AMD vient de signer un accord pour faire l’acquisition de ZT Systems pour un petit peu moins de 5 milliards de dollars. Ce fournisseur majeur de solutions de serveurs hyperscale pour le cloud computing et l’intelligence artificielle est une belle prise pour l’entreprise de Lisa Su, qui est en train de multiplier les investissements dans ce domaine avec l’objectif de contester la domination sans partage d’Nvidia.
Techniquement, il s’agit davantage de fiançailles que d’un vrai mariage pour le moment. En effet, le média précise que la transaction reste suspendue au feu vert des régulateurs américains, qui devront valider la légalité de l’opération avant que le groupe ne puisse être officiellement assimilé par AMD. Mais le processus semble sur la bonne voie ; tous les analystes ont l’air optimistes et estiment que les derniers détails seront finalisés début 2025.
AMD à la poursuite d’Nvidia
Cette acquisition témoigne de la volonté d’AMD de mettre la main sur une partie du marché du cloud computing appliqué à l’IA, qui est dominé de la tête et des épaules par Nvidia. Pour rappel, l’entreprise affiche des résultats financiers hallucinants depuis environ un an ; récemment, elle est même devenue l’entreprise la plus capitalisée au monde en dépassant temporairement Microsoft après une nouvelle flambée de son action.
Ce succès, Nvidia le doit avant tout à son statut de plaque tournante de cette industrie. Elle fournit notamment plus de 80 % des GPU sur lesquels toute la Big Tech se rue depuis le début du boom de l’intelligence artificielle. Et cette mainmise ne va sans doute pas s’amenuiser à l’approche de la nouvelle génération Blackwell, dont la sortie est attendue avant la fin de l’année.
Mais plus largement, elle se distingue aussi par son offre très complète ; elle fournit aussi des serveurs et autres équipements réseau ainsi qu’une ribambelle d’outils logiciels sur lesquels des tas de poids lourds s’appuient pour entraîner et déployer leurs modèles IA. L’acquisition de ZT Systems montre qu’AMD cherche à concurrencer Nvidia sur ce terrain en particulier.
Mais si la plupart des analystes semblent convaincus que l’affaire va être conclue sans problèmes, nombre d’entre eux s’interrogent toutefois par rapport à la pertinence de cet investissement. Pour commencer, même si Nvidia est surtout connue pour ses GPU, elle domine aussi le versant logiciel grâce à CUDA (Compute Unified Device Architecture).
Il s’agit d’une plateforme logicielle qui permet de transformer ces composants spécialisés en systèmes très versatiles, capables de traiter à peu près n’importe quel type de données en parallèle — y compris celles qui passaient autrefois seulement par le CPU. À l’heure actuelle, presque toute l’industrie de l’IA est directement basée sur CUDA ; c’est devenu un véritable standard, à tel point que même l’Autorité de la concurrence française l’a dans le viseur.
On imagine assez mal comment l’acquisition de ZT Systems pourrait convaincre tous ces clients de s’en passer pour faire pencher la balance.
Le segment CPU sacrifié sur l’autel de l’IA ?
D’autres observateurs s’interrogent aussi par rapport au timing. De plus en plus d’analystes considèrent l’IA comme une énorme bulle financière qui menace d’éclater d’une minute à l’autre. Dans ce contexte, est-ce bien raisonnable de débourser des milliards pour concurrencer ce qui serait un colosse aux pieds d’argile, si les pronostics de ces analystes sont corrects ?
La question mérite d’être posée, notamment parce que l’entreprise traverse une période charnière dans son cœur de métier — les CPU. À l’heure actuelle, AMD dispose d’un vrai avantage sur Intel, le leader historique de cette industrie qui est empêtré dans un vaste bourbier technologique et financier. Les dernières générations de puces de l’écurie bleue ont globalement été décevantes, sans parler du fait que ces dernières souffrent d’énormes problèmes de stabilité qui menacent à la fois l’image et le business model de l’écurie bleue.
AMD, en revanche, a enchaîné plusieurs générations d’excellente facture, et a l’occasion d’enfoncer le clou encore davantage avec ses nouveaux Ryzen sous architecture Zen 5. Malheureusement, elle semble avoir légèrement raté le coche — en tout cas sur le segment desktop.
Si ses nouveaux Ryzen AI 300 ont globalement été très bien reçus, on ne peut pas en dire autant des Ryzen 900 destinés aux PC fixes. Les premiers benchmarks ont révélé une certaine stagnation, avec des gains de performances moins impressionnants que prévu… et surtout des problèmes de stabilité, un peu comme Intel — même si les raisons sous-jacentes semblent très différentes. Force est de constater qu’AMD a raté une belle occasion de mettre la tête d’Intel sous l’eau.
Toute la question, c’est de savoir ce qui a pu alimenter cet “échec” (toutes proportions gardées). D’un côté, il est tout à fait possible que ces soucis soient simplement liés au manque de maturité de la toute nouvelle architecture Zen 5. Mais on peut aussi imaginer que la nouvelle appétence d’AMD pour l’IA ait contribué à ce lancement un peu bâclé… Et le cas échéant, il s’agirait sans doute d’une vraie erreur stratégique potentiellement lourde de conséquences si l’IA s’avère être une bulle financière qui finit par éclater.
Il sera donc très intéressant de suivre l’évolution de ce marché sur les prochaines années. Si AMD continue de s’immiscer dans l’industrie de l’IA, parviendra-t-elle à jongler avec tous ces éléments pour rester compétitive sur le segment CPU ? Ou va-t-elle délaisser partiellement son cœur de métier pour tenter d’exister sur un marché qui pourrait bien s’écrouler avant la fin de la décennie ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais la réponse aura sans doute un impact significatif sur les rapports de force qui alimentent le monde du hardware. Les paris sont ouverts !
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