D’après un rapport récent du Washington Post relayé par Ars Technica, les alliés républicains de l’ex (et peut-être futur) Président Donald Trump préparent en ce moment un grand projet d’ordre exécutif pour lever un maximum de freins au développement des technologies d’intelligence artificielle. Ce plan, dont l’objectif revendiqué est de faire de l’Oncle Sam la première puissance mondiale dans le domaine de l’IA, présage d’un changement de politique radical dans le domaine de l’IA aux États-Unis — et peut-être dans le reste du monde.
La version préliminaire du texte obtenue par le Washington Post présente ce qui est décrit comme un « Projet Manhattan ». Il s’agit évidemment d’une référence au célèbre programme qui a conduit au développement de la bombe atomique, permettant aux États-Unis d’émerger de la guerre avec un statut de superpuissance militaire et politique.
Cette analogie est loin d’être anodine, car le texte s’attarde longuement sur les applications de l’IA dans le domaine militaire. Ces dernières années, la Défense américaine a lancé de très nombreux projets en lien avec cette thématique, qu’elle considère comme l’un des piliers de la suprématie militaire moderne. Au menu : des armées de drones ultraperformants, des robots de combat ou encore des avions de chasse dopés au machine learning. L’US Air Force a d’ailleurs testé cette dernière technologie en avril dernier, lors de ce qui a été présenté comme le premier combat aérien entre un humain et une IA.
Vrai projet industriel… ou tour de passe-passe électoral ?
Mais apparemment, le processus n’avance pas encore assez vite pour les républicains. Ils semblent notamment s’inquiéter de la montée en puissance de la Chine, que l’Oncle Sam considère comme la seule vraie menace à sa suprématie technologique et militaire. Cette tendance a notamment motivé le gouvernement à signer le fameux Chips and Science Act, un immense programme à 280 milliards de dollars spécifiquement taillé pour « contrer » le pays de Xi Jinping — avec des résultats assez mitigés jusqu’à présent.
En cette période d’élections, les partisans de Trump tiennent évidemment le camp démocrate pour responsable de cette situation. L’administration Biden a émis des ordres exécutifs destinés à encadrer l’industrie de l’IA, dans un contexte où de nombreuses personnalités ont mis en avant l’importance du principe de précaution vis-à-vis de cette technologie au potentiel immense..
Les républicains jugent ces mesures contre-productives, et comptent s’en débarrasser pour exploiter la plus-value géopolitique apportée par l’IA. « Nous allons faire sauter l’ordre exécutif dangereux de Joe Biden qui entrave l’innovation en IA », peut-on lire sur la plateforme officielle du parti de Trump. « À la place, les républicains supportent le développement de l’IA ancré dans la liberté d’expression et l’épanouissement humain. »
Sans surprise, il s’agit d’un discours très politisé qui, pour le moment, relève davantage de l’argument électoral que du vrai projet industriel. Et là encore, ce n’est pas un hasard ; de nombreux analystes y voient une tactique pour s’attirer les faveurs de la Silicon Valley.
Historiquement, le bastion américain de la tech qui n’a plus que l’IA à la bouche depuis plusieurs mois a plutôt penché du côté démocrate. Mais la situation est en train de changer en ce moment, avec plusieurs dirigeants autrefois pro-Biden qui ont récemment fait volte-face. On peut notamment citer l’incontournable Elon Musk, qui a annoncé publiquement son soutien politique et financier au sulfureux ex-président suite à la tentative d’assassinat dont il a été victime le 13 juillet.
https://twitter.com/elonmusk/status/1812256998588662068
Avec son « Projet Manhattan », le camp Trump espère sans doute verrouiller cette base électorale très influente une fois pour toutes.
L’IA au cœur des débats politiques
À cause du flou électoral et du statut encore très précoce de ce projet, il est difficile de déterminer s’il arrivera un jour à maturité (à supposer que Donald Trump soit réélu pour un second mandat). Mais quoi qu’il en soit, cela montre bien que l’IA pèse de plus en plus lourd dans le débat politique. Cette thématique est particulièrement vivace aux États-Unis, puisqu’il s’agit du fief de plusieurs champions de cette technologie (Microsoft, OpenAI…), mais cela vaut aussi pour le reste du monde. De notre côté de l’Atlantique, nous l’avons notamment constaté avec la ratification de l’AI Act, un grand texte européen sur la régulation de l’intelligence artificielle aux antipodes du « Projet Manhattan » concocté par les républicains.
Et cette tendance va sans doute s’accentuer sur les prochaines années. Au-delà des produits de consommation comme ChatGPT et de leur poids économique croissant, l’IA est aussi en train de devenir une technologie très importante au niveau stratégique et géopolitique ; un peu comme l’aérospatiale, de plus en plus d’experts s’attendent à ce qu’elle conditionne une bonne partie des rapports de force entre les nations dans un futur relativement proche. À ce titre, l’élection américaine sera donc un banc d’essai assez édifiant, et il sera intéressant de voir quelle place cette thématique occupera dans les prochaines campagnes électorales européennes.
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