’or de s’agglomérer pour former de grosses pépites. Ce processus nécessiterait toutefois un apport d’énergie énorme dans un intervalle de temps relativement court. Qu’à cela ne tienne, les auteurs ont vite identifié un candidat prometteur : les séismes qui surviennent à la rupture d’une portion de la croûte terrestre, dégageant au passage une énergie dantesque.
Ils ont tenté de vérifier leur hypothèse en reproduisant ce mécanisme en laboratoire à petite échelle. Pour ce faire, ils ont immergé des cristaux de quartz dans un fluide riche en or, puis utilisé un percuteur monté sur un puissant moteur afin de simuler le stress mécanique produit par un tremblement de terre. Après avoir malmené le substrat 20 fois par seconde pendant une heure, ils ont analysé le résultat au microscope à la recherche d’agglomérats d’or — et les résultats ont dépassé leurs espérances.
« Les résultats ont été bluffants. L’or s’est non seulement déposé à la surface du quartz stressé, mais il s’est aussi accumulé sous forme de nanoparticules », explique Andy Tomkins, co-auteur de l’étude.
L’hypothèse la plus convaincante à ce jour
Cela prouve sans l’ombre d’un doute que des pépites d’or peuvent apparaître dans des gisements de quartz exposés à des séismes. Mais cela suffit-il à expliquer la formation d’énormes pépites comme Welcome Stranger, la plus grosse jamais identifiée avec plus de 70 kg sur la balance ?
Pour les chercheurs, la réponse est un grand oui; ils considèrent que les résultats de leurs travaux sont aussi valables à plus grande échelle. L’expérience a montré que l’or a tendance à se déposer sur les grains d’or existants plutôt que d’en former de nouveaux. En d’autres termes, avec plusieurs séismes successifs, on pourrait théoriquement obtenir des pépites absolument monstrueuses.
« En substance, le quartz se comporte comme une batterie naturelle où l’or est l’électrode. Il pourrait donc s’accumuler au fil des événements sismiques », résume Voisey.
Enfin, la piste piézoélectrique est d’autant plus convaincante qu’elle pourrait également permettre d’expliquer pourquoi les gisements d’or sont souvent emprisonnés au beau milieu de poches de quartz, sans porte d’entrée apparente.
Au-delà de la science fondamentale, cette étude pourrait avoir des retombées significatives en pratique. Si les conclusions de l’équipe sont confirmées, les individus et entreprises qui recherchent activement des gisements d’or pourront se concentrer sur les gisements de quartz situés dans des zones de forte activité sismique, car ils auront nettement plus de chance d’y trouver des pépites d’or de grande taille.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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