Passer au contenu

Un trou noir gargantuesque défie les théories sur l’Univers précoce

La présence de trous noirs extrêmement massifs à l’époque de l’Aube cosmique laisse les astronomes perplexes, et des informations cruciales sur la formation des premières galaxies pourraient émerger de ces incohérences fascinantes.

Le James Webb a encore ajouté une observation spectaculaire à sa collection. Dans un communiqué repéré par ScienceAlert, des chercheurs ont annoncé que le roi des télescopes leur avait permis de documenter un trou noir pas comme les autres, et pour cause : il est si lourd et si ancien qu’il défie tous les modèles cosmologiques actuels.

La découverte de cet objet, baptisé J1120+0641, remonte à 2011. Pendant plusieurs années, il s’agissait du trou noir le plus ancien jamais documenté. Même si les astronomes ne pouvaient pas en tirer beaucoup d’informations, on savait tout de même qu’il s’était formé il y a un peu plus de 13 milliards d’années, environ 770 millions d’années après le Big Bang. Mais depuis, la technologie a beaucoup progressé avec l’arrivée de nouveaux instruments de pointe, comme ceux du James Webb Space Telescope. Cela a ouvert la voie à des observations nettement plus poussées, et le statut de ce trou noir a complètement changé à la lumière de ces nouvelles informations.

Aujourd’hui, son âge ne constitue plus un record. Ces dernières années, le JWST a braqué son objectif sur des trous noirs encore plus anciens comme celui de la galaxie GN-z11, qui s’est formé il y a environ 13,4 milliards d’années — à peine 400 millions d’années après le Big Bang. Pour comprendre ce qui le rend si intriguant pour les chercheurs, son âge ne suffit pas ; il faut aussi tenir compte de sa masse.

Un objet trop massif par rapport à son âge

En effet, celle-ci a été estimée entre un et deux milliards de fois celle du Soleil. Il rentre donc très largement dans le cercle fermé des trous noirs dits supermassifs, ces véritables titans si imposants que leur influence gravitationnelle peut structurer des galaxies entières. Et même lorsqu’on le compare aux autres membres de cette catégorie, celui-ci est particulièrement énorme. Pour référence, Sagittarius A*, le trou noir supermassif qui occupe le centre de la Voie lactée, émarge “seulement” à environ 4 millions de masses solaires.

Pourtant, il ne s’agit pourtant pas d’un record dans l’absolu. Les astronautes en ont déjà repéré plusieurs autres qui sont encore nettement plus massifs. On peut citer M87, le trou noir supermassif qui a été le premier à être directement photographié en 2019, avec 6,5 milliards de masses solaires, ou encore NGC 4889, avec 21 milliards de masses solaires. Tout en haut de cette échelle, on trouve TON 618, le trou noir le plus imposant découvert à ce jour avec un hallucinant 66 milliards de masses solaires au compteur.

J1120+0641 ne boxe pas du tout dans la même catégorie que ces derniers. Par rapport à eux, il ferait presque figure de gringalet. Mais lorsqu’on intègre à la fois sa masse et son âge à l’équation, on obtient un objet qui semble complètement aberrant.

Trou Noir Supermassif Aube Cosmique
Une vue d’artiste d’un trou noir supermassif actif comme J1120+0641. © T. Müller / MPIA

En effet, son âge le place à une époque appelée l’Aube cosmique, la période charnière où les toutes premières étoiles ont commencé à se former et à illuminer le cosmos. Or, en théorie, les trous noirs supermassifs apparus aussi tôt (toutes proportions gardées) dans l’histoire de l’Univers devraient être nettement moins imposants. Pour référence, le trou noir de GN-z11 se limite à “seulement” 2 millions de masses solaires, soit 500 fois moins que J1120+0641 ! Et pour le moment, les astronomes ont énormément de mal à expliquer comment un tel béhémoth a pu émerger lors de l’Aube cosmique.

Pour estimer la masse théorique d’un trou noir, les chercheurs se basent en grande partie sur la Limite d’Eddington. Elle dépend de l’équilibre entre les forces gravitationnelles, dirigées vers le centre de l’objet, et la pression de radiation qui s’exerce dans le sens opposé. Au-delà de cette limite, le matériel surchauffé par les forces dantesques émanant du trou noir deviendrait si lumineux que la pression de radiation surpasserait la gravitation, empêchant l’objet de grandir. Or, pour dépasser la barre du milliard de masses solaires aussi tôt dans l’histoire de l’Univers, J1120+0641 aurait dû pulvériser la limite d’Eddington.

