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On sait enfin comment l’effet placebo peut soulager la douleur

Des chercheurs ont identifié une nouvelle voie neuronale impliquée dans la modulation de la douleur chez les souris dans des conditions de placebo. Si elle existe également chez les humains, elle pourrait ouvrir la voie à une nouvelle génération d’analgésiques.

Tout le monde a déjà entendu parler de l’effet placebo, grâce auquel des patients souffrant de problèmes bien réels voient leur condition s’améliorer après l’administration d’un faux remède. Pourtant, même si c’est un phénomène très bien documenté dans la littérature scientifique, les mécanismes physiologiques qui se cachent derrière restent assez mystérieux. Des biologistes américains viennent cependant de découvert un nouveau circuit neurologique qui pourrait enfin expliquer l’efficacité des placebos dans la prise en charge de la douleur, avec de nouvelles pistes de traitement à la clé.

L’équipe de Grégory Scherrer, chercheur à l’Université de Caroline du Nord, a commencé par conditionner un groupe de souris à l’aide d’une cage à deux chambres. La première était dotée d’un système de chauffage qui rendait le sol très chaud, incitant les rongeurs à se réfugier dans la seconde. Après trois jours, les cobayes avaient bien intégré la différence, et associaient désormais la deuxième chambre à la notion de soulagement — un point de départ idéal pour étudier les mécanismes physiologiques de l’effet placebo.

Le cortex cingulaire, clé de la médiation de la douleur

À partir de là, l’équipe a mis au point un protocole expérimental complexe, basé sur un large éventail de techniques différentes. Ils citent notamment le marquage génétique de certains neurones, des séquençages d’ARN, ou encore des enregistrements électrophysiologiques (l’analyse du courant électrique associé à l’activité de certaines structures cellulaires). Grâce à cet arsenal, les chercheurs ont pu étudier les mécanismes du cerveau des souris de façon extrêmement complète.

Ils se sont toutefois focalisés sur une zone bien précise, le cortex cingulaire antérieur (ou ACC, pour anterior cingular cortex). On sait que cette région joue un rôle important dans la nociception (la perception et le traitement de la douleur), et de précédentes études ont déjà identifié des liens concrets entre cette région et l’effet placebo.

Cortex Cingulaire Antérieur
© Mysid Brodmann / was_a_be / Wikimedia Commons

Une fois les cobayes ainsi préparés, ils ont été replacés dans la cage initiale, mais avec une différence importante : cette fois, les deux parties du dispositif étaient chauffées de manière strictement identique. Pourtant, toutes les souris se sont quand même réfugiées dans la partie qui était fraîche pendant la première partie de l’expérience. La preuve que le conditionnement avait bien fonctionné et qu’elles s’attendaient à ressentir moins de douleur dans ce coin de la cage.

Mais les animaux n’ont pas fait que se déplacer : même si les conditions étaient strictement identiques d’un bout à l’autre du dispositif, ils présentaient nettement moins de symptômes de douleur, comme le fait de se lécher les pattes. Et ce n’était que la partie émergée de l’iceberg. En compilant les données issues de leurs cortex cingulaires antérieurs, les chercheurs ont observé un véritable feu d’artifice cérébral, avec de très nombreux neurones qui présentaient une activité très importante. Cela prouve sans l’ombre d’un doute que la région est fortement impliquée dans l’effet placebo.

Une toute nouvelle voie neuronale

Les chercheurs ont donc souhaité vérifier si d’autres aires cérébrales jouaient également un rôle. Pour cela, ils ont analysé les motifs d’activation des neurones de plus près en espérant identifier une nouvelle voie neurale — un faisceau de neurones chargé de connecter différentes aires fonctionnelles du système nerveux. Et c’est exactement ce qu’ils ont trouvé : leurs expériences ont révélé une voie reliant l’ACC aux cellules des noyaux pontiques et du cervelet.

Acc Neural Pathway
La nouvelle voie neuronale identifiée par les chercheurs, ici mise en évidence grâce à différents marqueurs fluorescents. © Scherrer et al. / UNC School of Medicine

C’est une découverte tout à fait significative, car jusqu’à présent, personne n’avait la moindre idée que ces structures étaient impliquées de près ou de loin dans le soulagement de la douleur. Mais encore fallait-il prouver que c’est bien l’effet placebo qui avait sollicité cette voie.

Pour y parvenir, l’équipe a sélectionné un nouveau groupe de souris qui n’avait pas été conditionné auparavant. Les chercheurs ont ensuite eu recours à l’optogénétique, une technique qui permet d’altérer très précisément un nombre limité de cellules modifiées génétiquement à l’aide d’une stimulation lumineuse, pour activer ou inhiber la voie neuronale fraîchement découverte.

Enfin, ils ont replacé les souris sur une plaque relativement chaude pour tester leur réaction à la procédure. En moyenne, celles qui avaient bénéficié d’une cure optogénétique ont mis environ trois fois plus longtemps à se lécher les pattes, indiquant clairement qu’elles étaient moins sensibles à la douleur après la stimulation de cette voie neuronale.

« Quand nous avons inhibé l’activité de cette vois, nous avons réalisé que nous avons réduit son activité analgésique et abaissé le seuil de tolérance à la douleur. Par contre, quand nous avons stimulé cette voie en l’absence de tout conditionnement, nous avons provoqué un soulagement », explique Sherrer.

Vers de nouveaux traitements analgésiques

Certes, l’architecture cérébrale des souris est assez différente de la nôtre. Il faudra donc mener des études supplémentaires pour confirmer l’existence de cette voie neuronale dans l’encéphale des humains.

© Myriam Zilles – Unsplash

Mais les chercheurs sont confiants à ce niveau, car la majorité des voies neuronales qui existent chez les rongeurs ont également des équivalents fonctionnels chez les humains, et vice-versa. L’équipe estime donc qu’il s’agit de résultats très encourageants. À terme, ils pourraient déboucher sur de nouvelles stratégies de traitement pour gérer la douleur des patients sans avoir recours à des substances souvent problématiques.

« Nous savons tous que nous avons besoin de meilleures façons de traiter la douleur chronique, et surtout de traitements sans effets secondaires néfastes et sans propriétés addictives. Nous pensons que nos résultats ouvrent la porte au ciblage de cette nouvelle voie neurale de la douleur afin de traiter les gens d’une manière différente, mais potentiellement plus efficace », conclut Scherrer.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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