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Un élément mystérieux se cachait dans le laboratoire d’un astronome légendaire

Tycho Brahe était surtout célèbre pour ses contributions énormes à l’astronomie, mais il avait aussi aménagé un laboratoire d’alchimie où des chercheurs ont retrouvé la trace d’un élément qui n’a été formellement décrit que deux siècles plus tard.

Dans des travaux repérés par Space.com, des chercheurs danois ont récemment annoncé avoir fait une trouvaille pour le moins inattendue dans le laboratoire de Tycho Brahe, un grand astronome du XVIe siècle : ils y ont notamment trouvé du tungstène, un élément dont la première description formelle n’est arrivée que deux siècles plus tard. Les implications de cette découverte ne sont pas parfaitement claires, mais elle nous offre tout de même une perspective fascinante sur les pratiques de l’époque.

Plus de 400 ans après sa mort, Tycho Brahe reste une figure très importante de l’histoire des sciences, notamment grâce à ses contributions majeures à l’astronomie. On lui doit notamment la découverte de la supernova SN 1572 (aujourd’hui surnommée Supernova de Tycho), puis de la grande comète de 1577, dont il a démontré qu’il ne pouvait pas s’agir d’un phénomène atmosphérique. À travers ces observations, il a notamment démantelé la théorie de l’illustre Aristote, selon qui tout l’Univers au-delà de la Lune était complètement figé.

Ce genre de démarche était excessivement rare à cette époque où la tradition était de respecter absolument les conclusions des anciens maîtres. Mais Brahe n’avait aucun scrupule à bousculer l’ordre établi. Son obsession pour la collecte méticuleuse de très nombreuses données et la validation rigoureuse de ses hypothèses a eu un impact profond sur l’évolution de la méthode scientifique ; avec le recul, l’approche empirique Brahe a grandement contribué à l’émergence d’une nouvelle manière d’étudier le monde qui nous entoure. Par exemple, Johannes Kepler s’est largement inspiré de ses travaux pour définir les fameuses lois qui décrivent les mouvements des corps célestes, et aujourd’hui encore, ce cadre théorique reste une composante fondamentale de l’astronomie moderne.

Du tungstène d’origine inconnue

Mais comme de nombreux scientifiques de son époque, Brahe s’intéressait également à d’autres disciplines. On sait par exemple qu’il était très intéressé par la médecine et l’alchimie. Au sous-sol de son vaste manoir sur l’île de Ven, en dessous de son observatoire, il avait notamment aménagé un grand espace où il menait ses propres expériences. Le domaine a été démoli après sa mort en 1601, et aujourd’hui, il ne reste quasiment rien du laboratoire à l’exception de quelques fragments de récipients en verre et en céramique retrouvés il y a une trentaine d’années. Rien de bien enthousiasmant au premier abord… mais en les analysant, des chercheurs danois sont récemment tombés sur un détail particulièrement intrigant.

Les pièces contenaient en effet des traces infimes de neuf éléments chimiques différents : du nickel, du cuivre, du zinc, de l’étain, de l’antimoine, de l’or, du mercure et du tungstène. Les huit premiers n’ont rien de bien étonnant, car leur usage a déjà été bien documenté dans les pratiques médicales et alchimiques de l’époque. La présence du tungstène, en revanche, est beaucoup plus étonnante. Et pour cause : ce métal, qui se caractérise notamment par son point de fusion extrêmement élevé (il fond à 3422 °C), n’avait même pas été formellement décrit à cette époque ! En fait, il a même fallu attendre environ 180 années supplémentaires pour qu’il soit documenté et produit sous forme pure par un chimiste suédois.

Wolframite From Portugal
Un échantillon de wolframite, un minéral contenant du tungstène. Ce dernier n’ayant pas été purifié avant deux siècles, c’est probablement d’un minéral de ce genre que provenaient les traces retrouvés dans le laboratoire de Tycho Brahe. © Alchemist-hp / Wikimedia Commons

Cela signifie-t-il que notre grand astronome aurait été le premier à découvrir le tungstène ? Tout indique que non. D’après les auteurs de l’étude, ce métal a été mentionné pour la première fois un siècle plus tôt, par un minéralogiste saxon qui l’avait initialement confondu avec une forme étrange d’étain. Techniquement, Tycho Brahe n’était donc pas la première personne à y être confrontée.

