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Coup de tonnerre : Eumetsat plaque Ariane 6 et file chez SpaceX

La volte-face de l’agence, qui devait être l’un des premiers gros clients de la nouvelle fusée européenne, envoie un message très inquiétant au reste de l’industrie.

Le 9 juillet prochain, Ariane 6 va s’élancer pour un vol inaugural aux enjeux énormes, avec l’objectif de marquer l’ouverture d’une nouvelle ère de prospérité et d’indépendance pour toute l’aérospatiale européenne. La nouvelle coqueluche de l’ESA devrait enfin nous sortir de la fameuse « crise des lanceurs » qui paralyse le Vieux Continent depuis la retraite de son illustre grande sœur, la formidable Ariane 5.

Elle est donc attendue comme le messie par toute l’industrie… ou presque, car un client majeur vient de faire machine arrière. Un désistement qui envoie décidément un mauvais message en cette période charnière.

Eumetsat plaque Ariane pour un Falcon

Le client en question n’est autre qu’Eumetsat, l’agence intergouvernementale qui gère le lancement et les opérations des satellites météorologiques européens. Elle prépare en ce moment le déploiement de son prochain engin, Meteosat Third Generation-Sounder 1 (ou MTG-S1 pour les intimes). Il s’agit d’un satellite de pointe présenté comme une petite révolution dans la prévision et le suivi du climat. En particulier, il permettra pour la toute première fois d’observer l’intégralité du cycle de vie des tempêtes les plus menaçantes pour mieux les anticiper à l’avenir.

À l’origine, l’agence misait sur Ariane 6 pour lancer son nouveau bijou en orbite géostationnaire. Une belle prise pour ArianeGroup et consorts, qui avaient toutes les raisons de se réjouir de ce beau contrat. Mais lors de la dernière assemblée du Conseil, les 26 et 27 juin dernier, sous la pression du contingent allemand, les représentants des 30 pays membres ont finalement décidé de fausser compagnie au contingent européen… et de se tourner vers l’autre côté de l’Atlantique : c’est finalement SpaceX qui va se charger du lancement.

Un sentiment de trahison

Une décision vécue comme un coup de poignard dans le dos, malgré la formulation particulièrement prudente du communiqué où l’agence réaffirme plusieurs fois son engagement en faveur de l’autonomie technologique européenne. Philippe Baptiste, directeur exécutif du CNES, a par exemple manifesté sa déception dans une déclaration qui fleure bon le ressentiment, même si elle est formulée avec beaucoup de tact.

« J’attends avec impatience de comprendre les raisons qui ont pu pousser Eumetsat à prendre une telle décision, dans cette période où tous les acteurs de l’aérospatiale européenne ainsi que la Commission européenne réclament des satellites européens à bord de lanceurs européens ! », a-t-il pesté dans un post LinkedIn. « C’est du sabotage de prendre une telle décision à ce moment-là », fustige un responsable européen cité par La Tribune. D’autres vont même jusqu’à parler de « trahison ».

Ce désarroi est compréhensible, sachant qu’à l’heure actuelle, l’agence n’a pas donné d’explication officielle et se contente d’invoquer des « circonstances exceptionnelles ».

Il faut reconnaître que la fusée n’a pas encore eu l’occasion de faire ses preuves, contrairement aux Falcon de SpaceX qui enchaînent les missions à un rythme affolant depuis des années. Dans ce contexte, ce choix pourrait sembler pragmatique à première vue ; après tout, pourquoi prendre le moindre risque pour le lancement d’un engin aussi précieux ?

Du sel dans la plaie

Mais il n’y a pas que l’aspect technique qui est important dans cette décision. Elle comporte aussi une composante intrinsèquement politique qui explique beaucoup mieux la réaction des équipes derrière Ariane.

En effet, ce n’est pas la première fois qu’un contrat important passe sous le nez de l’Europe au profit de l’entreprise d’Elon Musk. Elle a déjà récupéré le lancement d’Euclid, le fabuleux chasseur d’énergie noire de l’ESA qui commence déjà à rapporter de superbes résultats. Nous avons aussi dû lui céder le lancement des satellites Galileo, le pendant européen du système de navigation GPS américain qui revêt pourtant une importance absolument cruciale au niveau stratégique.

Ces décisions embarrassantes ont été prises à un moment où l’Europe n’avait pas vraiment d’autre choix, puisqu’Ariane 6 continuait d’accumuler du retard et que ces programmes ne pouvaient pas se permettre de continuer à faire du sur-place. Mais cette fois, la situation est différente. Ariane 6 est désormais censée être fin prête ; vu de l’extérieur, on peut difficilement interpréter cette décision comme autre chose qu’un manque de confiance dans ses capacités. Cela contraste clairement avec le discours de l’ESA, du CNES et d’Arianespace, qui continuent de vanter les mérites de leur diva qui n’en finit plus de se faire attendre.

