Le mois dernier, Nvidia est temporairement devenue la première entreprise du monde en termes de capitalisation boursière, au terme d’une incroyable percée qui a vu le prix de ses actions exploser en l’espace de quelques mois. Ces résultats financiers hallucinants, la firme les doit avant tout à sa domination sans partage dans un domaine bien précis : le hardware spécialisé dans l’IA, un secteur ultra-porteur où elle dispose d’une part de marché d’environ 80 %.
Évidemment, Jensen Huang et ses troupes s’en frottent les mains. Mais tout le monde ne se réjouit pas forcément de voir le géant vert piétiner le reste de l’industrie de cette façon… à commencer par l’Autorité de la Concurrence. Le régulateur a exprimé ses préoccupations par rapport à Nvidia dans un communiqué récent repéré par Reuters ; il se trouve qu’il suit déjà le cas d’Nvidia de très près depuis plusieurs mois.
« Depuis la sortie publique de CHatGPT en novembre 2022, l’intelligence artificielle générative occupe une place centrale dans le débat public et économique. Les questions qu’elle soulève vont de l’éthique et du respect de la propriété intellectuelle à l’impact sur le marché du travail et la productivité», explique l’Autorité.
« Mais les bénéfices de l’IA générative ne pourront se matérialiser que si tous les foyers et les entreprises ont accès à une grande variété de modèles différents, adaptés à leurs besoins. La compétition dans le secteur doit donc être propice à l’innovation et laisser la place à plusieurs acteurs différents. Dans ce contexte, l’Autorité de la concurrence a décidé le 8 février 2024 de lancer des enquêtes sur la concurrence dans le secteur de l’IA générative. »
CUDA, le cœur de la stratégie d’Nvidia
La principale préoccupation du régulateur semble être la plateforme CUDA. Pour resituer le contexte, la grande force des GPU, c’est que ces composants sont spécialisés dans le traitement d’un très grand nombre d’informations en parallèle. À une époque pas si lointaine, cette spécialisation était presque exclusivement utilisée pour calculer la couleur de chaque pixel affiché à l’écran le plus rapidement possible — d’où leur nom, qui signifie Graphical Processing Unit.
Mais même si tout le monde continue de l’utiliser par habitude, ce terme est devenu plus ou moins désuet, car les prérogatives des GPU modernes dépassent largement la partie graphique. Si nous en sommes arrivés là, c’est en grande partie grâce à CUDA (Compute Unified Device Architecture), une plateforme logicielle qui permet de transformer ces composants spécialisés en un système très versatile, capable de traiter à peu près n’importe quel type de données en parallèle — y compris celles qui passaient autrefois seulement par le CPU.
L’apparition de CUDA a radicalement changé la donne dans les domaines de l’informatique haute performance (HPC) et du machine learning. Aujourd’hui, l’industrie dépend quasi exclusivement de la plateforme CUDA, et l’Autorité de la concurrence estime que cette mainmise pourrait ouvrir la voie à de sérieuses dérives.
Par extension, le régulateur a également souligné un certain nombre de risques pour toute la chaîne de valeur du domaine de l’IA. Nvidia est situé tout au début de cette chaîne, en amont des entreprises comme OpenAI qui développent les modèles IA qui font fureur en ce moment. Par conséquent, elle a le pouvoir de faire la pluie et le beau temps sur toute l’industrie, par exemple en limitant ou en refusant l’accès de certains développeurs à ses puces. Selon l’Autorité, cela pourrait entraîner « des retards ou l’introduction de modèles moins ambitieux, compromettant ainsi une concurrence saine ».
Vers une inculpation en bonne et due forme?
Selon des sources proches du dossier citées par Reuters, le gendarme antitrust français prévoit d’inculper formellement Nvidia pour son comportement prétendument anticoncurrentiel. Le cas échéant, ce serait la première fois ferait l’objet d’une telle mise en cause par une agence nationale.
Selon des personnes connaissant bien l’affaire qui ont parlé à Reuters, l’organisme de réglementation prévoit d’inculper officiellement Nvidia pour un comportement prétendument anticoncurrentiel. C’est la première fois qu’un organisme de contrôle lance une action en justice contre l’entreprise. Si elle est reconnue coupable, elle devra soit procéder à des aménagements pour relâcher son étreinte sur le marché, ou s’acquitter d’une amende qui pourrait atteindre 10 % de son chiffre d’affaires global.
Il sera donc intéressant de suivre les prochaines actions de l’Autorité de la concurrence, mais aussi de garder un œil sur les institutions européennes. La Commission a déjà ciblé plusieurs géants américains de la tech comme Google, Meta, Apple et Microsoft en l’espace de quelques mois. Il ne serait pas étonnant qu’elle se penche aussi sur le cas d’Nvidia dans un futur relativement proche.
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Je trouve ça tout à fait injuste. Ils prennent des risques, des investissement énorme en temps, en ressources etc… pour qu’au final on leur prennent des miettes d’argent. Au fond ils n’ont rien a reprocher à Nvidia, ils veulent juste leur petite part du gateau.
Donc il vaut mieux rester concurrentiel que de pousser l’avancée technologique ?
C’est quand même dommage, le nombre d’innovations à côté desquelles on passe parce que les sociétés doivent attendre pour pas trop avancer par rapport aux concurrents, c’est absurde
Si les ingénieurs de NVIDIA sont plus doués que ceux de la concurrence, c’est pas sur NVIDIA qu’il faut tapper
Comment peut-on reprocher à une société d’être trop « innovatrice?».
C’est à la concurrence de se bouger pour concurrencer Nvidia. C’est comme si on reprochait à un élève 1er de classe d’être 1er de classe. Je trouve que ce genre d’action devrait simplement être interdite parce qu’au final il s’agit juste d’une tentative de profiter financièrement de l’ascension fulgurante de Nvidia.
Quand les cartes graphique de Nvidia seront arrivées à 10000 € pièce vous vous poserez peut être la bonne question.