Grâce à l’apparition d’actionneurs et de systèmes de contrôle toujours plus sophistiqués, les robots modernes sont capables de véritables prouesses par rapport à leurs ancêtres. Il n’y a qu’à jeter un œil du côté de Boston Dynamics et de son fameux robot Atlas pour s’en convaincre. Mais si les robots sont capables d’enchaîner des tâches avec une rapidité impressionnante ou d’atteindre des niveaux de précision stupéfiants, ils ont généralement beaucoup de mal à allier les deux. Par conséquent, il y a encore de nombreuses activités où les humains continuent de se montrer plus performants que leurs homologues cybernétiques.
Le tennis de table en est un excellent exemple. Localiser une balle qui peut se déplacer à plus de 100 km, calculer sa trajectoire potentiellement incurvée dans l’espace, puis déterminer le bon mouvement pour la renvoyer efficacement en tenant compte de sa rotation, le tout dans un intervalle de temps suffisamment court pour avoir le temps d’exécuter le mouvement approprié, est déjà difficile pour un humain. Et ça l’est encore davantage pour un robot. Si certaines machines sont capables de renvoyer une balle qui rebondit lentement, aucune machine n’a jamais réussi à tenir la dragée haute à un pongiste ne serait-ce que vaguement qualifié.
Un robot pongiste dopé au machine learning
Mais ce n’est peut-être plus qu’une question de temps si l’on se fie aux derniers progrès de Google dans ce domaine. Depuis quelque temps, des ingénieurs du géant américain cherchaient activement à faire passer le ping-pong robotique dans une nouvelle dimension.
Comme souvent en ce moment, la grande innovation se trouve au niveau du système de contrôle ; il se base en grande partie sur le machine learning. En pratique, il est constitué d’une bibliothèque d’actions dites de « bas de niveau » qui se spécialisent chacune dans un aspect clé de ce sport (topspin en coup droit, ciblage du revers…). Chacune de ces entrées est accompagnée d’un ensemble d’informations sur les forces, les faiblesses et les limites de chaque compétence.
En parallèle, un deuxième système supervise l’ensemble. Il est chargé d’analyser le statut de la balle et de sélectionner l’action la plus pertinente. Il a aussi pour mission de collecter des données à chaque échange pour compléter et affiner son répertoire de coups. On obtient donc un système hybride qui évolue en permanence tout en restant ancré dans son ensemble d’instructions original.
« À mesure que le robot s’améliore, le niveau de jeu devient progressivement plus complexe tout en restant ancré dans des conditions de travail réelles. Ce cycle hybride simulation-réel crée un programme de tâches automatique et permet aux compétences du robot de s’améliorer au fil du temps », explique le communiqué de Google.
Un tyran pour les débutants…
Après cet entraînement, les ingénieurs ont confronté leur création à des adversaires humains. Un coach professionnel a réparti les 29 joueurs humains dans quatre catégories de niveau : débutant, intermédiaire, avancé, et avancé +, ce qui correspond à un joueur de club de haut niveau. Chacun des 29 prétendants a joué trois parties contre le robot en suivant la réglementation officielle — avec quelques modifications indispensables, puisque l’engin est incapable de servir la balle. Et dans l’ensemble, les résultats ont été plutôt impressionnants.
Sur les images, on observe que le robot a réalisé de nombreux échanges très convaincants, et même remporté quelques points spectaculaires avec des coups incisifs qui témoignent d’une bonne lecture de la situation. Ces fulgurances ont été dévastatrices pour les joueurs débutants, puisqu’aucun d’entre eux n’a remporté la moindre partie. Les joueurs intermédiaires ont aussi souffert ; le robot a remporté 55 % de ses matchs contre ces adversaires.
Au total, le robot a remporté 45 % de ses matchs et 46 % de ses parties individuelles. Rien de bien folichon dans l’absolu, mais cela le place tout de même au niveau d’un joueur intermédiaire. Et c’est déjà un petit exploit dans le domaine de la robotique.
… et une victime pour les experts
Par contre, le rapport de force s’est vite inversé lorsqu’il s’est retrouvé face à des opposants plus expérimentés. En effet, le robot affiche un bilan particulièrement désastreux face aux joueurs avancés et avancés + : ces adversaires nettement plus solides et surtout capables d’exploiter ses faiblesses lui ont infligé de véritables roustes, et il n’a pas remporté la moindre partie. Il n’aurait aucune chance de rivaliser avec des professionnels chevronnés comme les frères Lebrun, les jeunes pépites du tennis de table français qui ont réussi à arracher une belle médaille de bronze par équipe aux derniers Jeux olympiques.
Malgré ces défaites cuisantes, les chercheurs sont très satisfaits de leurs progrès. « Il ya tout juste quelques mois, nous pensions que le robot ne pourrait pas du tout gagner contre des gens qu’il n’avait jamais affrontés auparavant », explique le responsable du projet Pannag Sanketi cité par MIT Technology Review. « Le système a largement dépassé nos attentes. La façon dont le robot a déjoué même des adversaires plutôt forts était époustouflante. »
Prochaines étapes : la vision et la mécanique
Pour aller plus loin, il faudra probablement changer un petit peu d’approche. Car si le système de contrôle semble désormais au point, on ne peut pas encore en dire autant du reste. Le système de vision, par exemple, soufre encore d’une latence trop importante pour être compatible avec le jeu à très haut niveau. Pour la partie mécanique, l’équation est encore plus complexe.
Une machine capable de bouger à la même vitesse qu’un pongiste olympique tomberait en pièces au bout de quelques échanges. Il faudra donc trouver un équilibre parfait avec des matériaux à la fois très légers et résistants qui pourront survivre à l’accélération fulgurante imposée par des actionneurs très puissants.
Vous l’aurez compris, la route reste longue. Mais quoi qu’il en soit, il sera donc très intéressant de suivre l’évolution des travaux de cette équipe, et notamment d’observer comment elle essaiera de surmonter ces limites pour porter son robot au niveau des stars de la discipline.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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