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Pour rendre Mars habitable, des chercheurs proposent de la bombarder de paillettes

Selon les auteurs de cette étude, truffer l’atmosphère de la Planète rouge de microparticules réfléchissantes soigneusement calibrées serait la méthode la plus efficace pour lancer le processus de terraformation.

Cela fait des siècles que Mars attise la convoitise des terriens, et c’est encore plus vrai depuis le début de la conquête spatiale. Des auteurs de science-fiction aux scientifiques chevronnés en passant par les magnats de la tech, de nombreuses personnalités ont déjà avancé des scénarios plus ou moins tirés par les cheveux qui pourraient permettre de terraformer la Planète rouge pour la rendre habitable.

Par exemple, certains ont proposé de la recouvrir d’une couette d’aérogel, de vaporiser ses calottes glaciaires à coups de bombes nucléaires, ou encore de lui créer un bouclier magnétique artificiel à l’aide d’un puissant dipôle magnétique placé en orbite. Les idées ne manquent pas, certes, mais elles ont toutes un point commun : elles sont soit totalement inabordables en pratique, soit jugées carrément irresponsables. Mais cela n’empêche pas les planétologues de continuer ces exercices de pensée. Récemment, ce sont des chercheurs de l’Université de Chicago qui se sont joints à la fête en récupérant une vieille idée assez farfelue : saupoudrer Mars de paillettes high-tech !

L’idée serait d’avoir recours à une méthode que les humains utilisent déjà involontairement sur Terre : relarguer de grandes quantités de matériel dans l’atmosphère pour accentuer le minuscule effet de serre généré par la fine atmosphère de Mars. En théorie, cela permettrait de piéger la chaleur au niveau de la surface pour permettre à l’eau d’exister sous forme liquide, comme c’était déjà le cas il y a environ 4 milliards d’années. Évidemment, un humain ne pourrait en aucun cas respirer sur Mars dans ces conditions. Mais cela pourrait permettre à des micro-organismes de proliférer pour lancer une machinerie biologique qui, à terme, pourrait progressivement oxygéner la planète et ouvrir la voie à des formes de vie plus complexes, comme la Terre au début de son histoire géologique.

Des paillettes pour transformer une planète

D’un point de vue strictement thermodynamique, l’idée repose sur des bases solides. Mais même en faisant abstraction des considérations éthiques, on se retrouve encore une fois confronté à un gros problème pratique. Pour atteindre cet objectif, il faudrait des milliers de tonnes de matériel, et acheminer tout cela vers Mars serait un véritable cauchemar économique et logistique.

Les chercheurs se sont donc demandé s’il serait possible d’arriver au même résultat en utilisant des matériaux dont on sait qu’ils sont abondants sur place. Par exemple, les rovers comme Curiosity ont prouvé que notre voisine est extrêmement riche en fer et en aluminium.

En partant de ce constat, pourrait-on simplement expédier d’innombrables particules de poussière métallique dans l’atmosphère pour stabiliser la température ? Tout indique que non ; ces matériaux auraient plutôt tendance à refroidir la planète encore davantage… du moins à l’état naturel.

Au lieu de s’en servir tels quels, les chercheurs ont donc suggéré que nous pourrions obtenir des résultats bien plus marqués en concevant des particules artificielles, avec une forme et une composition spécifiquement conçues pour contribuer à l’effet de serre. Ils ont donc imaginé des objets en forme de petits bâtonnets d’une taille comparable aux paillettes qu’on trouve dans le commerce, capables de réfléchir les radiations vers la surface quelle que soit leur orientation.

Réchauffement Mars Particules
© Ansari et al., Sci. Adv., 2024

Une approche diablement efficace, en théorie

Et leurs modélisations ont montré que ces objets pourraient modifier drastiquement le climat martien, avec une quantité de ressource bien inférieure à toutes les autres techniques proposées à ce jour. D’après ces calculs, il suffirait d’en éjecter 30 litres par seconde dans l’atmosphère pour réchauffer la planète d’une dizaine de degrés en quelques mois.

« Il en faudrait des millions de tonnes pour réchauffer la planète, mais c’est quand même environ 5000 fois moins de ressources qu’avec les autres méthodes proposées pour réchauffer Mars à l’échelle globale. Ça augmente significativement la faisabilité du projet. Cela suggère aussi que le fossé qui nous sépare de l’eau liquide sur Mars n’est pas aussi infranchissable que prévu », indique Edwin Kite, professeur de géosciences et co-auteur de l’étude.

Il s’agit donc d’une expérience de pensée très intéressante… mais cela ne signifie absolument pas que la NASA ou les autres agences spatiales vont tenter de la mettre en application dans un futur proche, car elle comporte encore un tas de limites énormes.

Des limites énormes et un vrai dilemme éthique

Pour commencer, nos capacités de modélisation sont encore trop limitées pour prévoir correctement le comportement de ces particules. Par exemple, il est tout à fait possible que de la vapeur d’eau se condense autour de ces particules et qu’elles retombent aussitôt vers la surface. Et il ne s’agit que d’un exemple isolé parmi des dizaines d’autres qui pourraient réduire la viabilité du projet à néant.

Ensuite, même si ce bombardement de paillettes produisait les effets attendus dans un premier temps, nous n’avons aucun moyen de savoir comment il impacterait la géochimie martienne — sans parler des éventuels embryons d’écosystèmes qui pourraient apparaître suite à ce réchauffement.

Mars Terraformée
© Journal du Geek – MidjourneyAI

Cela fait émerger une dernière interrogation, peut-être la plus importante de toutes. Même si nous avions la capacité technique de terraformer Mars, aurait-on le droit de le faire, éthiquement parlant ? La question métite d’être posée. L’humanité a déjà prouvé à maintes reprises qu’elle manquait souvent de clairvoyance par rapport aux conséquences sur le long terme de ses propres actions. Dans ce contexte, il serait sans doute très imprudent de prendre une décision aussi radicale, surtout avant d’en avoir rigoureusement déterminé toutes les retombées potentielles.

Heureusement, la question ne se pose même pas pour le moment, puisque nous sommes encore très loin d’avoir la capacité technique, les ressources nécessaires et la volonté politique de lancer un tel projet. Mais plus les travaux de ce genre vont se multiplier, plus ces considérations vont devenir concrètes. En parallèle de ces études qui restent pour le moment cantonnées au statut d’expériences de pensée très intéressantes, il sera donc fascinant de suivre les débats existentiels qui vont sans doute émerger d’ici quelques décennies, lorsque notre espèce commence à envisager sérieusement de partir à la conquête de nouveaux horizons cosmiques.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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2 commentaires
  1. mdr quand meme, l’homme est deja pas capable d”arreter ou produire une simple pluie, arreter une tempete, meme la prevoir, sur sa propre planete … et voila que l’homme reve de changer TOUT le climat de MArs… ben voyons, et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu… mais bien sur…

  2. Cela fait des siècles que Mars attise la convoitise des terriens, et c’est encore plus vrai depuis le début de la Fin du monde, et les ultra-riches, en grande partie responsables, veulent comme d’habitude ne pas subir les conséquences de leurs actes et donc, ils comptent investir “leur” argent dans cette technologie afin d’avoir une seconde chance qu’ils ne méritent pas.

    Si ça ne fonctionne pas, le scénario d’ “Elysium” servira de zone tampon, le temps que ça fonctionne.

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