Les pistes alternatives s’effondrent

Pour tenter d’expliquer cette incohérence décidément perturbante, les astronomes ont exploré une autre piste : celle de l’accrétion supra-Eddington. L’idée, c’est que si un trou noir supermassif s’active soudainement à un moment où il a énormément de matière à disposition, pourrait avaler une quantité gigantesque de matériel avant que la pression de radiation ne commence à faire effet. Et donc dépasser temporairement la limite d’Eddington.

Pour que ce scénario tienne la route, il fallait cependant confirmer que J1120+0641 dispose d’un buffet de gaz et de poussière suffisamment garni pour lui permettre de s’empiffrer à un rythme affolant. Les chercheurs ont donc pointé le JWST et ses capteurs infrarouges ultra-performants sur le trou noir l’année dernière. Ils espéraient trouver des traces d’un tel banquet. Mais après avoir analysé les données pendant plus d’un an, ils sont finalement revenus bredouilles. Tout indique que le trou noir respecte parfaitement la limite d’Eddington, et qu’il absorbe de la matière à un rythme normal pour un mastodonte de ce genre.

En d’autres termes, les observations du JWST ont coupé court à la piste de l’accrétion supra-Eddington. Désormais orphelins de leur meilleure hypothèse, les auteurs de l’étude se sont demandé s’ils auraient pu mal interpréter les données. Selon ScienceAlert, un surplus de poussière aurait par exemple pu passer inaperçu, conduisant ainsi l’équipe à surestimer la masse de l’objet. Mais les chercheurs ont eu beau décortiquer les images dans toutes les longueurs d’onde à leur disposition, ils n’ont trouvé aucune trace d’un tel amas. Le mystère reste donc entier.

« En définitive, ces nouvelles observations ne font que renforcer le mystère : ce quasar précoce est étonnamment normal, peu importe à quelle longueur d’onde on observe », explique Sarah Bosman, postdoctorante au prestigieux institut Max Planck et auteure principale de l’étude, ans un communiqué.

La balle est dans le camp du Webb

Mais il ne s’agit pas d’une déception pour autant. En montrant que les trous noirs primordiaux suivent les même règles que les plus récentes, les chercheurs ont surtout montré qu’il reste sans doute des tas de choses à apprendre sur la formation des trous noirs et des galaxies. Une perspective très excitante qui va pousser les astronomes à explorer de nouvelles pistes. Par exemple, les auteurs ont identifié une autre possibilité qui pourrait permettre d’expliquer cette combinaison de masse et d’âge : J1120+0641 aurait pu être obèse à la naissance.

Jwst J1120+0641 Trou Noir
© ESO/M. Kornmesser / NASA / ESA / Hubble Heritage Team (STScI/AURA)

En effet, les résultats pourraient être cohérents si le trou noir s’était formé avec une masse initiale d’au moins 100 000 masses solaires, contre 5 à 10 pour un trou noir typique. Mais là encore, les mécanismes en jeu ne sont pas clairs. Selon l’équipe, J1120+0641 est peut-être né de l’effondrement gravitationnel d’un immense nuage de gaz primordial, par opposition aux trous noirs plus classiques qui émergent à la mort d’une étoile massive isolée. Mais quoi qu’il en soit, il faudra cependant attendre de découvrir d’autres titans de ce genre à l’Aube cosmique pour espérer confirmer ce scénario.

Il conviendra donc de suivre attentivement les observations du James Webb Space Telescope, qui ne cesse de repousser les limites de l’Univers observable depuis sa mise en service.

Le texte de l’étude est disponible ici.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

2 commentaires
  1. Je dit bonjours à toute la communauté.
    J’ai toujours eu une disposition à comprendre notre univers, et ce, depuis mon plus jeune âge. Et, j’en ai conclu que l’univers n’avait pas de fin, n’y de début. J’ai toujours pensé que l’univers était le berceau de la conscience. Une conscience qui nous donne la possibilité de faire le voyage de la vie. Il ai bien sur évident, que l’esprit humain, très fragile et très suffisant. A du mal à concevoir le concept d’éternité. Je pense également, que l’univers détient sont secrets dans l’exploration de la conscience collective de toutes forme de vie. Et comme disait Spinoza, l’univers est le dieu vivant qui nous montre ses œuvres…

  2. Ces observations sont en accords avec les prédictions du modèle cosmologique Janus, développé par Jean-Pierre Petit. James Webb semble être sont meilleur allié.
    Les objets supermassifs au centre des galaxies se forment très tôt dans l’histoire de l’univers, par compression/confinement à cause de la matière de masse négative, et des fluctuations primordiales amplifiées entre matière positive et négative.

Les commentaires sont fermés.

Mode