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Avant les dinosaures, un énorme monstre des marais terrorisait la planète

Bien avant l’apparition des célèbres reptiles, Gaiasia jennyae terrorisait les habitants des marais au sud de la planète. Sa présence dans la région pourrait forcer les chercheurs à reconsidérer l’histoire évolutive des quadrupèdes.

Les dinosaures, ces fascinants reptiles qui occupent toujours une place à part dans l’imaginaire collectif, ont régné sur notre planète pendant 165 millions d’années. Mais quarante millions d’années avant leur apparition, un autre bestiau terrifiant faisait apparemment la loi sur Terre. Dans un article récemment publié dans la prestigieuse revue Nature, des chercheurs ont décrit une nouvelle espèce appelée Gaiasia jennyae, un monstre des marais géant qui a sans doute dominé la chaîne alimentaire de son époque.

Tout a commencé en Namibie, dans la formation de Gai-as — un immense gisement de fossiles qui a donné son nom à cette nouvelle espèce. Au cours de ses travaux dans la région, l’équipe de Claudia Marsicano, paléontologue à l’Université de Buenos Aires, est d’abord tombée sur un énorme crâne qui ne ressemblait à aucun autre fossile connu.

« Quand nous avons trouvé cet énorme spécimen, nous avons vraiment été choqués. Nous avons immédiatement compris que c’était quelque chose de complètement différent », explique-t-elle dans un billet sur EurekAlert.

Un superprédateur qui régnait sur son écosystème

Ni une ni deux, Marsicano et ses collègues ont passé la zone au peigne fin en espérant trouver d’autres pièces du puzzle. Et leurs vœux ont vite été exaucés. L’équipe a exhumé des fossiles de plusieurs spécimens, dont un très bien préservé avec un crâne intact encore monté sur sa colonne vertébrale. Une vraie aubaine qui a ouvert la voie à des analyses plus poussées.

Gaiasia Squelette
© C. Marsicano / SWNS

Le premier constat, c’est que Gaiasia était probablement un prédateur de première catégorie à son époque. Anatomiquement parlant, c’était un animal aquatique qui ressemblait vaguement aux salamandres modernes – mais en beaucoup, beaucoup plus imposant. À partir des mensurations du crâne, les chercheurs ont pu déterminer qu’il était « considérablement plus grand qu’une personne adulte ».

Et le reste de son anatomie renforce l’idée qu’il s’agissait d’un prédateur redoutable, probablement tout au sommet de la chaîne alimentaire locale. « Il a une grande tête plate en forme de cuvette de toilettes, ce qui lui permet d’aspirer des proies », indique Pardo. « Il a aussi d’énormes crocs, et tout l’avant de la bouche est constitué de dents géantes », précise-t-il.

Une temporalité très étonnante

Or, le fait de trouver une telle machine à tuer dans cette région a beaucoup surpris les chercheurs. Pour resituer le contexte, il y a 300 millions d’années, la Namibie était située bien plus au sud qu’aujourd’hui. Elle se trouvait presque au niveau du 60e parallèle, ce qui correspond à la limite nord de l’Antarctique moderne.

Or, à l’époque, la Terre commençait tout juste à sortir d’une longue période de glaciation. Dans les régions proches de l’équateur, l’assèchement et le retour de la végétation ont lancé un nouveau grand chapitre dans l’histoire de l’évolution. Les premiers vertébrés à quatre pattes, aujourd’hui appelées prototétrapodes, ont commencé à se séparer en plusieurs branches distinctes qui sont devenues les mammifères, les reptiles et les amphibiens.

Mais dans les régions périphériques comme la Namibie d’antan, la situation était très différente. Les températures restaient relativement basses, et le paysage était dominé par d’immenses marais parsemés de glaciers en train de fondre. Là, de très nombreuses formes de vie bien plus anciennes ont persisté au lieu d’évoluer comme les autres animaux équatoriaux. Et apparemment, ce statut convenait très bien à Gaiasia, si bien qu’il a conservé de nombreux traits de ses lointains ancêtres au lieu de se spécialiser.

Gaiasia Jennyae
Une vue d’artiste de Gaiasia jennyae. © Gabriel Lio

 

« C’est un prototétrapode — un vestige de ce groupe ancien, avant qu’il n’évolue et ne se divise en groupes qui sont devenus les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les amphibiens. C’est vraiment, vraiment surprenant que Gaiasia soit si archaïque. Il était lié à des organismes qui avaient probablement déjà disparu depuis 40 millions d’années », explique Jason Pardo, postdoctorant à l’Université de Buenos Aires et co-auteur principal de l’étude.

Une pièce importante du grand puzzle de l’évolution

Quoi qu’il en soit, cette incohérence temporelle est très intéressante pour les chercheurs. En effet, elle leur livre des indices précieux sur la façon dont le monde a évolué pendant cette époque. « Ça nous montre que ce qui se passait à l’extrême sud était très différent de ce la situation à l’équateur. Et c’est vraiment important », estime Pardo.

Et il ne s’agit pas d’une exagération. En effet, la présence de cet animal si loin de l’équateur pendant la transition entre le Carbonifère et le Permien, une période charnière dans l’histoire de l’évolution,  indique que les tétrapodes continentaux étaient probablement beaucoup plus répandus qu’on ne le pensait à cette époque. Et par extension, qu’il faudra sans doute reconsidérer certains morceaux de l’histoire évolutive des animaux à quatre pattes.

« Il y a de nombreux autres groupes d’animaux apparus à cette époque dont nous ne connaissons pas vraiment l’origine. Le fait d’avoir trouvé Gaiasia si loin au sud nous indique qu’il y avait un écosystème florissant, capable de supporter ces très grands prédateurs. Et plus on s’y intéressera, plus on aura de chances d’y trouver des réponses sur les ancêtres des mammifères et des reptiles modernes », conclut-il.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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