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Informatique : la mémoire ultra-rapide du futur sera-t-elle magnétique ?

Une avancée récente a permis à des chercheurs de mieux cerner le phénomène du couplage magnétoélectrique, et ces travaux pourraient ouvrir la voie à une nouvelle génération de composants extrêmement performants.

En explorant une famille de matériaux aux propriétés singulières, des chercheurs américains et allemands ont ouvert la voie à la création d’un nouveau type de mémoire informatique extrêmement rapide et compact.

L’étude, menée par des ingénieurs de l’Université du Texas à Austin et de l’Institut Max Planck, tourne autour des matériaux ferroïques, à ne pas confondre avec les matériaux ferriques composés d’ions Fe³⁺. Ce sont des composés dont la structure atomique suit naturellement un alignement bien précis, même sans l’influence d’une force externe pour les arranger ainsi. Cette particularité leur confère des propriétés magnétiques, électriques ou élastiques qui varient en fonction de cet alignement : on parle de ferromagnétisme, de ferroélectricité et de ferroélasticité.

Il existe aussi une sous-catégorie particulière de matériaux dits multiferroïques. Comme ce nom le laisse entendre, il s’agit de substances qui présentent plusieurs de ces propriétés à la fois. Et ces combinaisons peuvent à leur tour faire émerger d’autres comportements singuliers comme le couplage magnétoélectrique. Ce terme signifie que les propriétés électriques et magnétiques du matériau sont intimement liées ; en pratique, on peut manipuler le champ magnétique de l’objet en utilisant un champ électrique, et vice-versa.

Un mécanisme enfin compris

C’est un phénomène qu’il serait très intéressant d’apprendre à dompter, car il pourrait servir de base à de nouvelles technologies très enthousiasmantes. Mais avant d’en arriver là, il faut d’abord identifier des matériaux où ce couplage est suffisamment puissant — et les chercheurs à l’origine de cette étude estiment avoir fait un grand pas dans cette direction.

L’équipe de Frank Gao, postdoctorant à l’Université du Texas, travaillait spécifiquement sur l’iodure de nickel (II), ou NiI2. En bombardant des échantillons avec des pulsations laser ultrarapides de l’ordre de la femtoseconde (un millionième de milliardième de seconde !), les chercheurs ont constaté que ce matériau multiferroïque présentait un couplage magnétoélectrique particulièrement intense. Il s’agit donc d’un cobaye de choix pour étudier ce mécanisme. Pour ce faire, l’équipe a réalisé un ensemble de modélisations mathématiques très sophistiquées qui leur ont compris de mieux cerner l’origine de ce couplage.

« Deux facteurs entrent en jeu ici. Le premier, c’est un couplage très fort entre le spin des électrons et leur mouvement autour des atomes d’iodure. C’est un effet relativiste connu sous le nom de couplage spin-orbite », explique son co-auteur Emil Viñas Boström. « Le deuxième, c’est que l’iodure de nickel présente un arrangement magnétique très particulier, appelé spirale de spin ou hélice de spin. Cette organisation est cruciale pour la mise en place de l’alignement ferroélectrique et pour la puissance du couplage magnétoélectrique », précise-t-il.

Vers de nouveaux composants électronique ultraperformants

Ce qui est important dans cette explication un brin tortueuse, c’est que ces conclusions représentent un vrai progrès dans la compréhension des mécanismes physiques qui se cachent derrière le couplage magnétoélectrique. Et c’est une excellente nouvelle, car cela rapproche aussi les chercheurs d’une ribambelle d’applications pratiques toutes plus intéressantes que les autres.

Les auteurs de l’étude commencent par citer la mémoire informatique. Les ordinateurs d’aujourd’hui sont tous dotés de mémoire vive (RAM) et, le plus souvent d’au moins un SSD. Tous ces composants comportent un grand nombre de condensateurs et de transistors dont le rôle est de capturer des charges électroniques afin de stocker des données sur le court et le long terme respectivement. Il s’agit de supports très rapides, mais les chercheurs considèrent qu’il serait possible d’aller encore beaucoup, beaucoup plus vite en stockant les bits non pas sous forme électronique, mais magnétique. Les opérations d’écriture et de lecture seraient ensuite contrôlées grâce à courant électrique très faible pour produire un système de stockage incroyablement dense et rapide par rapport aux supports actuels.

En outre, les chercheurs suggèrent que ce couplage pourrait aussi permettre de créer des connexions robustes et rapides entre les différents composants d’un ordinateur quantique. De quoi améliorer la stabilité et la fiabilité de ces engins notoirement délicats et capricieux. Pour finir, ils citent aussi des applications dans diverses branches des industries chimiques et pharmaceutiques. En effet, le couplage magnétoélectrique peut théoriquement être utilisé pour concevoir des capteurs très précis avec un taux d’échantillonnage énorme. Cela pourrait faire une différence significative dans le contrôle qualité des substances produites, qu’il s’agisse de médicaments ou de composés destinés à d’autres branches de l’industrie.

Maintenant que leurs auteurs ont mis en évidence certains des mécanismes qui contribuent à ce couplage magnétoélectrique au niveau atomique, ils espèrent trouver des moyens de le renforcer artificiellement pour augmenter encore davantage le potentiel des matériaux comme l’iodure de nickel. Plus largement, ils espèrent aussi que ces travaux vont inciter d’autres équipes à se pencher sur ces applications pratiques très prometteuses, et il sera donc intéressant de suivre l’évolution de cette niche technologique ; peut-être qu’un jour, votre ordinateur sera équipé de RAM magnétoélectrique inspirée de cette étude.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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