Passer au contenu

Une étude identifie les origines de la créativité dans le cerveau

Si vous êtes du genre inspiré lorsqu’il s’agit de peindre, composer, ou résoudre des problèmes en sortant des sentiers battus, vous le devez certainement à l’activité d’un réseau de neurones bien précis, selon une étude de chercheurs américains.

La créativité fait partie de ces traits qui nous fascinent et nous interrogent depuis des millénaires. Depuis l’Antiquité, les plus grands esprits de notre civilisation cherchent à déterminer d’où provient la formidable capacité de certains humains à recontextualiser des éléments du monde qui nous entoure pour imaginer de nouvelles choses, qu’elles soient matérielles ou intangibles. Mais historiquement, ces penseurs ont souvent eu du mal à tomber d’accord sur son origine.

Par exemple, à l’époque de la Grèce Antique, les illustres Platon et Aristote avaient deux interprétations très différentes du phénomène. Là où le premier y voyait une manifestation divine, une façon pour les Muses de l’Olympe de s’exprimer à travers les mortels, le second avait une lecture plus cartésienne, et estimait que la créativité était intimement liée au sens logique.

Avec l’avènement de la neurologie, l’éventail des pistes s’est largement resserré. Les scientifiques modernes admettent aujourd’hui admis que l’imagination débordante des grands artistes et des inventeurs visionnaires prend sa source dans les enchevêtrements de neurones complexes du cerveau. Mais cela ne signifie pas que les oppositions ont disparu ; même si elles ont changé de forme, elles existent toujours, et il n’existe pas vraiment de consensus.

Un processus cognitif protéiforme

En effet, avec l’émergence de nouvelles techniques d’imagerie de plus en plus sophistiquées, les chercheurs s’attendaient à découvrir assez rapidement le siège physique de la créativité dans le cerveau. Mais ils ont vite réalisé qu’il était très difficile de généraliser les découvertes. Tout indique aujourd’hui que la créativité n’est pas un processus uniforme ; neurologiquement parlant, elle peut se manifester de manière très différente d’un individu à l’autre et dans les différents domaines qui y font appel. Par exemple, deux compositeurs ne mobiliseront pas leur ciboulot de la même façon, et l’expression à travers la peinture semble faire appel à des mécanismes très différents de ceux qui sont impliqués dans la créativité scientifique et l’innovation.

Les spécialistes en ont donc déduit qu’il était très improbable que nous trouvions un jour une aire cérébrale bien spécifique qui conditionne toutes les tâches créatives. Contrairement à des facultés comme le langage, qui prend racine dans des aires bien définies (notamment celles de Broca et Wernicke), la créativité semble être un processus global qui fait intervenir des structures réparties un peu partout dans le cerveau, et plus spécifiquement dans différents sous-réseaux de neurones à grande échelle qui contribuent chacun à différents aspects de la créativité.

Des réseaux de neurones qui parcourent tout le cerveau

Depuis une trentaine d’années, les études sur cette thématique ont donc largement pivoté vers la recherche de ces réseaux de neurones. Les spécialistes en ont déjà découvert quelques-uns qui sont aujourd’hui considérés comme très importants. On peut citer le DMN (Default Mode Network), qui est associé à l’imagination et à la divagation ; c’est lui qui nous permet de nous perdre dans nos pensées pour créer des connexions entre différents concepts pour lancer le processus créatif. Il y a aussi l’ECN (Executive Control Network), qui est impliqué dans l’attention, la résolution des problèmes et l’évaluation des idées.

En pratique, chacun de ces réseaux est une pièce du grand puzzle de la créativité. À chaque fois qu’un d’entre eux est identifié ou que leur fonctionnement est mieux compris, nous nous rapprochons donc du moment où nous pourrons enfin espérer cerner les mécanismes de la créativité dans son ensemble. Et c’est justement ce qu’a fait une équipe du Baylor College of Medicine. Dans une étude parue récemment, les auteurs ont découvert que le DMN ne fonctionnait pas tout à fait comme on le pensait jusqu’à présent, et qu’il est encore plus important que prévu pour la créativité.

La stimulation cérébale à la rescousse

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs se sont appuyés sur neuf volontaires humains qui souffraient de crises d’épilepsie. Ils avaient donc rendez-vous avec des neurologues pour une session de stimulation cérébrale profonde (SCP).

Cette technique consiste à implanter de minuscules électrodes dans le cerveau afin d’y dispenser de petits chocs électriques localisés, modifiant ainsi temporairement l’activité de certains groupes de neurones. Elle est utilisée dans la prise en charge de plusieurs soucis neurologiques, notamment la maladie de Parkinson. Ici, l’objectif primaire de la procédure était d’identifier la source des crises d’epillepsie. Mais les auteurs de cette étude ont eu l’idée de faire une pierre deux coups. Quitte à leur implanter des électrodes, pourquoi ne pas en profiter pour explorer le DMN, dont l’activité est notoirement difficile à enregistrer puisqu’il est réparti sur plusieurs régions du cerveau ?

