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Sous pression, Blue Origin veut lancer sa nouvelle fusée en octobre

L’entreprise de Jeff Bezos a annoncé que le vol inaugural de New Glenn aurait lieu le 13 octobre prochain – mais la nature de cette première mission très ambitieuse et le manque de maturité de l’entreprise laissent planer le doute sur la pertinence de ce calendrier.

Blue Origin a enfin dévoilé une date pour le vol inaugural de son premier lanceur lourd, New Glenn : l’entreprise vise désormais le 13 octobre 2024. Reste à voir si elle réussira à honorer cette deadline assez ambitieuse.

Lorsque le projet a démarré en 2012, New Glenn était censée devenir le principal concurrent des véhicules de SpaceX, qui était encore une entreprise émergente à l’époque. Il s’agit en effet d’un lanceur à deux étages conçu pour déployer des charges utiles lourdes, avec une capacité de 45 tonnes en orbite terrestre basse et 13 tonnes en orbite géostationnaire dans sa configuration de base. C’est significativement plus que le Falcon 9 (22,5 tonnes), mais moins que le Falcon Heavy (64 tonnes).

Elle est également conçue pour être partiellement réutilisable; son premier étage, propulsé par 7 moteurs méthalox BE-4 capables de fournir environ 1750 tonnes de poussée (contre 770 pour Falcon 9 et 2300 pour Falcon Heavy), peut théoriquement rentrer au bercail après sa mission. New Glenn est aussi censé être plus économique que ce dernier, avec un peu moins de 70 millions de dollars par lancement contre 90 pour la plus grande fusée opérationnelle de SpaceX.

Un lanceur qui se fait désirer

Sur le papier, il s’agit donc d’un intermédiaire intéressant. La grande différence, c’est que contrairement à SpaceX qui enchaîne les lancements avec une régularité bluffante, New Glenn a enchaîné les pépins techniques qui ont conduit à des retards importants. On peut notamment citer le moteur BE-4; comme le Raptor V2 de SpaceX à l’époque, il a donné bien des migraines aux ingénieurs qui ont eu toutes les peines du monde à le finaliser. Résultat : Le lanceur n’a toujours pas pointé le bout de son nez, alors qu’il était censé décoller pour la première fois en 2020. Une mauvaise nouvelle pour la compétitivité de l’entreprise, qui affiche désormais un retard assez énorme sur son principal concurrent.

Mais malgré la discrétion de Blue Origin, l’entreprise semble avoir mis un sérieux coup d’accélérateur depuis le début de l’année. L’annonce de cette date de lancement va en tout cas dans le sens des déclarations de décembre 2023, quand l’entreprise se disait enfin “prête à passer à la vitesse supérieure”.

La mise en service en janvier dernier du Vulcan Centaur , le nouveau lanceur d’ULA qui utilise également ces fameux moteurs BE-4, semble aussi indiquer que l’entreprise a passé un vrai palier technique.

Les yeux plus gros que le ventre ?

En somme, New Glenn semble enfin sur la bonne voie… mais il serait bien imprudent de prendre cette date pour argent comptant.

L’entreprise est sous pression à cause des impératifs logistiques de sa première mission. Pour rappel, le premier objectif de New Glenn sera de déployer les deux sondes de la mission ESCAPADE de la NASA, dont l’objectif est d’ étudier les effets du vent solaire sur l’atmosphère de Mars. Si elle a misé sur le 13 octobre, c’est parce que cette date tombe en plein milieu de la fenêtre de transfert vers la Planète rouge; c’est à cette période que les positions respectives deux planètes permettent de réaliser un transfert interplanétaire dans des conditions optimales.

Or, cette fenêtre ne s’ouvre qu’une fois tous les deux ans (ou tous les 26 mois pour être précis). Si Blue Origin la manque, le déploiement d’ESCAPADE devra donc attendre jusqu’à décembre 2026. Les responsables étaient donc plus ou moins forcés d’annoncer qu’ils allaient au moins tenter le coup, ne serait-ce que pour sauver les apparences… et pour éviter que la NASA ne jette l’éponge et transfère le contrat à une autre entreprise comme SpaceX.

Mais cela place l’écurie de Jeff Bezos dans une position assez inconfortable, car elle manque cruellement d’expérience. À ce jour, l’entreprise n’a pas déployé ne serait-ce qu’un simple satellite en orbite terrestre basse. Il y a donc de quoi être sceptique vis-à-vis de sa capacité à négocier une mission interplanétaire avec un tout nouveau véhicule qui n’a jamais quitté le pas de tir. Le risque est d’autant plus important que les lanceurs, lourds qui plus est, sont rarement fiables au début de leur cycle de vie. Ces engins ont généralement besoin de plusieurs vols pour arriver à maturité.

On peut donc légitimement se demander si Blue Origin n’a pas eu les yeux plus gros que le ventre, surtout qu’elle ne peut absolument pas se permettre d’échouer. La perte d’ESCAPADE impacterait fortement l’image de cette entreprise qui a encore tout à prouver. Le cas échéant, la NASA y réfléchirait sans doute à deux fois avant de lui confier une nouvelle mission. Vous l’aurez compris, les enjeux sont considérables, et dans ce contexte, il ne serait pas étonnant que l’entreprise repousse ce vol inaugural pour assurer ses arrières – quitte à accumuler encore plus de retard.

Quoi qu’il en soit, nous vous donnons rendez-vous au mois d’octobre pour voir si New Glenn sera prêt à temps, et le cas échéant, si elle réussira à atteindre cet objectif très ambitieux.

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