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PFAS : une nouvelle technique détuit les “polluants éternels” grâce à la lumière

Les composés perfluorés représentent un gros problème de santé publique, et cette nouvelle technique pourrait

Des chercheurs japonais ont développé une nouvelle technique pour décomposer les PFAS, plus connus sous le nom de « polluants éternels ». En plus de nous débarrasser de ces matériaux qui inquiètent de plus en plus les défenseurs de l’environnement et les spécialistes de la santé publique, cette méthode permet aussi d’en récupérer certains composants pour les réutiliser dans d’autres branches de l’industrie.

Lorsqu’ils ont été découverts à la fin des années 1930, les composés perfluorés se sont répandus comme une traînée de poudre, notamment grâce à leurs propriétés imperméables, antiadhésives et ignifuges très utiles dans de nombreuses branches de l’industrie. Mais quelques décennies plus tard, de nombreuses études ont montré qu’ils avaient tendance à s’accumuler dans les réservoirs de biomasse, y compris les humains, où ils ont été reliés à de nombreux problèmes de santé, comme des cancers ou des dérèglements hormonaux et immunitaires.

Même si des restrictions de plus en plus sévères ont permis de limiter l’exposition du public, nous continuons malheureusement d’en trouver de nouvelles sources. Tout récemment, une équipe de chercheurs a par exemple mené une étude qui suggère fortement que les batteries au lithium, utilisées dans une grande variété d’appareils électroniques portables ou dans les voitures électriques, pourraient bien être des sources majeures de PFAS, avec tout ce que cela implique pour la santé publique.

La meilleure défense, c’est l’attaque

Dans ce contexte, il convient donc d’attaquer le problème de façon plus agressive ; l’heure n’est plus seulement à la régulation et à la prévention, il faut également trouver des manières de s’en débarrasser activement. Le souci, c’est que c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Les propriétés des PFAS proviennent essentiellement de liaisons entre des atomes de carbone et de fluor qui sont exceptionnellement solides, et il est donc tout sauf évident de les détruire pour limiter la dangerosité de ces matériaux.

Il existe déjà quelques pistes de recherche intéressantes à ce niveau. Mais à l’heure actuelle, aucune de ces initiatives n’a encore produit de résultats suffisamment prometteurs pour espérer une application industrielle à grande échelle ; les auteurs de cette nouvelle étude, conduite à l’université de Ritsumeikan, espèrent toutefois que leurs travaux pourraient aider à changer la donne.

Une réaction basée sur la lumière

Le protocole décrit dans l’article de recherche commence avec une solution d’eau, de PFAS et de sulfure de cadmium. Ce matériau semidoncucteur est un sous-produit du raffinage du zinc qui est utilisé dans la production de cellules photovoltaïques, de capteurs ou encore de pigments colorés.

La suite du protocole repose essentiellement sur la lumière visible : il s’agit d’un processus dit photocatalytique basé sur des LED qui émettent à une longueur d’onde de 405 nm, ce qui correspond à un violet profond.

Réaction Photocatalytique Pfas
© Arima et al., Angewandte Chemie International Edition, 2024

Sous leur influence, les nanocristaux de sulfure de cadmium passent dans un état excité. Ils se mettent alors à générer des paires d’électrons et de trous. Ces derniers sont des structures chargées positivement qui correspondent à l’absence d’un électron autour du noyau d’un atome, et ils peuvent donc se comporter comme des vecteurs d’énergie. Ensemble, les électrons et les trous constituent ce qu’on appelle un exciton, un couple dynamique qui présente des tas de propriétés particulières. Par exemple, l’année dernière, des chercheurs ont constaté qu’ils jouaient un rôle important dans la photosynthèse qui permet aux plantes vertes d’exploiter la lumière du Soleil.

Pour empêcher ces électrons excités de se recombiner, les chercheurs ont ensuite ajouté de la triéthanolamine, un agent tensioactif et émulsifiant très utilisé dans de nombreuses branches de l’industrie. Puisque les électrons sont désormais privés de leur cible de prédilection, ils commencent alors un processus appelé recombinaison d’Auger, où de l’énergie est transférée d’un électron à l’autre pour produire des particules fortement excitées. A ce stade, les électrons véhiculent tellement d’énergie qu’ils sont capables de briser les liaisons carbone-fluor des PFAS.

Des résultats très prometteurs, malgré de vraies limites

Les premiers résultats se sont avérés extrêmement prometteurs ; après huit heures de traitement seulement, 100 % des PFAS avaient été décomposés. Et au-delà de son efficacité remarquable, ce protocole présente plusieurs autres avantages significatifs.

Comme les autres techniques expérimentales de ce genre, il prive les PFAS de leur capacité à subsister sur de très longues durées, et donc de leur statut de « polluants éternels ». Mais la vraie différence, c’est que cette réaction photocatalytique peut se dérouler à une température de 38 °C, contre environ 400 °C pour les autres protocoles de démantèlement des PFAS. Un vrai plus, puisque ce genre de chauffage est traditionnellement associé à de grosses dépenses d’énergie et à des contraintes pratiques supplémentaires.

Enfin, les molécules ainsi disséquées laissent derrière elles du fluor qui peut ensuite être récupéré. C’est un bénéfice non négligeable, car cet élément joue un rôle crucial dans de très nombreux secteurs d’activité (industrie pharmaceutique, énergies vertes…).

Au bout du compte, c’est donc une nouvelle approche très prometteuse… mais pas non plus une panacée. Cette technique comporte également des limites non négligeables. Par exemple, le sulfure de cadmium est fortement toxique, ce qui impose de prendre un tas de précautions supplémentaires par rapport à d’autres méthodes basées sur l’hydrogène ou le magnétisme.

Mais cela ne signifie pas pour autant que ces travaux n’ont aucun intérêt, loin de là. Plus les chimistes identifieront de stratégies pour se débarrasser des PFAS, plus nous nous rapprocherons d’une technique de traitement performante, sûre et durable. Il sera donc intéressant de suivre les retombées de cette approche ainsi que l’évolution des autres techniques qui pourraient être combinées pour traiter ces fléaux à l’échelle industrielle.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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