Vous l’aurez compris, cette volte-face est assez catastrophique en termes d’image. Il y a un risque certes faible, mais bien réel qu’elle pousse d’autres partenaires à suivre la même trajectoire. Avec des conséquences non négligeables pour l’autonomie de l’aérospatiale européenne qui est au cœur des débats autour d’Ariane 6…

Ariane ou pas, l’Europe n’est pas sortie du pétrin

C’est d’autant plus embêtant que toute l’industrie joue gros avec ce nouveau véhicule. En effet, la fusée ne sera pas capable d’assurer l’avenir du contingent européen sur le long terme à elle toute seule.

Contrairement à ses principaux concurrents, il ne s’agit pas d’un lanceur réutilisable. Une erreur stratégique énorme, sachant qu’il s’agit du nouveau standard vers lequel toute l’industrie est en train de se tourner dans le sillage de SpaceX. En plus de constituer un désavantage compétitif énorme, cela témoigne aussi et surtout d’un gros retard en termes de recherche et de développement.

Pour que l’Europe puisse recommencer à surfer sur la vague générée par les Falcon, il faudra attendre Maia, un nouveau projet de lanceur européen réutilisable qui n’arrivera pas avant plusieurs années.

Dans ce contexte, Ariane 6 n’aura absolument pas le droit à l’erreur la semaine prochaine. Elle devra absolument frapper fort avec un lancement absolument irréprochable à tous les niveaux — non seulement rassurer tous les autres clients et respecter un calendrier qui a déjà été largement malmené, mais aussi pour commencer à assurer la transition avec Maia dans les meilleures conditions possibles. Dans le cas contraire, c’est tout le rêve spatial européen qui pourrait commencer à vaciller de manière irréversible.

Nous vous donnons donc rendez-vous le 9 juillet prochain, en touchant du bois pour que le vol inaugural se déroule sans accroc.

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Source : Eumetsat

8 commentaires
  1. Lamentable, où est l’entente Européenne. C’est de la trahison à tous les niveaux. Je comprends mieux les Britanniques maintenant.
    La France Généreuse donatrice au sein de l’Europe, (200 milliards d’Euros) mis sur le banc de touche et pas seulement que pour Ariane…
    L’idée d’un Frexit n’est plus à exclure.

    1. Le Frexit est certainement la plus grosse connerie envisageable. Suffit de regarder outre-manche l’état catastrophique du pays.
      Et on peut largement comprendre qu’une société n’est pas envie d’essayer les plâtres d’un lancement incertain, et perdre plusieurs centaines de millions dans une boule de feu.
      Pas de traitrise, juste du bon sens.
      La traitrise, c’et lorsque l’ESA a estimé que Musk était un clown et que son système de fusée à récupérer n’était pas viable.
      On voit le résultat… Et la perte de plusieurs années d’avance technologique parce que, nous, européens et Français, sommes de gros cons empêtrés dans nos préjugés. Particulièrement celui de croire que nous sommes les meilleurs. Il y a juste des domaines dans lesquels nous sommes moins mauvais.

      1. Personnellement je critiquerai plus l’Europe là dessus que l’ESA je pense que les compétences et les idées sont là mais les budgets et les décisions politique empêche d’y aller.

        1. Pas d’auto-flagellation. Juste de la constatation.
          On peut aussi reparler du Minitel, du Bibop, de SuperPhoenix et j’en passe. Des trucs sur lesquels nous étions en pointe… Et qui sont passés à la trappe par bêtise, démagogie, manque d’ambition et de moyens. Tiens, regarde ITER. on a lancé ca, au top. On se fait damer le pion par tout le monde parce que la gestion étatique et délirante de ce truc là fait perdre un temps de malade au process… Au point que le reste du monde finira par avoir la fusion avant nous, en ayant commencé 20 ans avant. Et investit 20 Milliards.
          Avec un Etat pantagruélique qui taxe tout, tout le temps, pour rien, sans contrepartie intelligente, et sans compétences, on arrive à ce résultat.
          A tout régenter, on est mauvais partout… Mais moins dans certains domaines, heureusement.

    2. Un frexit quelle bonne idée cela a apporté tellement aux anglais et pourtant c’était pas grand chose pour eux. Pas de changement de monnaie, pas de changé au niveau des frontières déjà pas dans Schengen…

      Si on sort autant dire fin de l’euro on va retrouver 10 ans de conversion. Les industriels en profiteront bien pour une petite augmentation. Et puis bon courage pour négocier des traités de commerce avec les Usa ou la Chine…

      Le problème c’est qu’on a pas de détail ici sur le pourquoi mais de ce que j’ai lu ailleurs ça serait surtout le fait que ça soit un lancement nécessitant une Ariane 64, or c’est une 62 qui va seulement commencer. Autant dire que les versions 64 sont peut être encore loin de voler. Vu le retard d’Ariane c’est pas tellement surprenant.

    3. Le Frexit serait une immense connerie, par contre un jour il va falloir sérieusement se pencher sur l’attitude des allemand; ce n’est pas la première fois qu’ils nous trahissent.

Les commentaires sont fermés.

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