La famille des télescopes de pointe de la NASA va bientôt s’agrandir avec l’arrivée du Compton Spectrometer and Imager, ou COSI pour les intimes. Et on connaît désormais l’identité de la cigogne qui viendra le livrer — ou plutôt du faucon, puisque d’après un communiqué de la NASA relayé par Space.com, sa grande aventure commencera à bord d’un Falcon 9 de SpaceX.
Cet engin s’inscrit dans la continuité directe du programme des Grands Observatoires de la NASA. Il a commencé dans les années 1990 avec le déploiement de quatre télescopes historiquement importants, qui observaient chacun l’Univers sous un angle différent pour en peindre le tableau le plus complet qui soit. Les deux plus connus aujourd’hui sont sans doute l’illustre Hubble, qui continue d’enchaîner les observations dans le domaine du visible, et Chandra, qui fait de même avec les rayons X. Le troisième mousquetaire était Spitzer, spécialisé dans le domaine de l’infrarouge.
La dernière place était occupée par le Compton Gamma-Ray Observatory, ou CGRO. Il s’agit sans doute du moins connu, mais sa capacité à capter les rayonnements gamma a tout de même ouvert la voie à d’immenses progrès en astrophysique.
Aujourd’hui, seuls deux membres du quatuor original sont encore en activité : Hubble et Chandra. Compton a pris sa retraite en 2000, tandis que le Spitzer a tiré sa révérence en 2020. Heureusement, d’autres appareils encore plus performants ont pris la relève. Le Spizer a laissé sa place au James Webb Space Telescope, le dernier bijou d’ingénierie de la NASA qui n’en finit plus de révolutionner notre conception de l’Univers.
Côté gamma, c’est le télescope Fermi qui a fonctionnellement remplacé le CGRO en 2008. Mais voilà : l’astronomie gamma a fait d’immenses progrès depuis la mise en service de ce dernier. Même s’il est encore très loin d’être obsolète, Fermi ne dispose pas des instruments nécessaires pour réaliser certaines observations ultra-spécifiques, mais aussi très prometteuses, notamment sur la polarisation de ces rayonnements.
C’est pour cela que la NASA a décidé de lui offrir ce qui est à la fois un petit frère et un nouveau collègue avec le COSI. Grâce à son arsenal scientifique différent et à ses capacités optiques de premier plan, il sera le complément parfait de son aîné ; ensemble, ils permettront aux astronomes d’observer ces rayonnements hautement énergétiques avec une précision inédite pour mieux comprendre la façon dont fonctionne notre univers.
Lors du lancement, prévu en 2027, il prendra place dans un lanceur Falcon 9 de SpaceX qui partira de la base de la Space Force, au célèbre Cap Canaveral. L’entreprise d’Elon Musk aura droit à une enveloppe de 69 millions de dollars pour l’occasion.
Le pauvre Chandra toujours orphelin
Avec ce lancement, la NASA va continuer d’assurer la continuité des Grands Observatoires. Mais force est de constater que les quatre mousquetaires de l’astrophysique ne sont pas tous logés à la même enseigne. Par exemple, le vénérable Hubble n’a toujours pas de successeur direct malgré ses immenses contributions.
Dans une certaine mesure, cela va bientôt changer avec l’arrivée du télescope Nancy Grace Roman. Même si ce dernier opérera surtout dans le domaine de l’infrarouge, contrairement à Hubble qui est plutôt spécialisé dans la lumière visible, il pourra récupérer certaines de ses responsabilités. Par contre, pour disposer d’un nouvel outil aussi flexible et performant dans le domaine du visible, il faudra attendre le LUVOIR, un concept pas encore validé de télescope ultra-performant et incroyablement polyvalent qui n’arriverait de toute façon pas avant 2039 au plus tôt.
Mais ce bon vieux Hubble reste encore très bien loti par rapport à Chandra, l’expert des rayons X. Comme ses trois compères, c’est une machine exceptionnelle qui a produit des résultats incroyablement marquants ; il a par exemple été le tout premier à détecter les fameuses ondes gravitationnelles proposées par Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Pourtant, cet engin formidable est en train d’être plus ou moins abandonné.
Ces dernières années, le Congrès américain a accordé un budget relativement faible à la NASA, qui s’est retrouvée face à un choix cornélien : continuer de soutenir Chandra, ou mettre le paquet sur les engins de nouvelle génération, comme le JWST. Et l’agence semble avoir choisi la deuxième option. Le budget prévisionnel de Chandra a fondu comme neige au soleil — un sacrifice difficile à avaler pour la communauté scientifique, car cela pourrait marquer le début de la fin pour cet outil ô combien précieux. En avril dernier, le MIT expliquait par exemple que « les coupes budgétaires proposées précipiteraient une fin abrupte pour l’impact profond de Chandra sur l’astrophysique ».
Même si plusieurs institutions ont multiplié les lettres ouvertes pour demander à la NASA de faire de la place à Chandra dans ses finances, son avenir s’inscrit désormais en pointillés. Et c’est particulièrement préoccupant, car c’est le seul Grand Observatoire pour lequel il n’y a toujours pas le moindre successeur à l’horizon. Son départ laisserait donc un vide immense et surtout de très longue durée — avec tout ce que cela implique pour le futur de l’astrophysique.
En attendant le lancement du COSI, il faudra donc espérer que Chandra finira également par avoir droit à un héritier en bonne et due forme pour que les astronomes puissent continuer d’exploiter l’intégralité du spectre électromagnétique.
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