La phrase « Tire la langue et fais Aaaah » est un grand classique des consultations médicales — et elle pourrait devenir encore plus courante d’ici quelques années. Dans une étude récente, des chercheurs australiens et irakiens ont présenté un nouvel algorithme qui permet de diagnostiquer plusieurs maladies à partir d’une simple image de la langue, et ce avec une précision bluffante.
Si cette pratique est aussi courante, c’est parce qu’elle a largement fait ses preuves. Il est avéré que les caractéristiques de la langue sont des éléments de diagnostic précieux qui peuvent révéler un tas de choses sur ce qui se passe dans notre corps.
« La couleur, la forme et l’épaisseur de la langue peuvent révéler une myriade de problèmes de santé », explique Ali Al-Naj, co-auteur de l’étude, avant de donner quelques exemples. « Typiquement, les personnes atteintes de diabète ont une langue jaunâtre. Chez ceux qui souffrent d’un cancer, elle peut être violacée et recouverte d’une épaisse couche graisseuse. Les patients qui ont subi un AVC grave, de leur côté, présentent une langue très rouge à la forme inhabituelle. Une langue très blanche peut révéler une anémie, et une couleur indigo peut indiquer des problèmes vasculaires ou gastro-intestinaux », énumère le chercheur.
Le machine learning au service d’une technique millénaire
Cette façon d’observer la langue pour poser un diagnostic n’est pas nouvelle, loin de là. Des documents historiques ont montré qu’avant de se démocratiser en occident il y a plusieurs siècles déjà, cette pratique était déjà courante dans la médecine traditionnelle chinoise il y a plus de 2000 ans. Et puisqu’elle a largement eu le temps de faire ses preuves, des chercheurs de la Middle Technical University, en Irak, et de l’University of South Australia ont donc cherché à la moderniser.
Pour ce faire, ils ont utilisé un outil particulièrement en vogue en ce moment : le machine learning. Ils ont commencé par entraîner un modèle avec 5260 images de langues capturées dans des conditions d’éclairement très différentes. En guise de référence, ils y ont aussi intégré d’autres photos prises chez des personnes à qui l’on avait déjà diagnostiqué divers problèmes de santé. Le système a ainsi pu apprendre à faire le lien entre les caractéristiques de cet organe et l’état de santé de son propriétaire.
Une fois satisfaits par l’entraînement de l’algorithme, les auteurs l’ont ensuite confronté à des patients encore inconnus. Ils ont installé les participants devant une caméra tout ce qu’il y a de plus normale, placée à une vingtaine de centimètres du visage. Cet appareil a capturé quelques images de la langue avant de puiser dans son réseau de neurones artificiels pour tenter d’identifier une éventuelle maladie en temps réel. À chaque fois, le diagnostic a ensuite été vérifié par un médecin en chair et en os afin d’estimer le taux de succès du programme.
Des résultats impressionnants
Et si l’on en croit les conclusions de l’étude, le modèle IA a visé juste dans 96,6 % des cas — le tout en temps réel !
Il s’agit d’un score très impressionnant et très encourageant — même si la technique comporte tout de même certaines limites. Par exemple, certains patients étaient très réticents à l’idée de céder ainsi des données médicales à un système informatique. En outre, les reflets liés à l’angle de la caméra peuvent changer significativement la couleur de l’image, et donc affecter le diagnostic. Il ne s’agit donc pas d’un système qu’un patient pourrait déjà utiliser tout seul en toute sécurité, du moins pour le moment. Mais cette technique présente tout de même des avantages indéniables. Si elle est effectivement aussi précise que cette étude le suggère, elle pourrait ouvrir la voie à une nouvelle méthode de diagnostic facile, rapide, économique, et même confortable, puisque la procédure est entièrement non invasive. Un outil très intéressant pour compléter l’arsenal des praticiens, en somme.
Plus largement, ces travaux nous donnent aussi un avant-goût de la manière dont le machine learning pourrait complètement transformer la médecine à moyen terme. Pour rappel, c’est loin d’être la première fois que cette technologie est utilisée dans le cadre de la santé. Par exemple, cela fait déjà plusieurs années que des chercheurs entraînent des modèles à éplucher des radios pour détecter des tumeurs très discrètes qui auraient pu échapper à la vigilance des spécialistes lors des examens traditionnels. Pour l’instant, toutes ces techniques sont encore loin d’être matures ; mais une fois qu’elles le seront, il est très probable qu’elles aident les professionnels à nous soigner de manière plus efficace que jamais, avec une potentielle révolution de la santé publique à la clé.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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