Des chercheurs américains de l’Université de Boulder, dans le Colorado, ont récemment développé une nouvelle technique qui permet d’imprimer des équivalents synthétiques de tissus humains en 3D. Ces matériaux pourraient être utilisés comme pansements pour les organes, et notamment pour le cœur.
Cela fait longtemps que des chercheurs travaillent sur différents types de dispositifs médicaux pour aider les organes internes à se régénérer après un traumatisme. Mais c’est un exercice nettement plus complexe que dans le cas des blessures superficielles, et pas seulement parce que les zones concernées sont traditionnellement beaucoup plus difficiles d’accès. En effet, cela implique de développer des matériaux à la fois résistants, élastiques, tolérables par l’organisme, et surtout compatibles avec la structure visée.
Les hydrogels, des matériaux pleins de potentiel
Certains de ces travaux ont déjà produit des résultats très intéressants, notamment ceux qui reposent sur des hydrogels imprimés en 3D. Ce sont des réseaux de polymères gélatineux capables d’emprisonner des molécules d’eau. Puisque l’on peut en déterminer la structure au moment de la production, ils ont donc l’avantage d’être très polyvalents, et on peut y intégrer différentes substances comme des facteurs de croissance pour accélérer la guérison.
Le potentiel de ces substances a déjà été testé dans de nombreux scénarios comme la réparation du cartilage. Ces traitements sont particulièrement intéressants dans ce cas de figure, car il s’agit d’un élément anatomique dont les capacités de régénération autonome sont assez limitées ; rien à voir avec les couches superficielles de la peau, par exemple. Le cœur entre également dans cette catégorie, et certains laboratoires tentent donc de développer des “pansements” spécifiquement conçus pour prendre soin de ce muscle vital.
Le problème, c’est que cet organe ne fait pas très bon ménage avec les hydrogels imprimés en 3D. En effet, ces matériaux ont tendance à être trop fragiles pour adhérer convenablement au cœur pendant qu’il est en train de battre, ce qui limite énormément le potentiel de cette approche. « C’est un peu comme si l’on essayait de coller un plastique rigide au cœur. Il ne se déformerait pas au fil des battements et finirait par se fracturer », explique Jason Burdick, professeur d’ingénierie biologique et chimique à l’Université de Boulder et co-auteur de l’étude.
Un processus d’impression 3D inspiré des vers
Pour tenter de réconcilier ces hydrogels imprimés en 3D avec le cœur, son équipe a choisi de jouer sur l’architecture des polymères qui les composent en s’inspirant… des vers. En effet, certaines espèces comme Lumbriculus variegatus ont tendance à s’entremêler constamment en se déplaçant les uns autour des autres. Ils forment alors ce que les chercheurs appellent des pelottes (ou « blobs ») de vers, des structures en trois dimensions qui se comportent à la fois comme des solides et des liquides.
Burdick et ses collègues ont tenté d’imiter cette dynamique en développant un nouveau procédé d’impression 3D appelé CLEAR (pour Continuous-curing after Light Exposure Aided by Redox initiation). L’idée, c’est de tresser les chaînes de polymères qui composent l’hydrogel à l’aide d’une série de réactions chimiques déclenchées par une source lumineuse, afin que le matériau final présente des propriétés comparables à celles des pelottes de vers.
Les premiers tests se sont avérés très concluants. Au bout du processus, ils ont obtenu un matériau exponentiellement plus résistant que les autres hydrogels de ce genre. En outre, il restait aussi suffisamment élastique pour prendre la forme d’un tissu et y adhérer. « Nous pouvons désormais imprimer des matériaux adhésifs suffisamment résistants pour supporter mécaniquement des tissus », explique le co-auteur Matt Davidson. « Nous n’y étions jamais parvenus auparavant », se réjouit-il.
Un vrai intérêt en médecine, mais aussi en recherche
Ces travaux sont encore assez balbutiants, et il faudra encore de gros efforts de développement pour intégrer ce procédé à de vrais dispositifs médicaux. Mais l’équipe est convaincue du potentiel de cette approche. Selon Burdick, de tels matériaux imprimés en 3D pourraient un jour servir à réparer des malformations cardiaques, administrer des substances régénérantes directement aux organes, ou même suturer des plaies sans aiguille directement au bloc opératoire.
Le plus intéressant, c’est que CLEAR est une technique très polyvalente dont le potentiel dépasse largement celui de la médecine. Par exemple, elle pourrait aussi servir dans d’autres domaines comme la science des matériaux. « C’est une procédure simple que les gens pourraient utiliser dans leurs propres laboratoires ainsi que dans l’industrie pour améliorer les propriétés mécaniques de matériaux dans un tas de domaines différents », se réjouit Abhishek Dhand, doctorant du laboratoire de Burdick et auteur principal de l’étude. « Ça résout un vrai problème de l’impression 3D. »
Le texte de l’étude est disponible ici.
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