Quoi qu’il en soit, on peut se demander comment ce tungstène s’est retrouvé dans son laboratoire. Malheureusement, c’est excessivement difficile d’obtenir une réponse convaincante, car les alchimistes de la Renaissance avaient pour habitude de garder jalousement leurs secrets. Les auteurs de l’étude ont donc dû se contenter de formuler quelques hypothèses. Selon eux, il est possible que Brahe ait entendu parler de cet élément assez exotique pour l’époque et qu’il ait utilisé sa réputation et ses nombreuses connexions (il bénéficiait notamment du patronage du roi Frédéric II) pour s’en procurer afin de l’étudier de plus près. Mais ces traces de tungstènes auraient aussi pu être laissées par la fonte d’autres minerais, sans que l’astronome le réalise forcément.

Un ingrédient d’un remède ?

Mais qu’il en ait eu conscience ou pas, on peut tout de même s’interroger sur la nature des expériences à travers lesquelles le tungstène s’est invité dans le laboratoire. Tycho Brahe essayait-il de synthétiser de l’or à partir d’autres éléments de faible valeur, comme de très nombreux alchimistes de l’époque ? Selon les auteurs de l’étude, l’astronome ne s’intéressait pas du tout à cette réaction, et il avait même pris ses distances par rapport à cet axe de recherche.

A la place, il se concentrait sur le développement de remèdes contre de nombreuses maladies qui faisait des ravages durant cette période de l’Histoire, comme la lèpre ou la peste. Pour soigner cette dernière, on sait qu’il avait concocté une recette très complexe qui contenait environ 60 ingrédients différents, dont de la chair de serpent et de l’opium, mais aussi des éléments métalliques comme le cuivre. On peut donc imaginer le tungstène, ou en tout cas un minéral qui en contenait des traces, entrait dans la composition d’un tel remède.

En l’absence de preuve concrète, il sera probablement difficile de vérifier rigoureusement ces hypothèses. Avec un peu de chance, nous trouverons peut-être de nouveaux éléments de contexte dans les archives de ses très nombreux étudiants, qui se sont disséminés un peu partout en Europe après sa mort. Mais en attendant, ces travaux nous rappellent qu’il reste beaucoup de choses à apprendre sur les pratiques des scientifiques de l’époque, et notamment sur les travaux des alchimistes. Même si la quête de la fameuse pierre philosophale n’a jamais abouti, leurs recherches ont tout de même ouvert la voie à de nouvelles méthodes expérimentales qui ont joué des rôles significatifs dans l’avènement de la chimie moderne ; rassembler toute cette documentation, c’est donc aussi un moyen de trouver davantage de pièces pour reconstituer le grand puzzle de l’histoire des sciences.

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6 commentaires
  1. Bonjour, le.contenu de votre journal aborde des sujets très intéressants ,je ne sais pas si vous avez aussi l’oeil braqué sur les ordinateurs quantiques

  2. Bonjour.
    “Son obsession pour la collecte méticuleuse de très nombreuses données et la validation rigoureuse de ses hypothèses a eu un impact profond sur l’évolution de la méthode scientifique ; ” => “Son obsession pour la collecte méticuleuse de très nombreuses données et la validation rigoureuse de ses hypothèses ont eu un impact profond sur l’évolution de la méthode scientifique ; “.
    Merci.

    1. Bonjour RedGuff,

      Dans cette phrase, le sujet est son obsession. “Pour la collecte méticuleuse de très nombreuses données et la validation rigoureuse de ses hypothèses” est un groupe prépositionnel ayant pour fonction de compléter le sujet. Il en résulte que le verbe est correctement accordé dans l’article.

      😉

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