Electrodes Deep Brain Stim
© Bartoli, Devara, et al.

Une fois les patients appareillés, l’équipe leur a demandé de se livrer à différents types d’activités créatives. Par exemple, ils devaient proposer différentes utilisations originales d’objets du quotidien, comme une chaise ou une tasse. À chaque fois qu’ils ont été sollicités ainsi, leurs DMN se sont illuminées comme le ciel d’une grande ville à la Saint-Sylvestre, confirmant sans l’ombre d’un doute que le DMN était bien impliqué dans ce genre de processus cognitif.

La DMN, moteur neurologique de la créativité ?

Mais ce n’est pas la seule chose qu’ils ont observée. Quelques millisecondes plus tard, l’activité du DMN s’est aussi synchronisée avec d’autres régions du cerveau, notamment celles qui sont impliquées dans la prise de décision et la résolution de problèmes complexes.

Cette propagation n’avait jamais été observée auparavant en temps réel. Et les chercheurs estiment qu’il pourrait s’agir d’une pièce cruciale du puzzle. Selon Ben Shofty, co-auteur de l’étude, cela pourrait signifier que les idées créatives prennent naissance dans le DMN avant d’être évaluées par d’autres régions du cerveau. Dans ce scénario, ce processus aurait pour effet de filtrer les pensées avant même qu’elles n’arrivent dans le domaine conscient pour se débarrasser des moins intéressantes, probablement afin d’éviter la surcharge cognitive.

Creativity Brain
© Journal du Geek – MidjourneyAI

Pour vérifier cette hypothèse, les auteurs ont ensuite utilisé la stimulation cérébrale profonde pour inhiber temporairement le DMN des patients. Et ils ont obtenu des résultats très intéressants. En premier lieu, les sujets étaient toujours parfaitement capables de divaguer. Cela suggère que le DMN n’est sans doute pas le seul réseau à jouer un rôle dans notre capacité à nous perdre dans nos pensées. Mais surtout, après avoir répété l’expérience créative précédente, l’équipe a observé que les patients avaient beaucoup plus de mal à trouver des usages originaux aux objets mentionnés.

C’est sans conteste le résultat le plus marquant de cette étude. En effet, cela fait complètement changer le DMN de dimension. Selon Eleonora Bartoli, auteure principale du papier, cela prouve que la créativité n’est pas seulement associée à ce réseau de neurones : elle en est fondamentalement dépendante. C’est donc un beau succès en termes de neurologie cognitive, et un vrai pas en avant dans la compréhension de ces mécanismes.

Des implications cliniques potentielles

Mais la cerise sur le gâteau, c’est que les implications de ces travaux ne s’arrêtent pas à la recherche fondamentale. Ils pourraient aussi s’avérer intéressants dans le domaine clinique. En effet, d’autres travaux ont aussi montré que l’activité du DMN avait tendance à changer radicalement chez des patients atteints de certains troubles psychologiques, comme la dépression ruminative.

À la lumière de cette nouvelle étude, de nouveaux liens potentiels apparaissent : une suractivité du DMN pourrait forcer les personnes dépressives à ressasser leurs soucis, renforçant ainsi la puissance de ce cercle vicieux dévastateur. Selon Shofty, mieux comprendre le fonctionnement de cette structure pourrait donc permettre de renforcer l’efficacité des traitements pour les personnes dans cette situation.

Le texte de l’étude est disponible ici.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

5 commentaires
  1. C’est étonnant , nul part n’est mentionné l’activité neuronal de l’intestin , hors ne dit-on pas que celui ci serait le deuxième cerveau ? Tout est lié , nous sommes un formidable rhizome dont nous ne comprenons pas le fonctionnement . Lorsque nous sortirons du matérialisme , nous serons capables de comprendre , mais le conformisme à encore de beaux mauvais jours devant lui , plus pour très longtemps .

    1. Correct. On ne considère pas non plus la glande pinéal (chakra) comme antenne qui lie le corps humain, dans cet univers, à son correpondant dans l’univers miroir ou parallèle. Tout ce qui existe dans cet univers physique (matrix fille) existe simultanément dans l’univers parallèle (matrix mère)

  2. Ne croit pas tout connaître…cette recherche est vraiment bonne …le DMN et son fonctionnement particulier sont responsable d énormément de comportements et souvent problematique comprendre le cerveau est un défi incroyable et ton commentaire n apporte absolument rien si ce n est du vent

    1. Tous les avis sont valables ,jusqu’à preuves scientifiquement du contraire, sache aussi que la médecine les scientifiques donc lobbies, balancent souvent des théories, hypothèses , pour démarrer un marché des plus juteux, et ceux depuis des siècles, pour info, je peux t assuré qu ils se trompent, puisque leur théories ne dis rien de concret,

Les commentaires sont fermés.

Mode